À la pédagogie, la liberté et la responsabilité, la Convention citoyenne pour climat a clairement choisi la coercition.
Par Philippe Charlez.
Née de la crise des Gilets jaunes et du Grand Débat qui a suivi, la Convention Citoyenne sur le Climat a rendu ce week-end sa copie finale. Expérience inédite de démocratie participative, elle a réuni 150 citoyens ordinaires censés représenter la France dans toutes ses diversités. Débutée en octobre 2019 elle a formulé des propositions concrètes visant à réduire de 40 % les émissions françaises de GES et ce sur 5 thématiques : se nourrir, se loger, consommer, se déplacer, produire-travailler.
Dans un article publié en octobre 2019, nous avions émis des craintes quant au manque de diversité du comité de gouvernance et de ses garants. Pas de scientifiques, d’industriels du public ou du privé, aucun expert en questions énergétiques mais des membres majoritairement issus de la gauche de la gauche, tous très anti-libéraux avec un passé de syndicaliste ou de militant dans des organisations écologiques et altermondialistes.
On pouvait craindre, au vu de cette composition, qu’un débat « promis sans biais » véhicule insidieusement une pensée unique écrite à l’avance, les citoyens servant de caution à une cause qui n’est pas vraiment la leur. Les propositions finales qui avaient déjà fuité dans la presse depuis quelques jours ont été publiées hier soir.
Elles confirment malheureusement nos craintes initiales.
L’ESSENTIEL VOLET ÉNERGÉTIQUE ESCAMOTÉ DU DÉBAT
Il est stupéfiant que le volet énergétique qui est à la base de la problématique climatique ait été totalement escamoté du débat. Vers quel mix énergétique la France devrait-elle s’orienter pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?
Tel était le prérequis sur lequel le groupe aurait dû travailler. Sachant que l’électrification des transports, la production d’hydrogène vert ou l’introduction des pompes à chaleur augmenteront de façon significative la consommation d’électricité au cours des prochaines décennies, on aurait pu attendre de la Convention qu’elle fasse des propositions objectives et non partisanes sur l’équilibre futur entre le nucléaire et les renouvelables intermittents. Jugé… « trop clivant » par les organisateurs, le sujet n’a même pas été abordé.
Aussi l’agenda a-t-il été « inversé », proposant des objectifs sans y mettre ni les solutions technologiques, ni les moyens financiers, ni les conséquences sociétales. Le débat s’est uniquement concentré sur la façon dont les Français pouvaient agir au quotidien pour améliorer leur efficacité énergétique et ce notamment en modifiant leurs comportements.
Les propositions concrètes retenues restent très générales et enfoncent bien souvent des portes ouvertes. Ainsi, rénover les passoires énergétiques, introduire des pompes à chaleur en lieu et place des chaudières au fuel, limiter la consommation de viande, réduire le poids des voitures, limiter leur vitesse ou préférer les véhicules profilés aux SUV sont des mesures séculaires faisant partie de tous les scénarios de transition écologique. La question n’est pas tellement de les énumérer mais de savoir comment les réaliser.
LA COERCITION PLUTÔT QUE LA PÉDAGOGIE
À la pédagogie, la liberté et la responsabilité, la Convention citoyenne a clairement choisi la coercition.
Car derrière les objectifs généraux se cachent de multiples mesures idéologiques et autoritaires : contraindre propriétaires et bailleurs à rénover, obliger le changement des chaudières, limiter le recours au chauffage et à la climatisation, prendre des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales péri-urbaines, renforcer la loi Egalim en imposant des normes encore plus strictes à la restauration collective, contraindre les industriels à afficher sur des produits jugés persona non grata des messages incisifs du type « l’huile de palme contribue à la déforestation ». Même constat dans les transports où la Convention veut interdire les véhicules neufs les plus polluants ou obliger les transports routiers, via des nouvelles réglementions fiscales, à changer de mode de propulsion. Enfin « cerise sur le gâteau », la Convention invente le « crime d’écocide ». Peut-être le citoyen pourrait-il être jugé par un nouveau « comité de salut public » ?
LE ROUGE AU SECOURS DU VERT
À la lecture des propositions initiales on est également abasourdis quant aux libertés prises par la Convention pour sortir de son scope climatique, la pastèque verte dévoilant sans ambiguïté son « cœur rouge vif ».
Ainsi, dans un parfait discours de lutte des classes, on n’échappe pas aux requiem des pesticides et des OGM ou aux jérémiades altermondialistes réclamant de réviser l’accord CETA. La Convention propose également de taxer les dividendes des entreprises distribuant plus de 10 millions d’euros annuels et surtout (même si cette dernière recommandation n’a finalement pas été retenue), le passage de 35 heures à 28 heures avec un taux horaire du Smic horaire… augmenté de 20 %. On imagine les conséquences économiques d’une telle mesure dans une France quasi exsangue après deux mois de confinement. Il est d’ailleurs étonnant que le rétablissement d’une « ISF écologique » n’ait pas fait partie des mesures proposées.
De cette Convention ne ressort aucune stratégie énergétique, la plupart des actions proposées sont coercitives et nombre d’entre elles n’ont rien à voir avec la problématique climatique. Le comité de gouvernance composé pour l’essentiel d’écologistes marxistes et décroissantistes est donc parvenu sans difficulté à éluder tous les problèmes importants mais à inoculer insidieusement, sous couvert climatique, son agenda idéologique. Appliquées, ces mesures accéléreraient encore un peu plus la récession économique provoquée par la pandémie du Covid-19. Si elle veut se redresser tout en réduisant ses émissions, la France a aujourd’hui besoin de pragmatisme et non d’idéologie.
LE PRÉSIDENT S’ÉGARE SUR UNE VOIE PÉRILLEUSE
Le plus affligeant dans cette affaire est l’égarement croissant du président. Pour appliquer son programme économique d’obédience libérale, il avait au début de son quinquennat donné quelques gages à sa gauche. Peu intéressé par les problèmes environnementaux, sa stratégie du « en même temps » l’avait notamment conduit à nommer Nicolas Hulot au ministère de l’Environnement.
Emmanuel Macron avait fait de la croissance économique la pierre angulaire de son mandat. Rattrapé par les mouvements « jeunistes » sur le climat, heurté par le mouvement des Gilets jaunes, vexé par le résultat des Verts aux élections européennes et traumatisé par la dernière pandémie, Emmanuel Macron s’engage sur une voie politique extrêmement périlleuse. Comme le montrera le résultat des municipales, son calcul électoral est suicidaire. Lâché par une partie verte de sa majorité, véhiculant l’image d’un mondialiste perverti par la société de croissance, il n’attirera jamais le « jeunisme vert ».
Par contre il est en train de se déconnecter progressivement de son électorat de centre droit acquis à son positionnement économique. Ses choix climatiques pourraient bien sonner le glas du macronisme.
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