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11 novembre, 2020

Les bases de la domination étatique et de la soumission populaire

 Par une habile combinaison de coercition et de manipulation, l’État parvient à placer les individus dans un état de somnolence.

Comme le dit le dicton, la familiarité peut engendrer le désintérêt, mais elle peut aussi entraîner une sorte de somnolence.

Les gens qui n’ont jamais connu qu’un certain état des choses ont tendance à ne rien remarquer du tout, à ne rien soupçonner, même quand cet état des choses est extrêmement problématique. Ils sont pour ainsi dire comme des somnambules.

Telle est la situation de l’homme moderne par rapport à l’État. Il l’a toujours vu sous le même angle, et il le prend totalement comme un acquis, le considérant comme il opine sur le temps qu’il fait : qu’il pleuve ou fasse beau, qu’il y ait des éclairs ou des brises printanières apaisantes, l’État est toujours là, comme faisant partie de la nature.

Même lorsque qu’il se révèle destructeur, ses exactions sont admises comme des « actes de Dieu ».

Nous sommes liés à l’État par ce somnambulisme, non pas parce que cela est inscrit dans nos gènes, mais parce que nos conditions de vie et un long conditionnement à vivre sous la domination de l’État, fruit de notre histoire, nous prédisposent à réagir de cette manière oublieuse.

Toutefois, ceux qui ont vécu dans d’autres circonstances ont réagi très différemment. Ce n’est que lorsqu’une population adopte l’agriculture et la sédentarité qu’elle se montre vulnérable à la domination de l’État.

Il fut un temps où l’humanité ne s’organisait qu’en bandes de chasseurs et de cueilleurs : la fondation d’un État était impossible. Les individus ne possédaient  à titre de richesse que peu ou pas de biens non périssables et pouvant être pillés, et si quelqu’un tentait d’imposer sa domination sur le groupe auquel il appartenait, comme le fait actuellement l’État, ses membres s’enfuyaient tout simplement, mettant autant de distance que possible entre eux et les exploiteurs pour échapper à la prédation de cet État en devenir1.

Cependant, durant les 5000 à 10 000 dernières années, pour la quasi-totalité des habitants de la planète, l’État a existé comme un prédateur omniprésent et agresseur des droits de l’Homme. Son pouvoir de dominer et de piller s’est développé et s’appuie toujours sur son exploitation habile des peurs des hommes, dont la plupart sont associées à l’État lui-même, et les autres aux menaces externes dont l’État prétend protéger ses sujets.

Quelle que soit la situation, la quasi-totalité de la population a fini par devenir incapable de simplement imaginer une vie sociale sans un État.

Deux questions principales agitent l’esprit des rares personnes qui ont réussi à sortir de cet aveuglement vis-à-vis de l’État :

  1. Qu’est-ce qui anime ces gens – les chevilles ouvrières de l’État, sa garde prétorienne, ses lèche-bottes et ses partisans venus du secteur privé – pour nous traiter comme ils le font ?
  2. Pourquoi la quasi-totalité d’entre nous s’accommode de ce traitement scandaleux ?

De ces questions, on pourrait facilement tirer de nombreux livres, articles et manifestes – et d’ailleurs toute une littérature existe sur le sujet. Même si aucun début de consensus n’a émergé, il semble assez clair que les réponses à la première question ont surtout à voir avec la forte prévalence d’individus malintentionnés et arrogants en faveur d’un avantage comparatif en matière de violence et de manipulation de leurs victimes.

Face au choix fondamental entre ce que Franz Oppenheimer appelait les moyens économiques de s’enrichir (par la production et l’échange) et les moyens politiques (par le vol et l’extorsion de fonds), les membres des classes dirigeantes optent résolument pour la seconde.

Et c’est en vertu de ce choix que le pape Grégoire VII (1071-1085), chef de la révolution papale capitale qui a commencé pendant son pontificat et s’est poursuivie sur une période de près de cinquante ans (voire plus en Angleterre), n’a pas mâché ses mots quand il a écrit (cité par Harold Berman) :

« Qui ignore que les rois et les princes tirent leur origine d’hommes ignorants de Dieu, qui se sont élevés au-dessus de leurs semblables par l’orgueil, le pillage, la trahison, le meurtre – bref par toutes sortes de crimes – à l’instigation du Diable, le prince de ce monde, des hommes aveugles de cupidité et intolérables dans leur audace. »

Bien sûr, il est possible que certains dirigeants politiques croient sincèrement qu’il y ait une base juste légitimant leur domination sur leurs semblables – surtout de nos jours via la conviction qu’une victoire électorale est équivalente à l’onction divine – mais cette auto-illusion ne change rien à la réalité de la situation.

Quant à savoir pourquoi nous nous soumettons aux outrages de l’État, les réponses les plus convaincantes ont à voir avec la peur de l’État (et pour beaucoup, de nos jours, avec la peur des responsabilités personnelles également) ; avec la crainte de se distinguer de la masse lorsque d’autres victimes ne voudront pas prendre le risque d’unir leurs forces avec ceux qui résistent ; et probablement la plus importante raison, avec l’hypnose idéologique (au sens de Léon Tolstoï) qui empêche la plupart des individus d’être en mesure d’imaginer la vie sans État ou de comprendre pourquoi la prétention de l’État à s’abstraire de la morale des Hommes relève du pur délire.

Si une personne ordinaire ne peut moralement assassiner ou en voler une autre, aucun individu composant l’État ne le peut. Et, bien sûr, parce qu’ils n’ont pas ces droits au préalable, les individus ne peuvent pas déléguer à l’État de droits à voler ou à assassiner.

Comme Tolstoï, de nombreux auteurs ont reconnu que les classes dirigeantes travaillent très dur pour endoctriner leurs victimes avec une idéologie qui sanctifie l’État et ses actions criminelles. À cet égard, on se sent obligé de convenir que de nombreux États ont historiquement été étonnamment talentueux dans cette voie.

Ainsi, sous l’ère nazie, le citoyen allemand lambda pensait qu’il était libre, tout comme aujourd’hui les Américains pensent qu’ils sont libres. La capacité de l’idéologie à aveugler l’esprit des citoyens et à les faire sombrer dans le syndrome de Stockholm semble quasiment sans limites, même si un régime tel que celui de l’URSS, qui avait cloué sa population dans une pauvreté persistante, découvrait que ses tentatives d’enchantement idéologique produisaient de facto des retours sur investissements de plus en plus faibles.

Ainsi, une habile et toujours dynamique combinaison de coercition arrogante et de manipulation insolente peut être considérée comme l’ingrédient principal déployé par l’État dans ses multiples efforts pour plonger ses sujets et victimes dans un état de somnolence.

Bien sûr, un peu de cooptation ajoute un piquant essentiel au mélange, et ainsi tous les États font de menus efforts pour redonner à leurs victimes quelques miettes du pain qu’ils leur ont arraché. Pour ce don gracieux, elles deviennent généralement infiniment reconnaissantes.

Article initialement publié en mai 2014.

  1. Voir, par exemple, l’analyse récente de James C. Scott intitulée : The Art of Not Being Governed: An Anarchist History of Upland Southeast Asia↩

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