Le GIEC a publié ce lundi 20 mars 2023 la synthèse finale de son sixième rapport à destination des décideurs.
Le rapport proprement dit est divisé en trois parties contenant plus de 5000 pages que très peu de personnes liront. Nous nous contentons ci-dessous de commenter la synthèse et d’émettre quelques recommandations.
Ligne de référence – constat
Les données disponibles confirment que depuis le début des années 1960, la planète s’est réchauffée de 1° (1,1° depuis l’ère préindustrielle – valeur la plus élevée depuis 2000 ans).
Durant la même période, la teneur en GES dans l’atmosphère a augmenté de 100 ppm (130 ppm depuis l’ère préindustrielle) pour atteindre une concentration de 410 ppm en 2019 (valeur la plus élevée depuis 2,5 millions d’années). Aucun phénomène naturel (solaire, volcanique ou astronomique) ne peut justifier la rapidité de tels accroissements au cours de périodes de temps aussi courtes. Le GIEC en conclut donc avec une « forte confiance » que le réchauffement climatique est bien d’origine anthropique lié à la combustion des énergies fossiles (cause principale), l’agriculture et la déforestation (causes secondaires). Depuis 1750, ces émissions ont accru le flux radiatif terrestre de 2,72 W/m2.
Ce réchauffement climatique induit sur le moyen terme
- Une réduction de la surface glaciaire (calottes glaciaires, glaciers et neige).
- Une accélération de l’élévation du niveau de la mer (dilatation + fonte des calottes glaciaires).
À court terme, il accroît (avec une « forte confiance ») les vagues de chaleur et les précipitations extrêmes. En revanche, il n’y pas aujourd’hui d’évidence quant à son impact sur les sécheresses, les cyclones tropicaux et les incendies.
Scénarios
Sur base de nombreux modèles climatique, le GIEC a proposé cinq scénarios estimant le réchauffement en 2100 résultant de trajets d’émissions différents. Deux scénarios sont particulièrement intéressants1.
Le scénario SSP1–1,9 est conforme aux objectifs de Paris (réchauffement limité à 1,5° en 2100 et décarbonation totale en 2050) et atteint la neutralité carbone en 2050. Le scénario SSP2-4,5 (réchauffement de 1,5°C en 2030, 2° en 2050 et de 2,7° en 2100) assez conforme aux politiques publiques maintient jusqu’en 2050 les émissions à leur valeur actuelle (35 GtCO2/an) puis elles décroissent fortement durant la seconde moitié du XXIe siècle.
Une forte accélération des politiques actuelles pourrait permettre de faire un peu mieux que 2,7°. En revanche, le schéma 1,5°C est aujourd’hui hors de portée dans la mesure où il nécessiterait de baisser les émissions mondiales de moitié d’ici 2030.
Le schéma 2,7° (aussi appelé « intermédiaire ») induirait en 2100 un accroissement du niveau de la mer de 70 cm et dès 2050 le pôle Nord ne serait plus sous glace permanente.
Critique
On peut principalement reprocher au GIEC de ne pas aborder le problème de la démographie n’insistant que sur les inégalités Nord-Sud qui augmenteront face aux conséquences du réchauffement. Rappelons que la barre des huit milliards d’habitants a été dépassée en 2022. Sur ces huit milliards, les émergents représentent 84 % de la population mondiale. À l’horizon 2100 ce chiffre atteindra 87 %.
Nous avons sur les graphes ci-dessous simulé la décarbonation à l’horizon 2050 en différenciant la partie OCDE de la partie émergente (incluant Chine et Inde).
Quatre cas ont été envisagés :
- Cas de base (poursuite de la tendance actuelle avec un MWh décarboné de -1 % par an pour les deux parties)
- Scénario 2 décarbonant massivement l’OCDE (-10 % par an)
- Scénario 3 décarbonant massivement la partie émergente (-10 % par an)
- Scénario 4 décarbonant massivement les deux parties
Les résultats sont sans appel. Conforme au schéma 2,7° du GIEC, la poursuite de la tendance actuelle conduit à accroître significativement la part relative des émergents qui représenteraient en 2050 82 % des émissions globales (contre 67 % aujourd’hui). La décarbonation massive de l’OCDE ne réduit que faiblement les émissions qui stagneraient à 30 GtCO2/an jusqu’en 2050. En revanche, une décarbonation massive des émergents (et ce même sans décarbonation de l’OCDE) permettrait d’atteindre en 2050 un objectif proche des 1,5°.
Pour des raisons purement démographiques, la clé de la décarbonation se trouve donc dans les pays émergents et non pas dans les pays de l’OCDE.
Résoudre une telle équation nécessiterait un transfert massif de fonds des pays de l’OCDE vers les pays émergents. Dans un récent rapport publié lors de la COP27 par les économistes Vera Songwe, Nicholas Stern et Amar Bhattacharya ont évalué ce transfert à 2000 milliards de dollars par an pendant une quinzaine d’années. Cette somme représente 3,5 % du PIB des pays de l’OCDE (58 trillons de dollars en 2021). En d’autres termes, décarboner massivement les pays émergents comme l’exigerait l’objectif 1,5° plongerait les pays OCDE en récession structurelle.
Une équation démographique socialement impossible à réaliser car socialement explosive.
Article mis à jour le 28/03/23 à 10h11.
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