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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

15 septembre, 2020

Le profit est-il légitime ?

 Trois situations fictives pour évaluer la moralité du profit.

Alors que beaucoup se satisfont du capitalisme en refusant les profits dits excessifs, l’extrême gauche se distingue en assimilant n’importe quel profit capitaliste à une exploitation. Selon elle, le capitaliste n’a aucun droit sur une la production à laquelle il n’a pas contribué par son travail. Le profit est illégitime, seuls les salaires sont mérités.

Que vaut la condamnation du profit ? Pour tenter de répondre à cette question, j’ai imaginé trois situations fictives.

PREMIÈRE FABLE : LES TROIS ÎLES

Trois acteurs occupent chacun une île différente.

La première, l’île du sel, est habitée par Patrick Sel qui y produit du sel et diverses choses pour ses besoins personnels, sauf du sucre.

Patrice Sucre réside dans la deuxième île, l’île du sucre. Il y produit du sucre et autres produits qui lui sont nécessaires, hormis du sel.

La troisième, l’île marchande, située entre les deux autres, a pour habitant Philippe Marchand qui n’est en mesure de produire ni sel ni sucre.

Aux yeux de Patrick Sel qui n’en dispose pas, la valeur d’un kilogramme de sucre est égale à deux kilos de sel. En revanche, aux yeux de Patrick Sucre un kilogramme de sel vaut deux kilogrammes de sucre. Leurs îles étant trop éloignées, P. Sel et P. Sucre ne se connaissent pas. En revanche, Philippe Marchand a connaissance de l’existence de l’un et de l’autre, de leurs activités et de leurs préférences.

Philippe Marchand achète d’abord contre divers services 10 kg de sel à P. Sel. Il se rapproche de P. Sucre et lui propose d’échanger ces 10 kg de sel contre 15 kg de sucre. Se tournant alors à nouveau vers P. Sel, il obtient 22,5 kg de sel contre ce sucre. Il garde alors 12,5 kg de sel pour lui et échange les 10 kg restants contre 15 kg de sucre avec P. Sucre.

MORALITÉ DE LA FABLE

Le gain de Philippe Marchand est-il juste ?

Uniquement par le jeu de l’échange, à partir des 10 kg de sel, il a obtenu deux kg et demi de sel et 15 kg de sucre en plus.

L’anticapitaliste juge le gain usurpé puisque Philippe Marchand n’a fourni aucun travail.

Néanmoins, cette opinion néglige les gains subjectifs, tout aussi réels quoique moins visibles obtenus dans l’opération par P. Sucre et P. Sel. Ce dernier a en effet obtenu au total contre 22,5 kg de sel 15 kg de sucre dont il estime la valeur à 30 kg de sel, soit un gain de 7,5 kg de sel. De même, au cours des différentes opérations d’échange P. Sucre a cédé en tout 30 kg de sucre contre 20 kg de sel qui valaient pour lui 40 kg de sel.

Autrement dit, si les gains résultant de l’échange étaient usurpés, il conviendrait alors d’interdire tout échange en imposant à chacun de ne consommer que ce qu’il a produit. À l’évidence, cette solution ne serait avantageuse pour personne. Bien plus, elle s’oppose à la théorie de l’exploitation formulée par les anti-capitalistes. Ces derniers défendent le salaire des ouvriers, salaire qui leur permettra d’acquérir d’autres biens que ceux à la fabrication desquels ils ont participé.

Nous pouvons donc tenir pour légitimes les gains issus de l’échange.

DEUXIÈME FABLE : ROBINSON, VENDREDI ET LA CANNE À PÊCHE

Vendredi, bon nageur, a l’habitude de pêcher le poisson à la main. Robinson, habile artisan, fabrique une canne à pêche et propose à Vendredi d’essayer de pêcher le poisson avec sa canne. Si Vendredi est d’accord, ils partageront le produit de la pêche dans une proportion de deux tiers pour Vendredi et un tiers pour Robinson. Après expérimentation de la canne à pêche Vendredi constate la multiplication de ses prises par trois, et il accepte le marché proposé par Robinson.

Moralité de la fable

Peut-on contester à Robinson le paiement de l’usage que Vendredi peut faire de la canne à pêche ? En tant que propriétaire légitime de la canne qu’il a lui-même fabriquée, n’est-il pas libre d’en céder l’usage aux conditions qu’il souhaite ? Par la fabrication de la canne, ne participe-t-il pas, certes de manière plus indirecte et par un travail plus en amont à la prise de poisson ? La rémunération de Robinson ne souffre pas de contestation.

Les choses seraient-elles différentes si Robinson avait acheté la canne à pêche au lieu de la fabriquer ?

Une personne qui fabrique une chose pour en acquérir une autre par le biais d’un échange en est propriétaire et peut la consommer. Dès lors, pour quelle raison n’aurait-il pas les droits complets d’un propriétaire sur un instrument de travail acquis de la sorte ? Pourquoi ne pourrait-il en tirer les mêmes profits que s’il était issu de sa main ?

TROISIÈME FABLE : LES IMPASSES DE L’AUTOGESTION

Son propriétaire abandonna une petite entreprise textile et laissa les employés à leur sort. Ceux-ci reprirent le flambeau et maintinrent l’activité. Les emplois étant similaires, l’égalité des rémunérations eut leur préférence mais une première question les divisa.

Rémunération et temps de travail

La rémunération devait-elle être égale pour tous quel que soit le temps de travail de chaque employé ? Proportionnelle à ce temps de travail ? Ou fallait-il imposer à chaque employé un nombre fixe d’heures de travail en accord avec l’égalité des rémunérations ? Finalement, la discussion aboutit à la reconnaissance de la liberté de chaque employé de déterminer son nombre d’heures de travail. En contrepartie, le salaire de chacun serait fonction de son temps de présence au travail. Les profits éventuels étaient reversés aux employés à proportion de leur temps de présence ou réaffectés à l’entreprise.

Renouvellement de l’outil de production

Plus tard, il devint urgent de renouveler l’outil de production qui commençait à devenir désuet. Les profits étant manifestement insuffisants, une première proposition fut d’imposer à chaque employé une participation unique.

La plupart des employés à mi-temps et certains à temps complet refusèrent de participer. Leurs revenus modestes, leurs priorités familiales ne leur permettaient pas de subvenir à cette dépense.

Après de vives discussions, les employés qui souhaitaient contribuer acceptèrent en posant une condition. Ceux qui participeraient au financement du matériel pourraient se payer sur les profits de l’entreprise.

Ils se heurtèrent alors à un refus catégorique des autres employés. Ces derniers considéraient cette option comme un retour sournois du profit capitaliste. Les contributeurs firent alors observer que si un employé qui avait renoncé à ses loisirs devait être récompensé pour avoir travaillé davantage, cela devait également être le cas de celui qui finançait l’entreprise, chacun renonçant à un loisir immédiat au profit de l’entreprise. Pour les non contributeurs, le remboursement devait se limiter au montant de l’investissement. Les contributeurs objectèrent que sans la perspective d’un gain, ils n’auraient pas de raison de courir le risque d’une perte. Ils ajoutèrent que ceux qui travaillaient davantage attendaient non pas une stricte compensation de leur choix mais un gain. Les contributeurs dirent ne pas souhaiter un traitement différent.

Finalement, en partie en raison de ces arguments et faute d’autre option viable, la demande des contributeurs fut acceptée.

CONCLUSION

Nous nous rangerons à leurs arguments et conclurons à la légitimité du profit. Cependant, cette conclusion reste muette sur la question du juste partage de la valeur ajoutée entre travailleurs et propriétaires des moyens de production. Une telle question mériterait assurément d’amples développements qui dépassent l’ambition de ce texte.

Remarquons simplement que dans un système capitaliste, la rémunération respective du salarié et du capitaliste découle du jeu du marché. Or, si la justice distributive d’un système dépend de sa capacité à récompenser chacun en fonction de son utilité sociale, la question revient à savoir si en suivant le jeu du marché, chaque facteur de production est rémunéré selon son utilité économique.

Or, il existe deux moyens par lesquels un capitaliste peut augmenter son profit. Le premier moyen consiste à proposer au consommateur un nouveau produit plus en phase avec ses goûts.

Le second moyen repose sur l’adoption de nouveaux processus productifs permettant de produire plus avec moins. A son tour, ce moyen  offre différentes options. Dans la première, le capitaliste laisse prix et production inchangés et accroit son profit par des coûts de production plus faibles.

Dans le second, il baisse ses prix et augmente le volume de ses ventes. Or, quelle que soit la solution choisie, la contribution du capitaliste sur la production a augmenté à proportion du profit.

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