Tout comme Sophie Cousineau je me réjouis de l’annonce de la venue de Morgan Stanley à Montréal. Un des facteurs importants qui ont motivé Morgan Stanley à venir s’installer à Montréal est la disponibilité de travailleurs qualifiés.
Cela démontre qu’en créant un environnement favorable il est possible d’attirer des investissements importants au Québec. Malheureusement, la disponibilité de ressources qualifiées était une condition nécessaire, mais non suffisante, pour attirer Morgan Stanley.
Le gouvernement a dû encore une fois piger dans les poches des contribuables pour convaincre Morgan Stanley de venir à Montréal. L’entente prévoit que Québec défrayera 30% des coûts de mains-d’oeuvre de la nouvelle entreprise (environ 60 millions).
Pourquoi les contribuables doivent-ils financer une entreprise dont le chiffre d’affaire équivaut au deux tiers du budget du Québec?
À première vue on est enclin de conclure que c’est parce que Montréal était en compétition avec d’autres villes à travers le monde. Toutefois, en y regardant de plus près, on découvre que la vraie raison est ailleurs. Les subventions sont nécessaires pour compenser un manque de liberté économique.
Sophie Cousineau, Cyberpresse, Jeudi 1 Mai 2008
Morgan Stanley : un coup fumant
Jim Rosenthal, chef de la technologie et des activités mondiales de la banque d’affaires Morgan Stanley, affichait un sourire dubitatif lorsque Jean Charest lui a tendu un chandail du Canadien de Montréal avec Morgan Stanley 08 inscrit dans son dos. Et ce n’est pas parce que la subtilité du clin d’œil du premier ministre du Québec a échappé au financier new-yorkais !
Coupe Stanley, Morgan Stanley, got it ? Wink, wink !
Jean Charest n’a pas semblé remarquer le peu d’empressement de Jim Rosenthal (un partisan des Rangers?) à enfiler le chandail du Canadien sur son habit cravate. En fait, le premier ministre ne portait plus à terre tellement il rayonnait. Il faut dire que la semaine a été fort bonne pour lui.
L’affaire Bruno Fortier est déjà un lointain souvenir. Et le dernier sondage Crop-La Presse laisse entrevoir sa réélection à la tête d’un gouvernement majoritaire à la faveur d’une opposition en déroute.
Mais il serait réducteur de considérer l’arrivée de Morgan Stanley au Québec sous le seul angle politique. Avant d’être un bon coup pour le chef libéral, c’est une excellente nouvelle pour Montréal.
La ville a d’ailleurs bien besoin d’un remontant. Et ce n’est pas uniquement parce que le Canadien fait maintenant face à l’élimination dans les séries ! La dernière année a été difficile, avec la perte du siège social d’Alcan et la fermeture annoncée des usines de Golden Brands (600 emplois) et de Flextronics (700 emplois), entre autres coups durs.
Or, les 500 emplois que Morgan Stanley projette de créer dans la métropole d’ici cinq ans sont bien mieux que de menus boulots. Les firmes de courtage sont parmi les utilisateurs de technologie de l’information les plus sophistiqués.
Pour développer des logiciels et assurer le soutien information de ses systèmes, Morgan Stanley recrutera des diplômés en informatique, en ingénierie, en maths, dont certains docteurs ès sciences pour les modélisations les plus complexes, a expliqué Drew Vaden, directeur administratif responsable du développement logiciel. Les salaires seront de 60 000 $ en montant.
On ne parle pas, non plus, d’emplois qui déménagent d’un bout de la ville à l’autre, comme c’était le cas avec les fameuses cités du multimédia et du commerce électronique. Le gouvernement a calculé qu’en 2006, 55% des 22 000 emplois créés dans les sites désignés arrivaient d’un bureau situé ailleurs au Québec !
Dans son dernier budget, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a eu l’intelligence d’étendre les crédits d’impôts sur les salaires à toute la province, tout en resserrant les critères d’admissibilité pour encourager l’innovation et non plus les fonctions routinières de soutien administratif.
Même en étant moins généreux, ces crédits représentent une aide financière de l’ordre de 10 millions de dollars par année. Cette aide sera offerte pendant six ans, pour un total qui frise les 60 millions.
Pourquoi subventionner une firme qui compte plus de 749 milliards en actif sous gestion ? Son président du conseil et chef de la direction, John Mack, n’a-t-il pas empoché 18 millions de dollars l’année dernière ? (C’était une dure année puisqu’il a été privé de sa prime à court terme en raison des 9,4 milliards US radiés en relation avec les hypothèques à haut risque.)
Cela fait grincer des dents…
Toutefois, Montréal rivalisait avec des villes de l’Inde, de Chine, de l’Europe de l’Est et de l’ouest des États-Unis, a précisé Jim Rosenthal. Or, il faut être naïf pour croire que ces juridictions n’offraient pas elles aussi des incitatifs pour attirer chez eux des emplois d’une pareille qualité.
Mais, il n’y a pas que les subventions qui ont séduit Morgan Stanley. Il y a le bassin de travailleurs qualifiés et la proximité tant géographique que culturelle avec New York. Travailler dans le même fuseau horaire plutôt qu’avec un décalage de 12 heures, cela reste un sacré avantage.
La venue de Morgan Stanley vient appuyer les conclusions d’une étude de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) de 2005, selon laquelle le Canada est l’un des pays qui ont gagné des emplois avec la sous-traitance des services informatiques.
Plusieurs entreprises, notamment les institutions financières, hésitent à sous-traiter leurs services informatiques à l’extérieur de l’Amérique du Nord pour des raisons de sécurité, d’où la popularité de ce nearshoring. C’est d’ailleurs pourquoi des entreprises indiennes comme Tata Consulting Services se sont implantées ici.
Il ne faut toutefois pas prendre cet avantage pour un acquis. Ainsi, l’industrie du développement logiciel n’autorise aucune complaisance, surtout pas dans un environnement où le dollar canadien se négocie à parité avec le dollar américain.
Le travail des employés montréalais de Morgan Stanley sera ainsi comparé à celui des 18 autres centres de développement de logiciel de l’entreprise à travers le monde. Il faudra donc, en bout de ligne, que les grands patrons de la firme américaine soient épatés par le talent, l’ingéniosité et le dévouement de leurs employés montréalais.
C’est de cela dont dépendront les 500 emplois créés, une fois que les subventions seront épuisées.
Cela passe par des diplômés de haute qualité. Cela passe par de bonnes écoles et universités. Et cela passe par le recyclage de la main-d’œuvre manufacturière du Québec, qui constitue un riche bassin de travailleurs inexploité. Encore faut-il requalifier ces travailleurs, ce qui représente aujourd’hui l’un des plus grands défis du Québec.
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