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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

23 décembre, 2011

Austérité & Co. : la grande confusion

Un excellent texte d'Emmanuel Martin qui vaut la peine d'être lu, étudié et discuté.
Rappelons que l’origine de la crise des dettes souveraines est essentiellement (sauf pour l’Irlande ou, dans une certaine mesure, l’Espagne) l’incapacité de certaines démocraties, parce qu’elles sont « dysfonctionnelles » comme la Grèce, la France, ou l’Italie, à contrôler leur dépense publique, que cela soit du côté de l’administration ou de la protection sociale.
Emmanuel Martin – Le 14 décembre 2011. Nombre d’observateurs s’inquiètent de l’austérité ambiante. Alors qu’il tente de répondre à la crise des dépenses publiques en Europe, ce durcissement budgétaire pourrait selon eux avoir un impact négatif sur la croissance et donc sur… les déficits, par le biais de moindres rentrées fiscales. En outre, pour ces observateurs, la BCE doit intervenir en rachetant massivement des dettes souveraines pour « relancer la pompe » de la croissance. L’austérité est-elle réellement anti-croissance ? La monétisation des dettes est-elle réellement la solution ?

Monétiser ?

La monétisation des dettes, c’est à dire le rachat de ces dettes par la banque centrale est vue comme un moyen d’oxygéner les marchés, et de faire retomber les taux auxquels les États endettés doivent emprunter pour financer leurs dépenses publiques (dont le remboursement de dettes arrivant à échéance et le paiement des intérêt). Les partisans d’une telle politique rappellent l’exemple des USA ou de l’Angleterre et préconisent que la BCE devienne une « vraie » banque centrale. Ils oublient cependant de rappeler les effets pervers de cette politique.

Le premier effet est sans doute l’aléa moral généré pour les responsables publics. Rappelons que l’origine de la crise des dettes souveraines est essentiellement (sauf pour l’Irlande ou, dans une certaine mesure, l’Espagne) l’incapacité de certaines démocraties, parce qu’elles sont « dysfonctionnelles » comme la Grèce, la France, ou l’Italie, à contrôler leur dépense publique, que cela soit du côté de l’administration ou de la protection sociale. Dans ces conditions, la « facilité » fournie par une monétisation de la dette donnera aux politiciens des incitations à ne pas prendre leur problème de dépense publique excessive à bras le corps. C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est passé en Italie l’été 2011, après que la BCE a acheté des obligations de ce pays : les réformes promises se sont soudain faites attendre. Le jeu électoraliste de la démocratie renforce ce risque d’aléa moral : il est si simple de faire payer « les autres » (qui ne votent pas). Ainsi, non seulement la cause réelle de cette crise de l’endettement qui est l’excès de dépense publique, n’est-il pas sérieusement traité (même avec la règle d’or … qui était déjà dans le traité de Maastricht !) mais il est au surcroît, renforcé.

Le deuxième effet est que la fuite en avant dans l’irresponsabilité se paie d’une manière ou d’une autre, et ici avec de l’inflation. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre : faire tourner la planche à billets pour payer notre insolvabilité se transformera in fine en hausse des prix. La leçon des années 60 et 70 semble avoir été malheureusement oubliée. Nos analystes raisonnent « un peu » sur la base de la courbe de Philips (qui voyait une relation inverse entre chômage et inflation), avec l’idée que la récession ne peut s’accompagner que de déflation (de baisse des prix). Mais il est au contraire plus probable que nous assistions bientôt au retour flagrant de la stagflation, c’est à dire absence de croissance mais avec inflation. La croissance ne viendra pas d’une politique « volontariste » de la banque centrale ; un rebond sur les marchés, peut-être, mais ce n’est vraiment pas le problème.

On entend d’ailleurs souvent dire dans les médias spécialisés en économie et finance, que le travail d’une banque centrale est de « ramener la confiance » sur les marchés financiers. Mais en réalité, les marchés n’ont pas à être anesthésiés par une politique monétaire accommodante ramenant la confiance lorsque les sous-jacents de cette confiance ne sont tout simplement pas là. Les marchés financiers sont censés refléter (de manière imparfaite il est vrai) les perspectives économiques. Si ces perspectives sont mauvaises, les marchés n’ont pas être « confiants ». C’est au contraire se couper de la réalité (un peu comme vouloir interdire les agences de notation d’ailleurs) que de vouloir anesthésier les marchés pour ramener une soi-disant confiance. C’est le meilleur moyen de repousser les problèmes et de les laisser empirer en une situation ingérable. C’est ce que, aux Etats-Unis au moins, la politique monétaire fait depuis une décennie, avec le résultat que l’on sait.

Austérité et austérité

Le seul moyen de retrouver la croissance de manière durable, et non pas à coup de « sniffs de cocaïne monétaire » qui est le meilleur moyen de créer des bulles, c’est donc la voie de la responsabilité : remettre l’État au service des citoyens à un coût modéré et faciliter l’activité entrepreneuriale.

Il y a sans doute trois types d’austérité : celle qui augmente les prélèvements, celle qui rabote les prestations sociales et celle qui baisse le coût de l’administration. La première est évidemment anti-croissance : elle étouffe l’activité économique. Malheureusement, le réflexe des gouvernements, on l’a bien vu en France d’ailleurs, est généralement de d’abord pratiquer cette austérité-là. Sur le deuxième type d’austérité, faire financer par les générations futures la générosité actuelle de notre modèle social est immoral. Au passage d’ailleurs, l’absence de croissance et de création d’emploi est aussi largement expliquée par le financement partiel de ce modèle par l’économie productive. Il faut donc un débat démocratique rationnel sur quelles priorités établir, et quelles solutions alternatives de protection sociale adopter là où cela est faisable.

Concernant le troisième type d’austérité, au vu de la dépense publique dans un pays comme la France (56% du PIB contre 47% en Allemagne), les marges de manœuvre pour réduire la dépense publique de l’administration sont énormes. Rappelons qu’une administration inefficace détruit de la valeur : endettement, prélèvements étouffant la sphère productive. Il y a ainsi un niveau de dépense publique au-delà duquel est inefficace et contreproductive : il faut impérativement y remédier. Cela signifie rationalisation de l’administration (et du mille-feuilles), suppression de postes et de « services », suppression de crédits etc. qui entraineront nécessairement des réallocations. Après une période d’adaptation et d’absorption dans l’économie productive, la baisse du fardeau du coût de l’administration et l’accroissement de son efficacité donneront un bol d’air à l’économie productive et donc à la croissance. Et le seul fait de s’engager clairement dans cette voie rationnelle envoie un signal positif aux investisseurs. La « règle d’or » ne servira à rien si elle n’insiste pas sur ce troisième type d’austérité.

Mais ce regain de croissance ne pourra s’effectuer sans ôter les obstacles qui se dressent sur la route de ceux qui tirent ou pourraient tirer la croissance : les entrepreneurs. Au-delà d’une réduction de la charge publique qui se traduira par une réduction de la ponction fiscale et sociale sur ceux qui créent des richesses et de l’emploi, il faut aussi une simplification administrative : que lancer une entreprise ne relève plus du parcours du combattant. Et même si le mot est tabou, il faudra bien un marché du travail réellement flexible, pour libérer la création d'emplois et les opportunités entrepreneuriales dans un monde qui bouge et qui n'a plus rien à voir avec le monde de 1945.

Emmanuel Martin est analyste sur http://www.unmondelibre.org/.

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