Jusqu’au début des années soixante, les relations entre les individus étaient encadrées par les valeurs morales de la religion. Les grands principes moraux de l’Église guidaient la conduite de chacun et les curés se chargeaient de ramener dans le droit chemin les brebis égarées. Les paroissiens incorrigibles étaient condamnés au feu éternel de l’enfer. Peu de paroissiens étaient prêts à prendre ce risque.
Ce système était d’une efficacité redoutable, car il partait du principe que le respect des lois de Dieu et de l’Église est une responsabilité individuelle. Dans le doute le paroissien consultait le curé qui se chargeait d’interpréter dans un langage adapté aux circonstances les commandements de Dieu et de l’Église.
Au cours des années soixante, nous avons rejeté en masse la religion. Personne ne se plaindra du rejet des dogmes religieux qui transforment les gens en idiots utiles incapables de réflexions critiques. Mais ce rejet a laissé un immense vide qu’il fallait combler.
C’est bien connu, la nature a horreur du vide. Ayant rejeté les valeurs morales de la religion, il fallait trouver un autre système de valeurs apte à guider les gens dans leur quotidien.
Depuis toujours, les politiciens sont passés maîtres dans l’art de s’approprier les espaces vides. Ils ont donc proposé que l’État remplace l’Église.
L’État providence, dans sa forme la plus pernicieuse, était né.
Cela aurait pu fonctionner, n’eût été un détail, mais un détail ô combien important. Alors que la religion responsabilisait les individus, l’État providence les déresponsabilise. La religion enseigne que chaque individu est responsable de lui-même et de son prochain. Au contraire, l’État providence préconise que le gouvernement prenne en charge l’individu du berceau au tombeau.
Mathieu Bock-Côté exprime le résultat obtenu en ces mots :
Étrangement, un message se met à tourner en boucle: les politiciens doivent faire quelque chose. On réclame un plan d'action contre la violence conjugale, contre l'intimidation. Ou encore plus de ressources pour les hôpitaux ou l'intégration des immigrants. En gros: plus de lois ou plus d'argent. Il n'y aurait pas d'autre solution à nos problèmes. Comme si tout était politique. À tout problème sa solution bureaucratique.Nathalie Elgrably-Lévy l’exprime ainsi :
Dans la pensée collectiviste, l’État est une entité supérieure, omnisciente et omnipotente, une sorte de déité. Dans ce type de régime, mais aussi de plus en plus au Québec, ce sont des fonctionnaires qui décident d’une multitude d’aspects du quotidien et qui tentent d’influencer nos décisions. Quel moyen de transport emprunter, quel véhicule conduire, quels pneus installer, quoi manger, combien d’enfants avoir, dans quelle école les inscrire et quoi leur enseigner, quels produits acheter, quelle musique écouter, etc. : ils veulent tout contrôler!L’État providence, né des suites de la Révolution tranquille, a accumulé une quantité incroyable de lois et de règlements qui visent à dicter au quotidien les moindres gestes, voire les pensées, de chacun. D’une session parlementaire à l’autre, des milliers de pages de règlements s’ajoutent aux dizaines de milliers de pages existantes. Si nous devions tous les observer, notre quotidien serait invivable.
L’excès de réglementation a pour effet de légitimer ceux qui ignorent les règlements. Pour paraphraser Churchill qui commentait la situation politique et sociale en France : « Au Québec tout est permis, même ce qui est interdit ». Comme toujours, l’interventionnisme a réussi le tour de force d’accomplir le contraire du but visé.
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