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20 août, 2020

Comment Ayn Rand a anticipé la « cancel culture »

 Une des œuvres de fiction les moins connues d’Ayn Rand décrit un phénomène brûlant d’actualité.

Un article de The Foundation for Economic Education

De récents législateurs, activistes et réformateurs de l’éducation ont promis de nous mener vers un nouveau monde d’équité. Il n’y aura plus de groupes ayant un mode de vie différent des autres. Il n’y aura plus de groupes ayant une éducation différente des autres. Il y aura la réforme ou sinon, nous avertit Hawk Newsome« nous détruirons le système pour le remplacer ».

Pour avoir un avant-goût de ce temps glorieux, il nous suffit d’ouvrir Hymne d’Ayn Rand. Dans ce roman dystopique, les collectivistes atteignent leur idéal en brûlant villes et livres puis en instaurant une planification centralisée. À partir de là tous sont égaux : également pauvres, également logés, également limités dans ce qu’ils peuvent dire, faire et penser.

Si les fictions dystopiques nous aident à comprendre les dangers qui nous menacent, comme le fait observer Jen Maffessanti, alors il n’y a pas de roman plus pertinent pour notre époque que celui d’Ayn Rand.

Ce qu’Hymne met en lumière c’est la véritable signification des idéaux et du langage collectivistes qui minent non seulement nos droits, mais notre capacité à les exprimer.

« NOTRE NOM EST ÉGALITÉ 7-2521 »

Hymne s’ouvre en mettant en avant le triomphe du collectif au travers du narrateur qui se débat pour exprimer et justifier ses pensées. Dans ce monde il n’y a pas de « je », seulement le « nous » collectif qui est devenu synonyme du bien.

Le roman commence par :

C’est un péché que d’écrire ceci. C’est un péché de penser des mots que personne d’autre ne pense et de les coucher sur un papier que personne d’autre ne doit voir… Et nous savons bien qu’il n’y a pas de plus noire transgression que de faire ou de penser seul.

Seul le « Conseil des vocations » peut approuver un tel écrit. Le narrateur, Égalité 7-2521, lutte pour se conformer aux règles alors même qu’il les brave :

Nous nous efforçons d’être comme tous nos frères humains, car tous les hommes doivent être semblables.

Mais il n’y parvient pas.

Du haut de son mètre quatre-vingts, Égalité 7-2521 domine les autres garçons. Son professeur le prévient : « Il y a du mal dans tes os. »

À l’école il est malheureux car « apprendre était trop facile. C’est un grand péché d’être né avec une tête trop rapide ».

Comment le sait-il ? « Ce sont les professeurs qui nous l’ont dit ».

En fin de compte, Égalité 7-2521 essaye d’imiter ceux qui apprennent lentement.  Mais les professeurs s’en aperçoivent « et nous étions réprimandés plus souvent que tous les autres enfants. »

Et lorsqu’il atteint l’âge de quinze ans, le Conseil des vocations le place au Foyer des balayeurs de rues, où il n’aura plus l’occasion d’afficher son esprit rapide. Équité parfaite.

« NOTRE LANGAGE EMPOISONNÉ »

Hymne préfigure les avertissements de Hayek au sujet de « notre langage empoisonné ». Dans La présomption fatale : les erreurs du socialismeHayek remarque que « aussi longtemps que nous parlons un langage qui s’appuie sur une théorie erronée, nous générons et perpétuons de l’erreur. »

Cette erreur est évidente dans l’usage de mots qui transmettent des jugements de valeur tout entiers.

Dans Hymne, « nous » et « le collectif » sont « bons », exactement de la même manière que, comme le fait remarquer Hayek, « social » désigne aujourd’hui ce qui est « moralement juste. » Et « ce qui semble être une description devient imperceptiblement une prescription » : la justice redistributive.

Un glissement similaire s’opère actuellement avec l’usage du terme équité.

Selon le dictionnaire anglais d’Oxford, la première occurrence enregistrée date de 1315. À partir de ce moment, equity a été utilisé pour signifier « le fait d’être égal ou juste ; l’honnêteté, l’impartialité, l’égalité des chances. »

À présent équité signifie l’impératif moral d’assurer des résultats égaux, comme dans le concept d’éducation équitable : « l’équité reconnaît le fait que certains sont plus désavantagés que d’autres et vise à compenser la malchance et les handicaps de ces personnes. »

Comment l’équité le permet-elle ?  Elle « vise à prendre des mesures supplémentaires pour donner à ceux qui sont dans le besoin plus qu’à ceux qui ne le sont pas. L’équité vise à faire en sorte que le mode de vie soit le même pour tous, même si c’est au prix d’une répartition inégale des accès et des biens. »

En d’autres termes, pour atteindre l’équité, les fonctionnaires traitent sans le reconnaître les gens de manière inégale.

POUR AYN RAND, LE COLLECTIF VA À L’ENCONTRE DE LA LIBERTÉ

Dans Hymne, Ayn Rand illustre les résultats produits par de tels comités. Le Conseil des vocations obtient des modes de vies égaux en regroupant diverses personnes dans le Foyer des balayeurs de rues, où l’équipe de Égalité 7-2521 se compose d’un artiste talentueux et d’un homme incapable d’utiliser son balai en raison de convulsions incessantes. Leur travail est irrégulier, c’est le moins qu’on puisse dire.

Lorsqu’Égalité découvre secrètement l’éclairage électrique et le présente au Conseil des érudits, celui-ci rejette son invention car il en est le seul inventeur. De plus, elle détruirait le Département des chandelles et « ruinerait les plans du Conseil mondial » qui a mis cinquante ans à approuver la chandelle. Le Conseil exige qu’elle soit détruite, voulant métaphoriquement conserver le monde dans l’obscurité.

Pour le collectif, l’objectif est de contrôler les résultats, et non la liberté ou l’épanouissement humain. Et pour garder le contrôle, il s’assure que personne ne puisse voir la vérité et encore moins la dire.

Dans le Foyer des balayeurs de rues, le soir les hommes se déshabillent silencieusement à la pâle lueur des chandelles :

Car chacun doit être d’accord avec tous et on ne peut pas savoir si nos pensées sont celles de tous, donc on a peur de parler.

POUR AYN RAND, « LA PLUS PETITE MINORITÉ SUR TERRE C’EST LA PERSONNE »

Au cours des derniers mois nous nous sommes rapprochés de la dystopie de Rand faite de peur, de censure et d’équité pervertie.

Lors d’une enquête récente à l’Université de Caroline du nord, des étudiants de toutes les sensibilités politiques ont déclaré que (comme les balayeurs de rues) ils adoptaient l’auto-censure en classe, se taisant même lorsque leurs opinions étaient en rapport avec les sujets en classe. Ils ont peur.

Ils ne sont pas seuls. Des foules en ligne détruisent des carrières et des vies, comme John Stossel le remarque dans « La cancel culture est hors contrôle»  Il exhorte ceux d’entre nous qui peuvent parler à le faire.

Pourtant il est de plus en plus difficile de pratiquer la liberté d’expression et d’autres droits, alors que des États font pression pour les éliminer.

La loi californienne a récemment fait passer ACA 5, qui permettrait de corriger des différences dans les admissions à l’université et dans les marchés publics par « des remèdes qui tiennent compte de la race et du genre ».

Cette mesure pour l’équité abrogerait la Proposition 209 qui interdit à l’État de discriminer ou de favoriser un groupe ou une personne sur la base de la race, du sexe ou de l’origine ethnique.

Si les citoyens de Californie l’approuvent, l’État sera légalement en mesure de discriminer des personnes. Pourtant, comme l’avance Ayn Rand :

Les droits des personnes ne sont pas l’objet d’un vote du public ; une majorité n’a pas le droit de retirer des droits à une minorité ; la fonction politique des droits est précisément de protéger les minorités contre l’oppression des majorités (et la plus petite minorité sur Terre est la personne).

Rand exhorte les personnes à prendre position. Dans la préface de l’auteur de l’édition américaine de Hymne, Ayn Rand remarque que « la plus grande culpabilité aujourd’hui est celle de ceux qui acceptent le collectivisme par défaillance morale ».

Si nous avons besoin de modèles, il nous suffit de nous tourner vers Leonard Read.  Il a découvert qu’Hymne avait été publié en Angleterre en 1938 mais avait été refusé par les éditeurs américains. Ayant décidé qu’il méritait une audience plus large, il fit paraître la première édition américaine avec Les Pamphlétaires en 1946, l’année même où il a fondé la FEE.

Les choix peuvent varier pour chacun de nous, mais comme John Stossel nous y exhorte, ceux d’entre nous qui peuvent s’exprimer doivent le faire.  Sinon nous risquons de plonger dans la version du XXIe siècle de Hymne.

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