La mobilité sociale n’est pas si mauvaise en France et joue dans les deux sens. Selon les chiffres d’une étude de l’Insee produite le 2 juin 2022, parmi les enfants de parents défavorisés (tout en bas de la distribution des revenus des parents), un quart fait partie des 40 % aux revenus les plus élevés de leur génération tandis que, parmi les enfants des parents les plus aisés, un quart appartient aux 40 % des revenus les plus faibles. Ou encore, 72 % des enfants de 28 ans appartiennent à un cinquième de revenu différent de celui de leurs parents. Parmi les enfants dont les parents sont les plus modestes, dans le plus bas cinquième de la distribution des revenus, 31 % restent dans le premier cinquième (le « plancher collant ») et 12 % font une mobilité très ascendante vers le plus haut cinquième.
Il n’est pas pour autant certain que le taux français de mobilité ascendante soit, comme le dit l’Insee, supérieur à celui qui est observé aux États-Unis. Certes, il semble que le rêve d’ascension sociale auquel croient encore beaucoup d’Américains peine plus à se concrétiser aujourd’hui qu’hier. Néanmoins, une étude réalisée en 2018 par l’OCDE montre qu’il faut en moyenne six générations aux enfants de France nés dans le décile le plus pauvre pour se rapprocher du revenu moyen alors qu’il ne leur en faut que cinq aux Etats-Unis, et 4,5 en moyenne dans l’OCDE.
La mobilité est plus importante dans les pays riches
Ces résultats soulignent notamment que l’ascenseur social fonctionne mieux dans les pays riches que dans les pays pauvres et que son efficacité n’est pas nécessairement liée à l’importance de la redistribution publique : la moitié des pays dans lesquels le rattrapage à la moyenne des revenus se fait en quatre générations a des prélèvements obligatoires inférieurs à 35% (chiffres OCDE) du PIB en 2021 (Australie, Canada, Japon, et Nouvelle Zélande). Les Etats-Unis, où il faut cinq générations, ont des prélèvements obligatoires de 28,58% alors que la France, où il en faut 6, a des prélèvements obligatoires de 45,15%. On note également que les pays de l’OCDE où il faut le plus de générations pour sortir de la pauvreté sont les plus pauvres : Colombie, Afrique du Sud, Brésil, Inde, Chine, Hongrie…
Bien d’autres facteurs que le milieu social comptent pour pouvoir s’élever socialement et économiquement. Selon l’Insee, seuls environ 30 % de la variation de rang des jeunes adultes seraient liée au milieu familial. Bien sûr, la mobilité ascendante est plus forte quand les parents ont des revenus du capital élevés ou sont diplômés du supérieur, mais aussi dans les zones urbaines denses et riches où il y a plus d’opportunités d’études et d’emploi. Elle est également plus importante pour les enfants de parents immigrés (15 %, contre 10 % pour les autres) qui ont peut-être plus que d’autres la volonté de s’en sortir et d’éduquer leurs enfants. Mais l’analyse est complexe parce que c’est aussi, note l’Insee, différent selon l’origine : « Parmi les descendants d’immigrés, les enfants dont le parent au plus haut revenu est né en Asie ont la plus forte probabilité de mobilité ascendante (16 %) ».
L’escalier social
Il est vrai que la possibilité de mobilité sociale est probablement le facteur le plus important pour aider les peuples à sortir de la misère. L’espoir de s’élever de sa condition est une motivation très forte pour conjurer le sort auquel, sinon, on s’abandonne facilement. L’idée même que les Américains croient à l’ascenseur social est auto réalisatrice, elle les aide à s’engager dans le dur chemin d’étude, de travail et parfois d’humiliation qui mène aux marches supérieures. Car il s’agit plus souvent d’un escalier social, abrupt et périlleux, que d’un ascenseur. Mais c’est un escalier salutaire pour ceux qui ont la volonté et la liberté de l’emprunter. Car dans les pays qui sont figés dans des classes ou des ordres économiques, religieux ou politiques, la mobilité sociale n’est qu’une idée pure.
En définitive, le meilleur moyen d’aider les plus pauvres à emprunter l’ascenseur social est de leur offrir une éducation qui élève plus qu’elle n’abaisse, qui suscite, comme aux Etats-Unis, l’admiration du succès plutôt que, comme en France, la jalousie envers ceux qui l’ont gagné par leur travail et leur intelligence. Mais il faut aussi leur assurer un état de droit qui leur permette d’entreprendre leur parcours sans subir de discriminations liées à leur personne et abaisser le poids des réglementations et des charges fiscales qui sont autant de barrières à la montée de l’escalier social.
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