Originaire de
Saint-Hyacinthe, Henriettte Dessaulles
épousa en 1881 Maurice Saint-Jacques,
lequel mourut quelques années plus tard des suites d’une pneumonie. Veuve avec sept enfants, elle se retrouve alors
dans l’obligation de devoir gagner sa vie. Sous divers pseudonymes, tant il était
inconvenant pour les femmes de publier à l’époque, elle signa plusieurs
papiers, dans divers journaux, notamment
Le Journal de Françoise, Le Canada, La Patrie, Le Nationaliste. En 1911, son cousin Henri Bourassa fonda le
journal Le Devoir où elle inaugura une chronique hebdomadaire :
« lettre de Fadette », laquelle nous lègue pas moins de 1700 textes.
Ainsi, comment se fait-il que si peu de contemporains ne connaissent
aujourd’hui cette grande dame de notre littérature québécoise et canadienne
? En effet, en plus d’un talent
littéraire remarquable, elle nous a laissé une œuvre ayant connue un grand
succès à l’époque. De ce fait, certains vieux de la vieille se souviendront peut-être de cette Fadette,
laquelle entrait littéralement à l’intérieur des chaumières, en publiant ses chroniques, entre 1911 et 1946. Mais finalement,
plusieurs en auront conservé un vague souvenir, un sourire amusé, ou une simple
référence en bas de page. Pourtant, elle
en fit cinq recueils, regroupant ses meilleurs papiers, rappelant combien la
condition des femmes était difficile à l’époque. Mais, c’est en lisant son
journal intime, que je fus, pour ma part, happée par la beauté de cette plume,
et le destin de cette femme. En effet,
l’art de madame Dessaulles possède la simplicité directe de la société qui
l’inspire, s’adressant à l’intime, d’abord et avant tout. Il faut dire que ses mots sont empreints d’une
telle vérité psychologique, qu’ils rejoignent, dans la galerie de notre
mémoire, des anecdotes historiques et des souvenirs de famille; tant et si bien
qu’on se demande si ces personnages sont réels ou fictifs, si tout cela a bel
et bien existé, tant l’écriture est ornée d’une touche discrète de poésie, ou
agrémentée d’humour. En somme, Henriette Dessaulles manifeste, dans l’écriture
de son journal, un talent exceptionnel pour utiliser une langue vivante, et
mettre en lumière de savoureux canadianismes, sans verser dans le commun ou le
vulgaire. C’est un art difficile où plusieurs auteurs de talent se sont
fourvoyés. De plus, le sens de l'observation de cette grande dame n’a de cesse de
ravir les esprits, tant l’éclairage est savamment dosé, sachant faire la part
des choses, montrant les défauts, mais aussi les qualités des gens, par exemple
l’ardeur au travail des religieuses, l’hospitalité cordiale et sans calcul des
domestiques, le tout avec un fort esprit libéral, pour l’époque. Ainsi, il semble bien qu’il exista une autre
femme derrière l’image de la sage Fadette, une femme assumant sa liberté d’être
et de penser. Mais comment savoir ? Rien n’a été écrit sur elle, ou si
peu. Nous voilà donc réduit à nous
contenter de lire entre les lignes, avec le peu d’informations disponibles sur
sa vie, sinon que le nom Fadette fut choisi par Henriette elle-même, en
référence à Georges Sand et son célèbre roman « Fadette ». Et tout le
reste n’est que littérature ! Nous n’en savons rien, et je tenterai de poursuivre
mes recherches à ce sujet, afin de vous en livrer les fruits, dans un prochain
article. Quoi qu’il en soit, s’il y a une chose à savoir, c’est qu’il ne faut
pas se fier aux apparences. En effet, sous ses allures délicates et fragiles, Henriette
Dessaulles, était une femme forte, un
gant de fer, et il a fallu, de toute évidence, du courage à cette femme, pour
écrire ainsi, dans l’aventure d’une vie traversée par le drame: la
perte de l’être tant aimé.
Bref, plus d’une fois j’ai songé à mes ancêtres, en lisant
ce livre. Eux aussi ayant tant lutté, tant aimé la terre, les livres, la
musique, et la vie; et selon leurs tempéraments respectifs, l’ayant vécue dans
ce qu’elle nous offre de plus vrai, de plus beau, et cela dans nos traditions,
à la fois québécoises et canadiennes.
-Dessaulles, Henriette , Journal, Bibliothèque du Nouveau Monde, Les
Presses de l’Université de Montréal, 1989, Montréal, Québec.
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