Par Rémy Prud’homme professeur des universités (émérite)
Le catéchisme climatique repose sur deux piliers. Les émissions de CO2 des hommes sont la cause de l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère. Cette augmentation est à son tour la cause du réchauffement de la planète, qui engendre lui-même tous les malheurs du monde. Il s’ensuit que la réduction des émissions de CO2 des hommes est la condition nécessaire et suffisante de la survie de l’humanité. Cette déduction n’est pas un détail technique sans importance. Elle est au contraire la justification de tous les programmes nationaux et internationaux de « lutte pour le climat », de toutes les « transitions énergétiques », et des milliers de milliards d’euros dépensés à cet effet.
L’épidémie de covid-19 nous permet de tester la solidité du premier de ces deux piliers. Pendant la première moitié de l’année 2020, la grave crise économique causée par la covid-19, ou plus exactement par les mesures prises pour contrôler la pandémie, a entrainé une forte diminution des émissions de CO2 d’origine anthropique. Cette diminution a-t-elle ou non entraîné une réduction de la teneur en CO2 de l’atmosphère de la planète ? En matière économique et sociale, on peut rarement conduire des « expériences ». La covid-19 nous en offre une. Il faut la saisir.
Durant les six premiers mois de 2020, les émissions de CO2 anthropiques du globe ont diminué de 8,8% (par rapport aux émissions des six premiers mois de 2019). C’est ce qui ressort d’un article savant de Zhu Liu et al publié le 14 octobre dans Nature Communication, à partir des données disponibles sur la consommation mondiale de charbon, de gaz, et de pétrole.
Comment a varié la teneur de l’atmosphère en CO2 ? Elle est mesurée (en ppm, molécules de CO2 par million de molécules de l’air, pour faire simple) sur une montagne d’Hawaï représentative de la planète, par jour et par mois. Pour les six premiers mois de 2020, la teneur en CO2 s’est accrue de 2,22 ppm (par rapport aux six premiers mois de 2019. Loin de diminuer, comme le suppose le catéchisme, elle a au contraire augmenté. En fait le rythme auquel elle a augmenté durant la première vague de covid-19 a été celui auquel elle augmente depuis des années : 2,39 ppm par an entre 2010 et 2019.
Le test de la covid ébranle ainsi sérieusement le premier pilier du catéchisme. Réduire de 9% nos émissions de CO2 n’a eu aucun effet sur la teneur de l’air en CO2, qui a continué a augmenter comme si de rien n’était. Cela suggère que, en pratique, la réduction des émissions de CO2 ne contribue pas à freiner significativement le réchauffement. Cette conclusion est d’autant plus importante que le coût économique et social de cette réduction a en l’occurrence, été énorme. Il est associée à une baisse du PIB mondial d’environ 5%, soit plus de 4200 milliards de dollars, presque le double du PIB de l’Afrique. Tout ça pour ça.
En réalité, cet impact négligeable d’une importante réduction des rejets de CO2, n’est pas surprenant. Les rejets annuels de CO2 sont un petit flux (33 milliards de tonnes) alors que la teneur de l’air en CO2 est un gros stock (3200 milliards de tonnes). Réduire ce petit flux de 9% (de 3 milliards de tonnes) ne peut pas avoir une grande influence sur l’évolution de ce gros stock. C’est bien ce que montre l’expérience covid-19. Elle devrait servir à tempérer l’ardeur de ceux qui brandissent avec rage l’impératif catégorique de limiter – coûte que coûte – les rejets de CO2.
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