Par Vincent Geloso et Justin Callais.
L’augmentation des inégalités dans les sociétés occidentales a polarisé les débats publics. Beaucoup débattent des tendances, niveaux et causes de celles-ci, mais cela revient à laisser l’arbre cacher la forêt. Plus important encore est le débat sur les conséquences qu’ont ces inégalités, et plus particulièrement les conséquences qu’elles ont sur la mobilité intergénérationnelle.
En bref, ceux et celles qui préconisent l’intervention redistributrice de l’État – hausses de taxes et impôts pour financer des programmes sociaux par exemple – arguent que les inégalités de revenu actuelles nuisent à l’égalité des chances d’aujourd’hui et de demain.
Ils justifient cette position en invoquant le concept de mobilité relative, évaluant le changement de situation économique en comparaison au revenu du reste de la population. Une autre façon d’évaluer serait ce qu’on appelle la mobilité absolue, considérant le changement de situation d’un individu par rapport à ses parents.
La distinction peut sembler sémantique, mais elle est importante. Dans une société hautement inégalitaire par exemple, il serait possible d’observer une forte mobilité absolue, sans qu’il n’y ait de mobilité relative. Pour fins d’illustration, si le revenu de tous et de toutes augmente de 10% par rapport à celui de leurs parents, il y aurait mobilité absolue sans mobilité relative.
Lier les inégalités de revenu à la mobilité relative signifierait que, toutes choses étant égales par ailleurs, les individus nés dans les familles aisés aient davantage d’opportunités d’ascension sociale que ceux et celles qui sont nés au bas de l’échelle de revenus. Cela impliquerait une reproduction des classes sociales de génération en génération.
Il existe une grande littérature scientifique validant l’hypothèse que les sociétés moins inégalitaires – notamment grâce aux efforts de redistribution de l’État – sont mieux à même de promouvoir la mobilité relative.
Il ne faut pas confondre validité et importance cependant. Dans un article publié dans le Southern Economic Journal – une revue scientifique –, nous observons que la liberté économique a, elle aussi, son importance dans la promotion de la mobilité relative.
Ce à quoi réfère le concept de liberté économique est le niveau de respect des droits de propriété, la taille qu’occupe l’État, le poids de la réglementation, l’ouverture au commerce international et la stabilité de la monnaie.
Un État peu interventionniste, soit un État imposant peu de barrières légales aux individus sur l’accès à l’emploi par exemple, peut aider à promouvoir la mobilité relative. Cela tout en conservant une taille plus modeste.
Un autre effet de la liberté économique, plus indirect celui-ci, aide aussi à la mobilité relative : une croissance économique plus élevée.
Le lien entre liberté économique et croissance plus élevée est très clairement établi. Plus d’une centaine d’articles scientifiques l’observent et le confirment. Une croissance plus élevée se solde par une plus grande amélioration du niveau de vie pour les moins nantis, comme elle aide d’abords à subvenir aux besoins de base.
Par conséquent, un lien direct existe entre la liberté économique et la mobilité absolue, avec lequel s’enchaîne la mobilité relative.
En croisant les données de mobilité intergénérationnelle des individus nés dans les années 1970 et 1980, colligées par la Banque mondiale, avec l’indice de liberté économique préparé par l’Institut Fraser, on découvre que l’effet indirect de la liberté économique est particulièrement puissant.
En prenant la somme de ces deux effets, soit l’effet direct des barrières réglementaires amoindries et l’effet indirect par la croissance économique, on constate que la liberté économique est un facteur de mobilité particulièrement puissant.
Comparant ses effets à ceux des inégalités, on en vient rapidement au constat qu’au pire ils sont de forces égales, au mieux la liberté économique a un effet plus important.
Si ce constat importe, c’est puisque les mesures les plus fréquemment mises de l’avant par les tenants de la mobilité relative reviennent à une augmentation de la taille et de l’action de l’État. Ces approches réduisant la liberté économique risquent fort d’avoir un effet nul, voire d’amoindrir la mobilité sociale.
Lorsqu’on parle de l’État, faire mieux est bien souvent synonyme de faire moins.
Vincent Geloso est professeur adjoint en économie à l’Université George Mason ainsi qu’économiste sénior à l’IEDM, et Justin Callais est professeur adjoint en économie à l’Université de la Louisiane à Lafayette. Ils signent ce texte à titre personnel.
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