Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

04 mai, 2008

L’art d’être politicien

Stéphane Laporte conclut son texte humoristique en disant : « Au fond, le meilleur des politiciens, et je le dis sans aucun cynisme, c'est quelqu'un qui travaillerait très fort en ayant l'air de ne rien faire. Bref, c'est le contraire d'un fonctionnaire. »

Malheureusement, au Québec c’est tout le contraire. Les politiciens font peu tout en ayant l’air de travailler fort. Comment pourrait-on expliquer autrement l’immobilisme du Québec alors que les ministres émettent entre 40 et 50 communiqués de presse quotidiennement? Les nombreux communiqués de presse servent à donner l’impression qu’ils sont très occupés alors que les vrais problèmes demeurent entiers.


Le dimanche 04 mai 2008
La politique de ne rien faire
Stéphane Laporte, La Presse, Collaboration spéciale

Les politiciens semblent avoir enfin compris. Rappelez-vous le Jean Charest du premier mandat. Le Jean Charest qui était prêt. Trop prêt. Il est arrivé au pouvoir en hyperactif. Coupe ici, coupe là. Change ci, change ça. Développe ci, développe ça. Wo! Wo! Wo! Non, non! On n'aime pas ça, se faire déranger de même. O.K., on l'a élu, mais c'est pas une raison pour qu'il fasse quelque chose! Relaxe, Johnny! Nous, la politique, c'est comme les révolutions: on aime ça tranquille.

Même quand Charest a parlé de baisser les impôts, on s'est rebiffé. Trouvez un autre peuple sur la planète qui refuse des baisses d'impôts? Les Québécois, oui. On est habitué à en payer plus que tout le monde, c'est parfait de même. Faut pas changer nos habitudes. La poutine, Pierre Bruneau, pis payer trop d'impôts. On aime ça comme ça. Depuis qu'on est né que c'est ainsi. On barre ça là.

Pour que l'énervé Charest comprenne bien, on l'a réélu, mais minoritaire. En le remettant au pouvoir, on n'avait pas de changement. Excellent. On haït le changement. Et en le mettant minoritaire, on s'assurait qu'il ne puisse rien faire. Car les deux autres partis pourraient le renverser dès sa première tentative de s'activer. On aurait enfin la paix.

Et ça fonctionne. Depuis que le gouvernement Charest est élu, il ne fait absolument rien. A-rien! Et on est ben. Et on est content. Tellement satisfait que Charest triomphe dans les sondages. Jean n'est pas fou. Il a tout saisi. Less is more. Moins, c'est plus. Je dirais même: rien, c'est tout. Il ne se passera rien jusqu'à la fin de son mandat. Et il va sûrement nous promettre qu'il ne se passera rien durant son prochain. Et on va le réélire. Huit ans de rien, ça ne se refuse pas!

Pauline aussi vient de comprendre. L'indépendance du Québec? On tient ça mort. C'est ben trop radical, comme changement. Un référendum? Oubliez ça! Répondre à une question, c'est trop d'effort. Le PQ aussi est capable de ne rien faire. Pauline va nous le prouver. Même si elle a quand même un peu de difficulté à atteindre le niveau coma, à ne rien proposer du tout. C'est plus fort qu'elle. C'est sa déformation de socialiste engagée. Elle a donc osé vouloir entreprendre une conversation nationale. On ne fait rien, mais on jase. On lui a fermé la boîte assez vite. Elle s'est rapidement rendu compte que les Québécois ne veulent pas jaser. À moins que ce soit de Carey Price.

Pauline n'a pas appris complètement sa leçon. Elle a encore, parfois, des réflexes de militante. Elle veut faire une nouvelle loi 101. Franchement! On en a déjà une. Pas besoin d'une nouvelle. Si on voulait du nouveau, Boisclair serait encore là. Pauline, c'est une ancienne, et c'est pour ça qu'on l'aime. Mais qu'elle garde ses anciennes affaires. Et ses anciennes lois.

Mario, c'est plus complexe. Il ne propose pas vraiment des changements, mais un retour en arrière. Sauf que même revenir en arrière, le peuple trouve ça fatigant. On ne veut pas bouger. Ni avancer, ni reculer, on veut rester là. Alors plutôt que de nous ramener en arrière, il faut que l'ADQ trouve une façon d'apporter l'en arrière où on est. Livrer le passé à domicile. Faisons-leur confiance, ils vont trouver. Après tout, ne pas bouger, c'est la meilleure façon d'être dépassé.

Il était temps que les politiciens comprennent qu'on les aime quand ils ne font rien. C'est comme les animaux. Un chien qui dort, c'est merveilleux. Un gouvernement aussi. Il n'y a rien de plus rassurant pour la nation que le ronflement de son premier ministre. On a déjà assez de préoccupations comme ça.

D'abord, les Québécois célibataires n'ont qu'une volonté, c'est de se matcher. Venez pas les achaler avec une réforme du fédéral ou un nouveau système de santé. Ce qu'ils veulent savoir, c'est si le docteur est cute ou si l'infirmière est bien roulée.

Et les Québécois en couple ont aussi une seule préoccupation: c'est essayer de le rester. Entre les chicanes, les réconciliations et les enfants, il ne leur reste plus de temps pour envisager l'avenir du Québec de façon lucide. Ils ont des courses à faire. Tout ce qu'ils veulent, c'est que tout ait l'air d'aller ben. Or, le changement crée de la turbulence, des mécontents, un débat. No way!

On est chanceux au Québec, parce qu'on a plein d'observateurs et de critiques qui veillent à notre tranquillité. Les chiens de garde de l'immobilisme. Dès que quelqu'un tente de faire quelque chose, dès que quelqu'un sort des sentiers battus, dès que quelqu'un ose une fantaisie, on lui tape dessus. Un nouveau projet? Une nouvelle réforme? Une nouvelle vision? Ça ne passe pas. On le pourfend. On le ridiculise. Les lobbies s'organisent. Et tout avorte. Ce qui fait qu'on réagit plus qu'on agit. On est un peuple de réaction. Mais pas d'action.

Alors pour innover, pour bouger l'immobilité, il faut autant de force que de subtilité.

Au fond, le meilleur des politiciens, et je le dis sans aucun cynisme, c'est quelqu'un qui travaillerait très fort en ayant l'air de ne rien faire. Bref, c'est le contraire d'un fonctionnaire.

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