Le modèle social français, que tout le monde envie mais que personne ne copie, est désastreux : il est compliqué, fort coûteux, largement déficitaire. Nicolas Lecaussin et Jean-Philippe Delsol proposent plusieurs pistes pour le réformer.
Échec de l’État n’est pas un livre-programme. C’est un livre de propositions pour remédier à l’échec de l’État français. Cet échec résulte du fait que l’État s’est approprié des libertés qu’il aurait dû au contraire garantir aux citoyens et qu’il doit maintenant leur restituer. C’est à la fois une question de principe et d’efficacité.
Une question de principe :
« Sans responsabilité, il n’y a pas d’humanité parce que c’est la responsabilité qui est un caractère fondamental du genre humain, qui le distingue des animaux et des créatures inertes en l’insérant dans une histoire dont il n’est pas qu’un jouet, en lui donnant à penser son avenir et à raisonner sur celui de toute communauté dans laquelle il vit. Cette responsabilité ne peut s’exercer que si l’homme qui la supporte dispose bien entendu de la liberté de faire ses choix. »
Une question d’efficacité :
« La liberté retrouvée alors démultipliera ses fruits. Elle permettra plus de choses que ce que nous pouvons imaginer, comme elle l’a fait depuis la machine à vapeur et le métier à tisser dans le grand progrès des sciences et des arts qui nous permettent de vivre mieux et plus longtemps. »
Les pistes que donnent les auteurs avec ces propositions s’articulent autour de quatre thèmes :
- L’assurance, plutôt que l’assistance
- La libération de la fiscalité
- La libération de l’éducation
- L’État garant de la stabilité et subsidiaire.
L’assurance vaut mieux que l’assistance
Le modèle social français, que tout le monde envie mais que personne ne copie, est désastreux : il est compliqué, fort coûteux, largement déficitaire. La protection sociale d’aujourd’hui en France, financée par la dette, se fait aux dépens des générations futures.
Or il existe une solution pour réduire les charges sociales : c’est d’ouvrir ce système défaillant à la concurrence, en laissant toutefois à la charge de la collectivité certaines dépenses telles que les handicaps congénitaux ou liés à des catastrophes, les aides aux familles ou aux plus démunis, sous la forme d’une allocation unique, mais pas universelle, variable suivant la situation, et qui remplacerait avantageusement les nombreuses allocations sociales actuelles.
Ouvrir à la concurrence, c’est permettre « à ceux qui le souhaitent de souscrire librement leurs assurances sociales auprès d’une compagnie ou mutuelle de leur choix comme ils le font en matière d’assurance automobile », pour les risques maladie, maternité, vieillesse, en interdisant aux assureurs la sélection des risques. Cela suppose de verser aux salariés leur salaire complet, c’est-à-dire leur salaire net augmenté des charges sociales actuelles pour qu’ils aient les moyens de souscrire aux assurances de leur choix.
Le système de retraite par répartition est condamné en raison du vieillissement de la population. C’est bien pourquoi les pays de l’OCDE ont évolué vers la capitalisation, qui, contrairement aux idées reçues, comme le montrent les auteurs, est moins risquée que la répartition et présente l’avantage de participer au financement de l’économie. Curieusement, en France, des fonds de pension existent surtout pour les élus locaux, les fonctionnaires et les sénateurs, dont les cotisations sont déductibles de leur revenu imposable…
Les auteurs proposent de sauver l’assurance-chômage en l’ouvrant également à la concurrence (resteraient adhérents à l’assurance publique ceux qui le souhaiteraient). Les prestations comprendraient une allocation forfaitaire minimum et des assurances complémentaires, « dans des conditions librement débattues en termes de durée d’indemnisation, de franchise, de montant de l’allocation et de cotisation ».
Rien de tel que de privatiser le logement social pour en augmenter l’offre et d’en baisser le prix, surtout si c’est accompagné d’une baisse de la fiscalité (il existe « trente prélèvements directs ou indirects sur les biens immobiliers perçus par l’État ») et d’un allègement des réglementations, ce qui favoriserait en outre l’acquisition de leur logement par ceux qui les occupent…
Une fiscalité libérée
Libérer la fiscalité, c’est démêler le maquis fiscal : il existe près de 500 régimes fiscaux dérogatoires et 75 niches fiscales (il y a aussi 132 niches sociales chiffrées et 57 non chiffrées…) et rendre la fiscalité la plus neutre possible. C’est pourquoi les auteurs proposent :
- de supprimer les niches et l’impôt progressif sur le revenu et d’adopter un impôt sur le revenu proportionnel, ou flat tax, à deux taux (2 et 15%) : ce serait plus simple et plus égalitaire (il faut être bien informé pour profiter des niches…) ;
- d’adopter un taux unique de TVA (il y en a 9 actuellement…) ;
- d’aménager le taux de l’impôt société (dont la légitimité est contestable…) de manière la plus rationnelle et juste possible : « l’idéal serait […] que l’impôt sur le revenu soit fixé à un taux unique (cf. ci-dessus) et que l’impôt société soit fixé au même taux ».
Il faut libérer l’éducation
La France ne manque pas de moyens en matière d’éducation, mais de résultats : « selon les résultats de l’étude PISA de 2012, la France se situe dans la moyenne, ou même au-dessous de la moyenne pour chaque catégorie (mathématiques, sciences et écrit), ce qui n’est pas terrible ! » Or, depuis, le système s’est dégradé : davantage d’élèves en difficulté, moins de chances de réussir pour les élèves issus de milieux défavorisés.
Ces mauvais résultats proviennent de son manque d’autonomie et du défaut de concurrence, autrement dit de l’étatisation de l’éducation : « le mammouth est inefficace ». Certes il existe des écoles libres, mais leurs effectifs sont bridés par l’État. La solution serait de permettre à ces écoles d’accueillir les élèves que les parents veulent y inscrire, de permettre l’ouverture d’écoles entièrement privées et de permettre aux élèves plus aptes à la pratique qu’à la théorie de bifurquer vers l’apprentissage.
Le moyen d’assurer le libre choix de l’établissement par les parents est de les faire bénéficier du bon scolaire, ce qui ne coûterait pas plus cher à la collectivité,mais permettrait au contraire de réduire les charges administratives et de se consacrer pleinement aux missions d’éducation. Le bon scolaire ? Il représenterait « le montant équivalent au coût moyen d’une classe concernée, que les parents pourraient remettre à l’école privée de leur choix ».
Les auteurs proposent que l’université soit payante, comme aux États-Unis, où les universités privées sont les meilleures du monde dans tous les classements, ce qui n’est pas le cas des universités françaises : « Le système d’université payante responsabilise les étudiants. Ils ne s’inscrivent pas en première année de quoi que ce soit parce qu’ils ne savent pas quoi faire, ou juste en attendant de trouver un job qu’ils ne cherchent guère, ou pour être assurés sociaux à prix modéré… »
Un cadre institutionnel stable et subsidiaire
Sous prétexte d’harmoniser, l’Union européenne cherche plus que jamais à uniformiser, le contraire de la concurrence. Étymologiquement l’harmonisation n’est pas l’uniformisation, mais l’accord des différences : c’est justement ce qui caractérise la concurrence, « du moins lorsqu’elle est respectueuse de certaines règles déontologiques ».
Ce faisant l’Union européenne a abandonné son projet initial : « créer une vaste zone de liberté pour permettre que l’échange permanent et libre des hommes, des biens et des services contribue à l’enrichissement de tous, que chacun puisse voter avec ses pieds en allant voir ailleurs si l’herbe y est plus verte, s’il n’est pas satisfait du ratio biens publics/fiscalité ».
L’Union européenne « a joué à l’épicier en voulant peser les échanges, standardiser les produits, imposer des normes à l’infini dans la mauvaise idée que le marché exige l’uniformité quand il suppose la diversité. Elle a voulu régenter la concurrence des entreprises quand celles-ci par définition ont besoin de liberté. Et dans le même temps elle travaille sans fin à empêcher la compétition fiscale entre les États qui est pourtant protectrice des contribuables comme la concurrence des entreprises l’est des consommateurs. »
Les auteurs souhaitent donc qu’elle revienne à « une Europe subsidiaire des nations, une Europe limitée et respectueuse des pays qui la composent, une Europe puissante à l’extérieur sans s’ingérer dans la vie des uns et des autres, une Europe fière de sa grandeur et de son histoire, forte de ses principes, de sa liberté, de sa capacité d’innover et capable de permettre à ceux qui y vivent de mieux grandir en êtres responsables d’eux-mêmes, peut-être alors qu’elle redeviendra le creuset de la paix et de la puissance, de la confiance et de la prospérité. »
Ce qu’ils disent de l’Europe subsidiaire devrait s’appliquer au niveau de l’État : « Au-delà de la représentation extérieure, de la sécurité et de la Justice, l’État a vocation aujourd’hui plus qu’hier à faire en sorte que chaque enfant reçoive l’enseignement le mieux adapté à ses capacités, que chacun vive décemment. Mais c’est aussi l’État subsidiaire ; il ne doit pas obligatoirement tout faire, mais plutôt laisser faire ceux qui peuvent avant que d’intervenir s’il y a carence : en bas tout le possible, en haut tout le nécessaire. »
Aujourd’hui c’est l’État qui tue la France et non pas, comme d’aucuns disent, le libéralisme ou la mondialisation : « Pour lutter contre l’immigration, il faut en finir avec l’État-providence et l’assistanat ; pour combattre le chômage, il faut plus de libertés économiques et moins de pression fiscale. »
Les auteurs proposent en conséquence de défonctionnariser la classe politique, car, en France, « la politique est devenue un emploi à vie pour ceux qui y accèdent. La carrière politique ressemble à la fonction publique ». Comment faire ? « L’ouvrir au privé et à la société civile. »
Conclusion
Le rôle de l’État doit être limité :
« L’État a moins vocation à faire le bien en lieu et place des hommes que de les empêcher à faire le mal. Mais il se conçoit en seule vue du bien des hommes. Il promeut la liberté, mais il ne peut et ne doit la défendre corps et biens, que pour ce qu’elle permet. Si à cet égard elle est la fin des États, elle n’est jamais pour les individus qu’un moyen, suprême certes, mais un moyen seulement au service de leurs fins. »
Toutes ces propositions de réformes – elles n’ont rien de révolutionnaire – ont faire leurs preuves dans d’autres pays, et les auteurs en donnent de nombreux exemples, probants. Aucun des candidats à l’élection présidentielle ne les reprend pourtant à son compte, sans doute parce qu’elles heurteraient les préjugés de la majorité des électeurs, formatés pour la servitude volontaire par le monopole de l’éducation et par des médias uniformément corrects.
Ces propositions ont donc peu de chances de se réaliser un jour prochain. Mais, peut-être, quand la France aura atteint le fond, s’il n’est pas trop tard, seront-elles mises alors à l’ordre du jour et, mises en application, exauceront-elles le vœu de Jean-Philippe Delsol et de Nicolas Lecaussin :
« Que l’État fasse son devoir de garantir la liberté et la liberté fera le reste dans une société de libre choix. »
- Jean-Philippe Delsol et Nicolas Lecaussin, Échec de l’État – Pour une société de libre choix, 272 pages Éditions du Rocher.
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