Le titre du dernier ouvrage d’Alexandre Jardin donne envie
d’ouvrir ce livre.
Revue de livre par Francis Richard
Alexandre Jardin, sans que je l’aie jamais lu, est de
réputation, un écrivain « fleur bleue », « rêveur et
accaparé par des trouvailles sentimentales », ce qu’il confirme dès
les premières pages de son livre. Il reconnaît plus loin qu’il est « un
écrivain ivre de mots légers », ce qui n’est pas, pour le coup, pour me
déplaire, et m’inciterait plutôt à lire ses autres livres…
Le titre de ce dernier ouvrage donne envie de le lire parce
que« laissez-nous
faire » est la maxime attribuée à l’économiste Vincent de Gournay (1712-1759),
partisan de la liberté de commercer, de produire et de travailler. Un titre
réjouissant donc. Qui va à l’encontre de la mentalité mainstreamd’aujourd’hui
en France.
Alexandre Jardin confie que, sous le masque du romancier
qu’il est, se cache un autre lui-même, lequel, depuis longtemps, veut « prendre
soin de la France », depuis ses quinze ans précisément, âge auquel il
écrit une lettre dans ce sens à son père, Pascal Jardin, peu de temps avant que
celui-ci ne soit emporté par le crabe.
Si les souvenirs personnels, qui émaillent le livre,
expliquent l’engagement, différé par la peur, d’Alexandre Jardin et sont donc
utiles pour comprendre d’où lui viennent toutes ses idées pour réparer la
France, ce sont toutefois les actions concrètes, dans la droite ligne de ces
idées, menées ou initiées par lui, qui revêtent de l’intérêt et lui permettent
de dire qu’« on a déjà commencé ».
Ernest Renan avait dit à Paul Déroulède : « jeune
homme, la France se meurt : ne troublez pas son agonie. » Cela fait donc
bien longtemps que l’on parle du déclin de la France, avant même, peut-être,
qu’il n’ait vraiment commencé. Ce n’est en tout cas pas une phrase qu’Alexandre
Jardin aurait supporté d’entendre et qu’il n’évoque d’ailleurs pas, s’il la
connaît.
Car, de toute façon, Alexandre Jardin est de ceux qui, comme
ses modèles, Winston Churchill ou Charles de Gaulle, ne sont pas du genre à se
résigner à la fatalité et qui veulent transmettre aux autres leur joie de
citoyen. Comment ? En agissant, plutôt qu’en disant. En faisant avec ceux qu’il
appelle « les Faizeux », ou « les Zèbres », qu’il
oppose aux « Diseux », qui disent mais ne font pas.
Si la France décline, c’est bien parce que les Français ont
accepté de se laisser diriger, élection après élection, par ceux qu’Alexandre
Jardin appelle des mini-Colbert : « nous avons tous lâchement obéi à des
bureaucrates hors-sol, à des conseils-d’étateux fâchés avec le sens commun, à
des médiocrités convaincues que chaque problème est soluble dans une solution
technocratique. »
Résultat : les étatismes de droite comme de gauche des
partis dits « de gouvernement », par leur impéritie, leurs promesses
non tenues, leurs dires non suivis d’actions, sont en train de faire le lit
d’un hyper-étatisme autrement redoutable, et autrement menaçant, celui prôné
par le FN de Marine Le Pen :
« Par cet étatisme décomplexé, le Front National est encore
pire que la droite, le centre et la gauche réunis ! D’ailleurs c’est bien comme
cela qu’il gagne du terrain : en rameutant la vieille nostalgie de
l’État-recours, alors que c’est précisément notre étatisme prodigieusement
inefficace et coûteux qui empêche la France des Faizeux de régler nos
difficultés. »
Il suffit de faire un tour sur le site bleublanczebre.fr pour
se rendre compte de tout ce que ces Faizeux font déjà, dont l’auteur donne de
nombreux exemples impressionnants, avec pourtant peu de moyens, pour combattre
l’illettrisme, éduquer des jeunes, permettre de trouver ou de retrouver un
emploi, mettre des livres à portée de défavorisés, transporter des personnes à
mobilité réduite, donner accès à un logement décent à ceux qui n’en ont pas
etc. Leurs solutions, rassemblées en bouquets, fonctionnent… parce qu’elles
sortent du cadre.
Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues : « ces
Faizeux sont d’une gauche sincère, d’une droite de conviction, du centre
souriant, verts ou parfaitement dégoûtés de la vie partisane.» Mieux, ces
Faizeux de tout poil se parlent et s’écoutent : « les Faizeux réunis
peuvent être des entreprises portées par des actionnaires privés, des
associations, des maires créatifs, des acteurs de l’économie sociale et
solidaire ou collaborative. »
En 2017, année d’élection présidentielle, les Zèbres
comptent bien peser de tout leur poids, acquis par leurs réalisations concrètes,
pour obliger les partis discrédités à conclure des contrats de mission avec eux
qui représentent la société civile dans l’éclat joyeux de ses réussites. Ils
demanderont « non des facilités, mais des difficultés à résoudre »,
agiront indépendamment « d’une administration empesée » et refuseront
toute tutelle des mini-Colbert. Sinon, ils iront eux-mêmes à la bataille…
Les Zèbres sont des bons vivants : « ils vont
déshabituer ce vieux pays à faire de la politique sans bonheur, inciter les
gens par leur propre exemple à se convertir à leurs désirs, à chevaucher
ardemment leur culot ». À leur instar, Alexandre Jardin exhorte ceux
qui le lisent à passer à l’acte : « laissez jaillir de votre cœur la joie
d’agir soi-même, localement, quand les élites font à ce point défaut ! Renoncez
à l’inaction mortifère, à l’incantation sans portée et à l’indignation stérile.
»
Alexandre Jardin, Laissez-nous faire – On a déjà commencé, Robert
Laffont, 2015, 216 pages.
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