Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

13 octobre, 2007

C’est le système qu’il faut changer

Je l’ai souvent répété dans ce blogue : les fonctionnaires et les usagers sont les otages de deux pouvoirs : la bureaucratie et les syndicats. L’un et l’autre se foutent éperdument de nous. Ces deux groupes s’affrontent pour accroître ou préserver leur pouvoir respectif. Dans ces affrontements les petites misères des fonctionnaires et des usagers ont peu de poids. La seule porte de sortie consiste à abandonner les monopoles d’état en faveur d’institutions qui dépendront de la satisfaction de leurs employés et de leurs clients pour survivre.

Cyberpresse, le mardi 02 oct 2007

Rien n'a changé
Odette Marot

L'auteure est une ancienne directrice des soins infirmiers au CHUM. Elle a également travaillé au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Tout a déjà été réfléchi. Tout a déjà été écrit. Des milliers d'heures de travail. Des piles de cahiers. Quelques actions furent prises. Et ce fut l'accalmie. On n'en parle plus. On oublie. Hélas ça recommence. Et le ministre Couillard, rempli de bonnes intentions, retourne à la même table, avec les mêmes personnes, autour des mêmes questions, pour trouver les mêmes réponses. Et c'est une nouvelle médiatisée. C'est grave ce que nous perdons la mémoire.

Un jour les infirmières sont le centre de tout, à n'importe quel prix. Les primes sortent, les mesures incitatives déboulent, les dépenses pour les petits équipements dont elles ont besoin se décident. On sort les sous. On se concerte, on s'entend. Ça va mieux, juste un peu. Et c'est bien là le drame: les technocrates ne le supportent pas. Ils en ont assez d'entendre parler des infirmières.

On se met alors à mesurer leur productivité, on sort les unités de mesures: les heures travaillées par jour de présence, et on compare ce qui ne se compare pas (à moins d'y introduire tant de variables). Ce jour-là, les infirmières coûtent trop cher, ce jour-là on questionne, on blâme, on coupe, on change les structures.

Hop! La priorité vient de changer. Tout le monde s'acharne à trouver des mesures de coupes budgétaires. Pourquoi est-ce ainsi depuis 30 ans?

Les infirmières dérangent lorsqu'elles ont trop de pouvoir. Les infirmières sont des femmes, et le pouvoir à l'hôpital est détenu par des hommes, encore très majoritairement. Au moment où la pénurie d'infirmières s'annonçait déjà très grave, il y a cinq ans, les conseils d'administration des hôpitaux ont aboli dans les faits les directions de soins infirmiers. Je dis dans les faits parce que, force de loi le poste existe toujours, mais il est vide de tout pouvoir. La directrice de soins infirmiers ne gère que quelques personnes, des directrices sans autorité.

Le leadership infirmier à l'hôpital est disparu et avec lui le contenu idéologique et le symbole. Le seul poste prestigieux qu'une infirmière pouvait détenir dans un hôpital en tant qu'infirmière est vidé de son sens. Revendiquer serait d'être taxé de corporatisme et se voir privé de promotion dans ces structures folles de gestion par programme, une mode, une tendance lourde. On se tait, on suit la mode. Bien sûr, ce n'est pas la seule raison. En voulez-vous des raisons?

Noircir un journal

On pourrait noircir tout un journal. Commençons par la nuit. La nuit, l'hôpital appartient aux infirmières, elles sont seules. Même les médecins résidents, sauf ceux des soins intensifs, font leur garde à domicile. Ils en ont le droit. Et la nuit, ce sont les plus jeunes infirmières qui travaillent. Il en faut du courage.


La rotation serait la solution? Partiellement. Avec une ouverture d'esprit de tous les partenaires, une structure peut proposer toute une gamme de postes.

Ce fut le cas à Saint-Luc, jadis toutes sortes de postes. Non, Dr Couillard, il n'y a pas de formule magique, le problème est profond, très profond, c'est un problème de mépris. Je ne dérape pas. Vingt ans, ce n'est pas qu'un petit incident, mais une carrière entière de constats lourds. ()

Il y a tellement de raisons au malaise grandissant concernant les infirmières que personne n'ose vraiment l'aborder, de peur de s'embourber. Les personnes de l'intérieur ne parlent pas, on comprend pourquoi.

J'ai géré les soins infirmiers durant 20 ans. Mes batailles furent multiples, mais la plus féroce fut celle contre l'embauche d'infirmières d'agences et, dès 1985, nous avons réussi.

Je crois à la continuité des soins, au travail d'équipe, à la stabilité des équipes de soins. J'ai toujours cru que l'appartenance à une équipe, le plaisir de se retrouver, d'avoir des défis pour sa pratique et ses patients valaient son pesant d'or. C'est si simple.

Ce serait si simple, sauf qu'on a tout compliqué. En tandem, la loi de l'ancienneté et celle de la performance financière ont démoli toute forme de vie professionnelle pour les infirmières dans les hôpitaux. Ceux qui dirigent, le plus souvent ne pensent qu'à leur carrière et à leur image face au sous-ministre. Alors, les infirmières et leur plaisir au travail, on s'en fout. ()

Une chose et son contraire, c'est véritablement, le discours le plus cohérent qui fut tenu, ces dernières années, dans le réseau de la santé.

Alors j'abdique et j'invite les infirmières à faire leur carrière autrement, en professionnelles autonomes, au sein d'agences où elles géreront leurs horaires sans règles syndicales et bureaucratiques, sans heures supplémentaires obligatoires. Alors peut-être seront-elles respectées. Je crois que l'hôpital perdra de son âme, c'est triste, mais sincèrement, ne l'a-t-il pas déjà perdu?

Aucun commentaire: