Résumé
La politique électoraliste des droits de scolarité ridiculement bas pratiquée au Québec est insoutenable à long terme. C’est une politique injuste envers les moins bien nantis de la société et envers les générations futures et passées.
Les fédérations étudiantes québécoises réclament le gel, quand ce n’est pas l’élimination, des droits de scolarités au nom de la solidarité sociale. Pour eux, la solidarité sociale signifie que tous les Québécois qui désirent fréquenter l’université doivent pouvoir le faire gratuitement ou presque. Il faut pourtant se rappeler que ce qui est gratuit pour les uns est nécessairement payé par les autres mais cela ne semble pas une considération valable à leurs yeux. Les étudiants qui prétendent défendre la solidarité sociale doivent d’abords exiger que leurs représentants arrêtent d’agir comme de simple groupe de pression.
Les droits de scolarité, une injustice sociale.
Les partis courtisent les étudiants dans le but évident d’obtenir leurs votes le 23 janvier. Le parti libéral promet de hausser de 2,2 milliards $ l’aide financière pour les études postsecondaires et d’investir 10 milliards $ pour aider tous les citoyens à réaliser leur potentiel. De son côté, le parti conservateur promet des crédits d’impôt de 500 $ pour l’achat des manuels scolaires, l’exemption d’impôt pour la première tranche de 10 000 $ des bourses d’études et de ne plus tenir compte du revenu parental lors des demandes de prêts étudiants. Selon CBC le coût des promesses du parti conservateur se chiffre à 500 millions $ par année.
Pour plusieurs raisons, ces promesses électoralistes sont inacceptables :
- L’éducation est une responsabilité provinciale;
- Le niveau actuel de financement des études postsecondaires par les gouvernements est une injustice sociale flagrante;
- Les droits de scolarité ridiculement bas au Québec est injuste pour les générations futures et passées.
Lorsque les deux niveaux de gouvernement s’attaquent au même domaine, il en résulte invariablement une duplication d’effort qui se traduit par un gaspillage important des fonds publics. Il n’est pas exagéré de croire que 10% à 20% des fonds alloués à l’éducation postsecondaire sont gaspillés à cause des dédoublements d’effort et des chicanes fédérales – provinciales.
Encore beaucoup plus dramatique est le fait que le niveau actuel de financement des études postsecondaires par les gouvernements représente une injustice envers les moins nantis de la société. En effet, l’ensemble des contribuables doivent payer plus d’impôt pour financer les études postsecondaires d’une minorité alors que les bénéfices qui en découlent favorisent principalement cette même minorité. Cette injustice est particulièrement évidente au Québec où la part des études postsecondaires financées par les gouvernements est la plus élevée.
Les statistiques démontrent qu’au Québec en 2001 un gradué universitaire gagnait un revenu annuel moyen de 21 763 $ de plus qu’un gradué du secondaire. En tenant compte que leur vie active sera d’environ 35 ans, alors le gradué universitaire engrangera 761 705 $ de plus que le gradué du secondaire. Même en tenant compte que 50% des gains additionnels du gradué universitaire seront remis au gouvernement en impôts et en taxes, il n’en demeure pas moins qu’ils bénéficieront de revenus nets additionnels de 380 853 $. En supposant que les droits de scolarité augmenteraient à 10 000 $ par année (40 000 $ sur quatre ans) ceci représente un rendement de 950%[1]. Il est, il me semble difficile de faire un meilleur investissement. Un tel avantage justifie amplement d’augmenter les droits de scolarité pour réduire le fardeau fiscal de l’ensemble des contribuables. Il est clairement injuste qu’un ouvrier qui gagne 20 $ de l’heure paie des impôts pour financer les études d’un futur professionnel qui gagnera 100 $ ou plus de l’heure.
Le taux ridiculement bas des droits de scolarité au Québec représente aussi une injustice intergénérationnelle flagrante. C’est injuste envers les générations futures qui devront financer une part beaucoup plus importante de leurs études. Le niveau actuel de financement par les gouvernements est insoutenable. C’est aussi injuste envers les générations passées qui ont dû payer de leur poche une part beaucoup plus importante de leurs études.
Cette situation est d’autant plus injuste qu’elle ne semble pas favoriser l’accès des Québécois aux études supérieures. En conséquence le « surfinancement » des études postsecondaires par les gouvernements représente un important gaspillage de ressources qui seraient plus utiles ailleurs. Le mémoire de l’IÉDM soumis à la Commission de l’éducation de l’Assemblée nationale dans le cadre de la consultation générale sur la qualité, l’accessibilité et le financement des universités au Québec intitulé « La hausse des droits de scolarité réduirait-elle l’accessibilité aux études universitaires », publié en février 2004, est très révélateur :
« La fréquentation des universités (calculée comme la proportion de jeunes de 20 et 21 ans inscrits à plein temps dans une université) au Québec est parmi les plus faibles au Canada.3 Ce taux de participation se situe à 20% pour l’année 2000-2001, dernière année pour laquelle nous disposons de données détaillées. Parallèlement, la Nouvelle-Écosse, qui a les droits de scolarité les plus élevés (5557 $ par année), a également le taux de fréquentation le plus élevé à 33%.
Par ailleurs, les données disponibles pour les provinces canadiennes n’indiquent aucune relation directe entre le niveau des droits de scolarité et l’accessibilité aux études universitaires. En d’autres mots, des droits de scolarité peu élevés ne sont pas associés avec des taux de fréquentation élevés. C’est même l’inverse qui est vrai. Malgré les faibles droits de scolarité au Québec (1862 $ par an, niveau le plus faible au Canada), la fréquentation des universités y est parmi les plus faibles au Canada. Ce taux de participation se situe à 20% pour l’année 2000-2001, comme on l’a mentionné plus haut.
Le graphique 1 illustre bien cette situation paradoxale : la courbe ascendante, qui représente la tendance générale, montre que plus les droits sont élevés dans une province, plus le taux de participation a tendance à l’être aussi. »
Ce même mémoire conclue :
« Un plus grand accès aux études supérieures est incontestablement un objectif noble et justifié puisqu’il affecte non seulement le sort de la personne qui s’instruit mais aussi celui de la société dans son ensemble. Les solutions les plus efficaces pour faciliter cet accès ne sont pas pour autant évidentes. La vraie question devrait porter sur les moyens de bâtir et consolider un réseau universitaire répondant aux besoins de diverses clientèles, certaines universités répondant à des besoins spécifiques et régionalement localisés, d’autres mettant l’accent sur un enseignement et une recherche de calibre national ou international.
Les gouvernements font face à diverses pressions dans l’allocation de leurs ressources limitées et il semble évident qu’ils ne pourront continuer de financer de façon adéquate les universités si le gel des droits de scolarité est maintenu. Ne pas permettre l’augmentation des droits universitaires pour répondre aux besoins risque de compromettre de façon importante la qualité de l’éducation supérieure au Québec sans pour autant profiter aux étudiants les moins bien nantis. En bout de ligne, qu’importe si tout le monde peut fréquenter l’université pour obtenir un diplôme qui n’a pas de valeur ? »
Les fédérations étudiantes québécoises réclament le gel, quand ce n’est pas l’élimination, des droits de scolarités au nom de la solidarité sociale. Pour eux, la solidarité sociale signifie que tous les Québécois qui désirent fréquenter l’université doivent pouvoir le faire gratuitement ou presque. Il faut pourtant se rappeler que ce qui est gratuit pour les uns est nécessairement payé par les autres mais cela ne semble pas une considération valable à leurs yeux. Les étudiants qui prétendent défendre la solidarité sociale doivent d’abords exiger que leurs représentants arrêtent d’agir comme de simple groupe de pression.
[1] Ce calcul n’a pas la prétention d’être une évaluation économique rigoureuse. Il vise plutôt à fournir au lecteur un ordre de grandeur de l’avantage économique pour l’étudiant d’un investissement dans ses études postsecondaires.
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