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03 décembre, 2007

Les éteignoirs

Si vous vous demandez quoi offrir pour Noël je vous suggère « Les éteignoirs – Essai sur le nonisme et l’anticapitalisme au Québec ». C’est un livre qui vaut la peine d’être lu et compris par tous ceux qui souffrent d’une dépendance affective envers l’état.

Le samedi 06 oct 2007
Petit traité sur «les éteignoirs»
Marc Simard, La Presse

L'auteur enseigne l'histoire au Collège François-Xavier-Garneau. Ce texte est extrait de son livre Les éteignoirs - Essai sur le nonisme et l'anticapitalisme au Québec, publié aux Éditions Voix Parallèles. L'ouvrage sera en librairie la semaine prochaine.

Le climat idéologique actuel est, comme le déplorent plusieurs politiciens, entrepreneurs et penseurs, plutôt morose et confine à l'immobilisme, comme le montrent les débats acrimonieux qui s'élèvent au sujet de chaque projet de développement et les difficultés énormes que rencontrent les promoteurs et les gouvernements depuis plusieurs années déjà.

Dans leur combat contre les projets de développement ou au nom de certains principes comme le gel des frais ou des tarifs, les éteignoirs disposent d'une panoplie d'armes qui leur confèrent souvent une importance disproportionnée par rapport à leur poids réel au sein de l'opinion publique: parmi celles-ci, les plus importantes sont la pétition, la manifestation, l'appel à la population par le biais des médias, les injonctions (et non les requêtes) aux gouvernements et la demande de moratoire.

Qui d'entre vous n'a jamais signé une pétition sans l'avoir lue ou même sans en connaître la teneur? Jadis geste solennel impliquant une requête aux pouvoirs publics, la pétition est devenue si fréquente et si banale que nous ne lui accordons pratiquement plus aucune importance.

Elle fait pourtant partie de tous les combats sociaux (elle en est souvent l'acte fondateur) et la plupart d'entre nous en signent plusieurs par année. Rarement par conviction, mais plus souvent par conformisme, rectitude ou peur de déplaire.

Malgré sa dévaluation et le fait que son poids politique est désormais inférieur à son poids en papier (ou même en «k» ou en «gig»), elle est restée un incontournable moyen de manifester son opposition et constitue une des armes (émoussée, cela va sans dire) de l'arsenal des éteignoirs.

Opposition «citoyenne»

La manifestation constitue le point d'orgue de tout mouvement d'opposition «citoyenne» et provoque chez certains «nonistes» un état extatique. Certains pros n'en manqueraient pas une et font parfois des milliers de kilomètres (sans doute à pied ou à vélo pour ne pas contribuer à l'effet de serre) pour pouvoir dire qu'ils «y étaient».


Malgré sa prétention à constituer un moyen de pression face aux pouvoirs publics ou contre les promoteurs, elle est en fait un rituel religieux. Elle commence toujours par une procession, qui comporte des incantations contre le mal («Mort à l'Amérique»; «À bas le profit») et les suppôts de Satan («Bush au pilori!»), des répons («So-so-so, solidarité»), des mantras («Le peuple uni ne sera jamais vaincu») et parfois des chants sacrés (L'Internationale, Le temps des cerises ou Quand les hommes vivront d'amour, par exemple).

Elle porte aussi en elle la possibilité de sacrifices humains, certains de ses participants s'exposant volontairement au poivre de Cayenne et aux gaz lacrymogènes, recherchant l'arrestation musclée ou se faisant infliger des scarifications ou des hématomes (évidemment dus à la «brutalité policière») qu'ils exhiberont ensuite devant leurs coreligionnaires comme des preuves de leur immolation pour le bien et la justice.

Elle est aussi l'occasion d'une purification ou même d'un exorcisme, le manifestant démontrant à la face (médiatisée) du monde qu'il a expulsé le mal de sa personne et qu'il a renoncé à Lucifer, à ses pompes et à ses oeuvres.

Elle a bien sûr ses martyrs, tombés au combat pour la cause, sanctifiés et élevés au rang d'icônes. Mais elle est surtout, comme les rites de toutes les confessions, une façon pour les élus de se reconnaître entre eux et de se distinguer des infidèles, le moment privilégié où communient les apôtres et les prosélytes de la bonne parole.

Tenue jadis sur le mode «enragé», elle a pris depuis une quinzaine d'années un visage festif (avec ses horripilants tambours) et clownesque (avec ses masques et ses déguisements) qui détourne l'attention de la variété des motifs de ses participants (des corporatistes et des protectionnistes aux bien-pensants en passant par les anarchistes) et de son potentiel de violence, qu'aucun de ses organisateurs ne daigne condamner sous prétexte de démocratie, de liberté, de participation citoyenne et d'union contre le mal et le danger. (...)

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