La société libérale, pluraliste et tolérante, telle qu’imaginée
par Friedrich Hayek ne peut exister sans une économie de libre marché. Une
société libre est encadrée par les règles qu’elle se donne plutôt que par les
fins qu’elle poursuit. Une fois les règles établies, par exemple la propriété
privée des moyens de production, il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur
les fins recherchées pour vivre en paix. Peu importe les fins recherchées par
chaque individu, elles peuvent être satisfaites par le libre marché.
Par contre, le fonctionnement d’une économie socialiste est
déterminé par les fins qu’elle poursuit. La collectivité détermine les fins qui
seront poursuivies, par exemple un régime de santé universel, et centralise les ressources
nécessaires à la poursuite de cet objectif. Ainsi, les
individus perdent toute liberté de choix.
Dans
le texte qui suit, Steven Horwitz, résume l’analyse économique de Hayek.
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Friedrich Hayek : une vision libérale tolérante et
pluraliste Friedrich Hayek, qui aurait eu 113 ans cette semaine, est sans doute
l’économiste et le philosophe social le plus important du XXe siècle. Tant de choses
ont été écrites sur Hayek et ses contributions qu’il est parfois difficile de trouver
un point d’entrée pour dire quelque chose à la fois de nouveau et d’important.
Bien que beaucoup ait été dit au sujet de l’analyse économique
de Hayek, de sa théorie politique, et de sa théorie de la connaissance, en réalité
peu a été dit au sujet de sa vision plus large d’une société libérale. C’est une
chose que de parler des constitutions, des ordres spontanés et de l’utilisation
des connaissances dans la société, mais quelle vision trouve-t-on derrière tout
cela? Quel genre de monde l’ordre libéral est-il? Qu’est-ce donc que ce qu’Hayek
appelle la « Grande Société », au niveau plus personnel?
Je défends ici l’idée que la vision de Hayek de l’ordre
libéral est construite sur les valeurs fondamentales du pluralisme et de la
tolérance, qui sont tous deux véhiculés par des propriétés importantes de
l’économie de marché. Comme le dit Hayek dans le deuxième volume de sa trilogie
Droit, législation, et liberté, « société libre est une société pluraliste sans
hiérarchie commune de fins particulières». Cela signifie que le marché, comme
les autres institutions sociales (comme le langage), est un processus de
coordination sociale qui est « indépendant des fins » : peu importe
nos fins particulières, nous pouvons tous utiliser le processus de marché pour
les atteindre. J’aime peut-être la cuisine mexicaine, vous pourriez aimer la
cuisine indienne, mais nous n’avons pas besoin de prendre une décision unique
quant à ce que nous allons tous deux manger. Nous pouvons chacun parvenir à nos
fins différentes à travers le marché.
Voici la chose importante : une fois que nous sommes
d’accord sur les règles, nous n’avons pas besoin d’accord sur les fins pour
vivre en paix les uns avec les autres. La société libérale est « connectée
par les moyens » et non « connectée par les fins ». Les marchés nous
permettent d’être en désaccord pacifiquement, alors que chacun poursuit
son propre chemin.
Mais remarquez que pour permettre ce type de société, nous
devons être prêts à tolérer les différences avec les autres. Nous devons
reconnaître que notre liberté de parvenir à nos fins se paie au prix de
permettre à d’autres la même chose, même si nous trouvons leurs fins
déplaisantes. Pour reprendre les mots du fondateur de la Fondation pour
l’Éducation Économique, Leonard Read, nous devons être prêts à accepter
« tout ce qui est pacifique ». C’est ce que Hayek signifie quand il
dit qu’une société libre est une société pluraliste.
Comparons cela au socialisme ou au fascisme. Ces systèmes
nécessitent une hiérarchie unique des fins ; selon la théorie, le niveau
collectif décide quelles fins seront poursuivies et lesquelles ne le seront
pas. Lorsque les ressources sont allouées de manière centralisée, la poursuite
de nos propres fins individuelles est impossible. Nos fins particulières
doivent être subordonnées aux priorités de l’Etat ou de la collectivité. Le
résultat n’est pas le « désaccord pacifique » et la tolérance de
l’ordre libéral, mais des conflits constants pour les rênes du pouvoir, afin de
parvenir à ses fins au détriment des autres. Le jeu à somme positive de la
société libérale, notamment à travers le marché, est alors transformé en un jeu
à somme nulle ou à somme négative du pouvoir de l’Etat.
Bien que la tolérance et le pluralisme que le libéralisme
exige soient caractérisés de manière minimale comme le refus de recourir à la
coercition pour empêcher « tout ce qui est pacifique », le
libéralisme nous encourage puissamment à coopérer avec ceux qui sont différents
de nous. Comme Hayek le souligne aussi, le mot grec de « catallaxie »
qui exprime « échanger » signifie également « admettre dans la communauté »
et « changer un ennemi en ami ». L’échange, dans une société fondée
sur le marché, nous met en contact avec de nouvelles personnes ayant des fins
différentes et conduit ces personnes dans notre ensemble de relations sociales.
Nous pourrions choisir d’ignorer ces différences, mais notre exposition
pourrait nous conduire à faire des choix nouveaux et différents à l’avenir, ou
du moins nous rendre plus ouverts à la variété des fins que les autres
poursuivent.
En d’autres termes, l’échange peut nous aider à apprécier le
pluralisme de l’ordre libéral.
Pour Hayek, la société libérale est pluraliste. C’est une
société où la poursuite de « tout ce qui est pacifique » n’est
limitée que par notre imagination et par notre tolérance à l’égard des
poursuites similaires par d’autres personnes. Sa vision n’est pas strictement
économiste, mais largement humaniste.
Steven Horwitz le 11 mai 2012. Steven Horwitz est Professeur
d’économie à la St. Lawrence University aux USA. Une version de cet article a
été publié initialement en anglais sur le site www.FreeManOnline.org.
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