Il serait extrêmement souhaitable que le respect des droits de propriété légitimes soit considéré par tous les individus du monde comme une exigence fondamentale.
On critique souvent les libéraux – et en particulier les économistes libéraux – sous prétexte qu’ils sont matérialistes car ils s’intéressent aux biens matériels, donc aux droits de propriété et peut-être en particulier au capital (et donc au capitalisme…). Mais c’est très à tort que l’on fait ce type de critique.
Ainsi l’économiste Julian Simon a expliqué dans son livre, L’homme, notre dernière chance, que les ressources naturelles n’existent pas ; ce qui compte c’est que des individus soient capables d’imaginer des utilisations des ressources physiques pour satisfaire des besoins humains.
L’activité humaine – et ce qu’on peut appeler une activité productive – est nécessairement une activité intellectuelle, mais celle-ci peut évidemment utiliser des biens matériels, ou des activités corporelles.
L’être humain est un être rationnel, c’est-à-dire qu’il est doté d’une raison et la pensée précède l’action. Comme je l’ai écrit dans mon livre, Libéralisme1 :
Les vraies richesses ne sont pas matérielles et physiques, elles sont subjectives et les objets matériels ne sont qu’un support éventuel de l’activité intellectuelle et de l’action humaine.
De ce point de vue il est d’ailleurs intéressant de constater qu’historiquement il a été décidé spontanément qu’un terrain appartenait légitimement à son premier occupant, c’est-à-dire à celui qui a inventé une utilisation de ce terrain. Bien entendu ce droit de propriété reste légitime s’il est librement transmis par son propriétaire à une autre personne, du fait d’un don ou d’un échange. Et il convient d’ajouter qu’un terrain n’appartient pas par nature à une quelconque collectivité. Avant d’être approprié légitimement, il n’appartenait à personne et non pas à une collectivité.
Bien entendu, la légitimité des droits de propriété ne concerne pas seulement les terrains, mais tous les biens et services. Ils résultent tous d’un processus de création initial par les êtres humains et ils peuvent tous être éventuellement transférés par un processus de don ou d’échange.
On peut prendre l’exemple spécifique de quelqu’un qui hérite d’une entreprise et en devient le propriétaire légitime. Or on a tendance à considérer une entreprise comme un ensemble de biens matériels, mais ce qui compte en réalité pour elle comme pour tout bien, c’est l’action humaine.
L’héritier de l’entreprise prend des décisions la concernant et il peut lui faire perdre de la valeur, ou au contraire en accroître la valeur. Si la valeur de l’entreprise a augmenté l’héritier en est légitimement propriétaire en tant que créateur de valeur. Le droit de propriété légitime de cette entreprise résulte de l’activité initiale de création de l’entreprise et des actes de création ultérieurs.
Par ailleurs, un propriétaire est responsable, en ce sens qu’il est titulaire des conséquences de ses décisions, c’est-à-dire qu’il subit les pertes éventuelles et obtient les gains éventuels provenant de ses décisions. En tant que propriétaire il est précisément incité à créer de la valeur.
Le caractère légitime d’un droit de propriété provient donc d’un processus de création humain et quand on parle d’un droit de propriété, ce qui est important doit consister à indiquer si ce droit de propriété est légitime.
En effet il existe d’autres droits de propriété que les droits légitimes : ainsi un voleur s’attribue un droit de propriété, mais celui-ci n’est évidemment pas légitime. Et l’on doit admettre qu’il en est de même pour les biens censés appartenir à l’État ou à une collectivité publique : les droits de propriété ont été obtenus par l’usage de la contrainte – par exemple la contrainte fiscale – et non par un processus de création.
Il faut respecter les droits de propriété légitimes pour des raisons de principe. En effet il est incontestable d’un point de vue éthique qu’il convient de respecter les individus, donc leurs activités physiques et intellectuelles (à condition qu’elles soient respectueuses des droits de propriété légitimes des autres personnes). Mais on ne serait pas respectueux de ces activités si l’on ne reconnaissait pas les droits de propriété légitimes qui en résultent.
On devrait considérer comme suffisante cette justification de principe du respect des droits de propriété légitimes. Mais on peut aussi ajouter une justification utilitariste. En effet, dans une société où l’on respecte les droits de propriété légitimes les individus sont incités à développer leurs activités productives car ils savent qu’ils en sont responsables et qu’ils en seront donc les bénéficiaires éventuels.
La création de ressources utiles aux êtres humains en est donc stimulée et tout le monde en profite puisque cela favorise les échanges – qui augmentent la satisfaction subjective de tous les échangistes – et la complémentarité entre certains biens (par exemple l’augmentation de la productivité de certains individus grâce à l’accumulation de capital effectuée par autrui).
De ce point de vue il n’est pas étonnant que les sociétés libres – c’est-à-dire celles qui respectent les droits de propriété légitimes – soient les sociétés où le développement est le plus important. À tous points de vue il serait extrêmement souhaitable que le respect des droits de propriété légitimes soit considéré par tous les individus du monde comme une exigence fondamentale.
- Libéralisme, éditions Odile Jacob, 2000. Ce livre insiste sur la relation qui existe entre liberté, propriété et responsabilité. ↩
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