Par Finn Andreen.
L’Occident semble avoir accéléré son déclin dans une espèce de folie autodestructrice rarement égalée.
Les sociétés occidentales subissent les conséquences de la scandaleuse gestion de la pandémie de covid de leurs dirigeants politiques et souffrent d’une inflation des prix, auto-infligée par leurs propres sanctions contre la Russie.
C’est dans ce contexte qu’il faut lire le dernier livre de Olivier Piacentini, La Chute Finale : l’Occident survivra t-il ?.
Ce déclin ne date pas d’hier
Comme l’explique avec beaucoup de verve M. Piacentini, ce déclin ne date pas d’hier.
L’auteur en fait une vaste et riche revue d’un point de vue non seulement économique mais également politique et culturel en évoquant l’influence socialement destructive du relativisme et du postmodernisme provenant des USA, par exemple sous forme des attitudes woke.
Qui parle de déclin parle d’abord de cimes déjà atteintes. M. Piacentini rappelle avec érudition les différents facteurs ayant permis la longue ascension de l’Occident, en rappelant l’influence des penseurs grecs, du christianisme, de la Renaissance, de l’État de droit, du libéralisme.
Cependant, pour ceux qui croient en l’universalité des valeurs libérales et plus particulièrement en les bienfaits d’une politique libérale et d’une économie de marché au niveau mondial, l’auteur insiste peut-être un peu trop sur « l’exception de l’Occident ». Une telle exceptionnalité empêcherait alors le libéralisme d’être répliqué ailleurs car elle serait alors endémique aux conditions occidentales. Au vu du développement économique de l’Asie, cette soi-disant exception occidentale doit être remise en question.
La position de l’auteur semble alors être davantage pro-occidentale que libérale, rappelant celle de Winston Churchill ou plus récemment celle de l’historien Niall Ferguson.
L’auteur évoque la « domination de l’Occident […] pendant si longtemps ». Mais il est possible de dire que l’Occident ne se distingue réellement du reste du monde qu’après les révolutions agraires et sanitaires du XVIIe siècle. En effet, la Chine représentait un quart de la richesse mondiale jusqu’au XVIIe siècle. D’ailleurs, la science politique chinoise actuelle considère que la Chine a une grande avance sur l’Europe car elle s’est unifiée 2000 ans avant cette dernière…
Une partie du déclin occidental est normale et inévitable. M. Piacentini devrait insister davantage sur ce point car il est relatif aux autres nations qui heureusement s’enrichissent aussi en profitant indirectement des avancées occidentales antérieures.
Il est aujourd’hui évident que l’Occident a même été surpassé dans plusieurs secteurs de pointe, ce qui encore une fois devrait relativiser cette idée d’exception.
Revoir le concept d’Occident
Mais qu’est-ce que l’Occident ?
L’auteur a presque une tendance à considérer l’Occident comme une extension de la France. Une grande partie du déclin décrit dans le livre concerne justement la France que M. Piacentini connaît bien. Il semble considérer l’Occident comme une seule entité homogène et le personnalise même avec des phrases telles que : « l’Occident a peur » (p. 46) ou « l’Occident sûr de lui » (p. 61).
Mais n’est-ce pas justement l’hétérogénéité et la pluralité de l’Occident une des raisons fondamentales de son succès initial ? En France, l’accent qui est mis sur l’universalité des Lumières est compréhensible mais parfois démesuré, comme Isaiah Berlin l’avait bien compris. Des historiens libéraux comme Ralph Raico et Donald Livingstone ont montré que justement le manque d’unité et la concurrence décentralisée des petites entités politiques étaient la clef pour leur développement économique et politique.
De plus, l’Occident actuel est aujourd’hui loin d’être uni : la Russie s’en éloigne, les membres de l’Union européenne sont en sérieux désaccord et les États-Unis semblent vouloir s’enrichir aux dépens des Européens. Aussi, les succès des pays de l’Europe du nord par rapport à ceux du sud (y compris la France) montrent que cette richesse historique et culturelle de l’Occident loué par Olivier Piacentini n’est pas seulement un atout pour un pays mais aussi un poids qui souvent empêche les réformes et l’innovation. L’Italie en est l’exemple phare.
L’État, toujours l’État
Le déclin de l’Occident est inextricablement lié aux nocives idées étatistes qui dominent les institutions occidentales depuis des décennies déjà (quoique moins fortement aux États-Unis), comme le souhaitait Gramsci. Cet étatisme s’exprime par un consentement généralisé à un État social qui prélève massivement (p. 91), mais aussi à un État stratège qui s’implique aujourd’hui dans tous les aspects majeurs de la société, de la santé a l’immigration en passant par le marché du travail.
Les libéraux estiment que ce développement a fait des ravages à tous les niveaux et impacte même la vitalité, au sens large, des sociétés occidentales. L’auteur reconnait et critique habilement ces symptômes au fil du livre mais néanmoins il affirme aussi, par exemple, que l’État crée « les conditions du développement et participe à l’amélioration des conditions de vie » (p. 33). Or, le déclin de plus en plus rapide de l’Occident est au contraire inversement corrélé à l’interventionnisme de plus en plus exacerbé des États, comme l’explique l’École autrichienne.
Comme pour beaucoup de livres publiés en France, La Chute Finale ne liste pas les auteurs cités et leurs œuvres, ni les mots clefs, comme dans les livres anglo-saxons. Il ne contient pas une seule référence ni même une table des matières. C’est dommage car M. Piacentini donne beaucoup d’informations à son lecteur sans que celui-ci puisse vérifier les sources. Une deuxième édition corrigeant ces défauts serait la bienvenue et permettrait de prolonger la vie de ce livre en laissant au lecteur la possibilité de s’y référer.
L’auteur fait donc une excellente description des maux économiques, politiques et culturels dont souffre l’Occident. Il termine en promettant des propositions pour résoudre ces graves difficultés dans un prochain ouvrage.
La Chute Finale est un livre d’un style peut-être un peu trop lyrique pour un thème aussi sérieux. Mais il fait partie des grandes contributions politiques contemporaines françaises décrivant un déclin de l’Occident qui n’a rien d’inévitable. Car ce déclin a surtout à voir avec des politiques publiques qui semblent être un mélange d’incompétence et d’idéologie de la part d’une petite classe dirigeante perturbant sérieusement le développement naturel des pays occidentaux depuis maintenant plusieurs décennies.
Olivier Piacentini, La chute finale : l’Occident survivra-t-il ?, Édition Godefroy, 2022, 248 pages.
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