André Dorais
Avant la Seconde Guerre mondiale on avait l’habitude de parler de dépression plutôt que de récession. Aujourd’hui, on tend à réserver ce terme aux «grosses» récessions en souvenir de la dépression des années 1930, qui a durée pas moins de 15 ans si l’on inclut les années de guerre. Cette Grande Dépression, comme il est d’usage de la qualifier, est non seulement remarquable par sa durée, mais aussi parce qu’elle marque une transition idéologique en faveur d’un plus grand contrôle de l’État sur l’économie. Il suffit de comparer quelques aspects de la dépression de 1920-1 à celle de 1929-45 pour s’en convaincre. Suivant cette comparaison, on illustrera la position canadienne face à la crise actuelle.
Au début des années 1930, à une époque où les prix ont tendance à baisser, le gouvernement américain impose aux entreprises un gel des salaires dans le but de pallier à la crise. Le temps que ce gel soit effectif, on observe, en 1931, une baisse des salaires de l’ordre de 3%, mais considérant la baisse de 8,8% des prix des biens et des services pour la même période, il s’ensuit que les salaires réels des gens ont augmenté de 5,8%. Parce que le salaire de ceux qui ont réussi à maintenir leur emploi a augmenté, plus de gens se sont retrouvés au chômage. Celui-ci dépasse alors les 15%.
À force d’intervenir dans l’économie sous le prétexte de la relancer, 28,3% des travailleurs se retrouvent au chômage en 1933. Incapable de reconnaître que ce sont ses politiques qui en sont la cause, le gouvernement poursuit son «aide», en 1935, en imposant deux régimes d’assurance, soit l’un pour la retraite et l’autre contre la perte d’emploi. En 1938 et 1939, le taux de chômage s’établit à 19%. Il ne baissera que lorsque les hommes iront en guerre.
Lors de la récession précédente, soit celle de 1920-1, on observe une baisse des salaires de l’ordre de 20%. Bien qu’elle aussi fût atténuée par la baisse des prix des biens économiques, elle n’en fut pas moins importante. Pour plusieurs individus il s’agissait d’une baisse réelle du pouvoir d’achat et non d’une augmentation comme on l’observait 10 ans plus tard. Or, c’est justement cette réduction des salaires, et plus généralement la non-intervention de l’État dans l’économie, qui a permis au pays de sortir de la récession en peu de temps. Le taux de chômage a atteint un sommet de 11,7% en 1921 pour baisser à 6,7% l’année suivante et à 2,4% en 1923.
Ces statistiques, tirées de The Politically Incorrect Guide to the Great Depression and the New Deal, de Robert Murphy, ne font que renforcer la thèse à savoir que moins un gouvernement intervient dans l’économie, plus les récessions sont de courte durée. À l’inverse, plus un gouvernement intervient dans l’économie, plus les récessions se prolongent. Si certaines interventions gouvernementales sont plus nocives que d’autres, aucune d’elles n’a d’effet positif sur l’économie dans son ensemble. Sous le prétexte d’aider l’économie, les interventions gouvernementales nuisent à sa relance. Elles aident certains individus, mais au détriment des autres et plus elles sont importantes, plus elles risquent d’appauvrir tout le monde.
La position canadienne face à la crise
Au Canada, les partis d’opposition menacent de faire tomber le gouvernement minoritaire s’il n’augmente pas l’aide aux chômeurs. Or, celle-ci est déjà passablement augmentée depuis quelques semaines. En effet, le gouvernement a ajouté cinq semaines de prestations, il a augmenté l’aide financière de ceux qui participent aux mesures dites d’intégration et il en a étendu l’éligibilité. Avant ces changements, les gens qui avaient reçus des prestations lors des trois dernières années étaient éligibles à recevoir 220$ par semaine s’ils participaient auxdites mesures. Ce montant est haussé à 240$ et l’éligibilité est étendue aux quatre dernières années. La fameuse période de carence dont le Bloc Québécois cherche tant à faire tomber, question d’ajouter deux semaines de prestations, n’est déjà plus effective pour ces mesures. Ce n’est pas tout.
Ceux et celles qui reçoivent des prestations lors de leur demande de formation sont assurés d’un minimum de 240$ par semaine pour la durée de leur «parcours», en plus des frais de transport et de garderie. Ceux et celles qui reçoivent plus de 240$ par semaine se voient accorder les mêmes montants à la fin de leurs prestations tant et aussi longtemps que leur «parcours» n’est pas terminé. Le montant maximal des prestations est de 447$ par semaine, ce qui exclut les frais de transport et de garderie pour ceux qui participent auxdites mesures.
Un exemple de parcours : un individu se présente à Emploi-Québec pour demander de l’aide. Il ne réussit pas à se trouver de l’emploi et il en attribue la cause à la méconnaissance de la langue française et à des connaissances professionnelles mal adaptées au marché local. Il ne lui reste que quelques semaines de prestations, il reçoit le maximum et il a un enfant qu’il devra placer en garderie. L’agent d’emploi, tout heureux d’aider un pauvre type qui ne parle pas le français au Québec, accède à sa demande. D’ailleurs s'il la refusait, sous le prétexte que le client semble bien se débrouiller sans la maîtrise du français, le client n’aurait qu’à se plaindre pour obtenir ce qu’il veut, car il s’agit d’une politique qui est encouragée par le gouvernement. En démocratie, celui qui crie le plus fort obtient généralement ce qu’il veut, mais c’est le capitalisme qu’on accuse toujours de sauvage…
Le client sera en francisation douze mois, plus longtemps s’il insiste un peu, à raison de 447$ par semaine plus 16$ par semaine pour le transport et jusqu’à 125$ par semaine de plus pour la garderie. C’est que les garderies subventionnées à 7$ par jour étant toutes prises grâce à la «générosité» gouvernementale, les clients n’ont d’autre choix que de choisir celles qui ne sont pas subventionnées. Il s’ensuit que cet individu aura reçu 447$ par semaine pendant près d’un an pour chercher un emploi, qu’il recevra ensuite 588$ (447$+16$+125$) par semaine pour étudier le français, 588$ par semaine pour terminer les cours préalables à la formation professionnelle qu’il a choisie et 588$ par semaine pour suivre celle-ci. Dans la mesure où il en a pour 6 mois de cours préalables et que la durée de la formation professionnelle est de 18 mois, ce client fictif aura reçu quelque 100 000$ en 4 ans pour étudier et chercher de l’emploi. Cela est sans compter les coûts de ces formations, qui sont aussi à la charge des contribuables. Enfin, on lui offrira une subvention salariale à la fin de ses cours pour s’assurer qu’il trouve un emploi.
Encore une fois, les partis d’opposition au niveau fédéral considèrent que, en temps de crise économique, cela ne suffit pas. Ils se disent prêts à renverser le gouvernement sur cet enjeu. Les partis politiques du Québec, sans appuyer nécessairement cet enjeu, pensent la même chose, soit que les gouvernements doivent en faire davantage. À cet égard, ils ont l’appui des syndicats, des artistes, des journalistes, des universitaires, des environnementalistes, bref de tous ceux qui se considèrent progressistes. Plusieurs d’entre eux ne manquent pas l’occasion de dénigrer ceux qui ne partagent pas leur opinion. Eux seuls prétendent savoir ce qu’est la générosité. Parmi leur demande on retrouve celle d’obtenir des prestations d’emploi après neuf semaines de travail. On est progressiste ou on ne l’est pas! Sûrement qu’une réponse favorable à cette demande va relancer l’économie…
Évidemment, le régime public d’assurance emploi n’est qu’une façon parmi d’autres pour le gouvernement d’intervenir dans l’économie, mais ses interventions dans ce régime sont symptomatiques de sa vision d’ensemble lors d’une crise économique, soit de jouer un rôle accrû pour la résoudre. Les autres partis politiques canadiens, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, pensent la même chose si ce n’est que de façon plus prononcée. On peut même généraliser cette croyance à tous les gouvernements du monde. Dire qu’ils continuent d’accuser le capitalisme pour la sévérité de la crise démontre leur incapacité à la comprendre et à le diriger.
Cette croyance se base en bonne partie sur une incompréhension de la Grande Dépression. En effet, le gouvernement américain ne l’a pas vaincue grâce à ses interventions, pas plus qu’il ne l’a vaincue grâce à la Deuxième Guerre mondiale. Ce n’est qu’au moment d’abandonner plusieurs de ses programmes et autres interventions, en 1946-7, qu’il a retrouvé la voie de la prospérité. Malheureusement, il semble vouloir répéter les mêmes erreurs. On doit souhaiter que les autres gouvernements ne le suivront pas dans cette voie et qu’ils sauront retrouver le bon sens, car personne ne s’enrichit à s’endetter davantage.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire