La gestion de l’offre en agriculture est un facteur d’appauvrissement considérable pour l’ensemble des Québécois. Selon l’étude de l’IÉDM, ce système coûte près de 600 millions par année aux familles Québécoises. Encore une fois, ce sont les familles les plus pauvres qui en souffrent le plus. En effet, une plus grande portion de leur budget est allouée à l’achat des produits agricoles.
Ce système démontre bien que l’interventionisme a des conséquences négatives réelles et tangibles sur la vie de tous les jours.
Dans son texte, Julien Béliveau relate l’historique de cette aberration.
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Julien Béliveau, Canoë, Mise à jour: 20/02/2008 07:26
Millionnaire… au salaire minimum!
Vous ne l’auriez peut-être pas cru, mais il était possible -et même relativement facile - de devenir millionnaire au Québec tout en ne gagnant que le salaire minimum. Je dis était, car je crois que le système en question est en voie de disparition.
Pour y arriver, il fallait être producteur laitier à la fin des années ‘60, car les vannes du ciel gouvernemental devaient alors s’ouvrir pour inonder de richesses les producteurs laitiers. Avant cette ouverture, c’était l’époque de la misère sur les fermes laitières québécoises. Le lait ne se vendait pas cher et les prix des cultures d’appoint avaient la fâcheuse habitude d’être élevés une année et de s’effondrer la saison suivante parce que trop de producteurs s’y étaient lancés. Et il faut se rappeler que politiquement, les agriculteurs avaient du poids à cette époque, peut-être deux fois, trois fois plus que les citadins. Jean Lesage l’apprit chèrement lors de sa cuisante défaite aux mains de l’Union Nationale qui aurait tout aussi bien pu s’appeler l’Union Rurale. Mieux valait plaire aux producteurs agricoles. On remplaça ce beau fouillis de concurrence effrénée par la gestion de l’offre, un euphémisme pour monopole. Il s’agissait d’équilibrer l’offre à la demande pour un produit donné. Pour ce faire, on bloqua les produits concurrentiels à la frontière avec l’aide de tarifs douaniers et on contrôla le volume de production allouée. Les agriculteurs purent enfin respirer : ils pouvaient finalement vivre selon un standard de vie semblable à leurs concitoyens même s’ils étaient toujours liés à leurs vaches sept jours par semaine et 365 jours par année. C’est alors que le système a déraillé. La commission Pronovost notait cette semaine que les tarifs douaniers sur le beurre atteignent désormais un incroyable 299 %, 246 % sur le fromage, 238 % sur le poulet entier etc. Ainsi, quand vous comparez les prix de deux portions de fromage de 250 g, l’une fromage d’ici et l’autre d’ailleurs, et que les prix sont à peu près équivalents, disons à 7,50 $, dites-vous que le producteur européen a réussi à produire son fromage pour moins de la moitié du coût du fromager canadien, prenant en considération les facteurs transports et douanes.
Pour marcher, le système avait besoin d’une deuxième jambe : une limitation de la production sinon étant donné la barrière tarifaire, les prix des produits laitiers auraient chuté. On décida donc de limiter la production individuelle des producteurs par un système de quota; si vous dépassez votre limite de production, impossible de vendre le surplus. Impossible, à moins que vous n’achetiez du quota supplémentaire. D’où le système d’enchère, d’où les prix effarants des quotas. La commission Pronovost estime en effet que sur la valeur moyenne d’une ferme de taille moyenne, soit 2,5 M$, le montant alloué au seul quota serait de 1,5 M$. En d’autres mots, avant même d’avoir une seule vache, vous aurez dû dépenser plus que le coût total de la ferme pour votre permis de production. Le reste s’en suit : le fardeau financier de la ferme laitière devient insupportable, la relève n’y est plus, le stress et l’anxiété deviennent des constantes chez les producteurs qui doivent se contenter du salaire minimum. Leur seule consolation, lors de la vente de la ferme, ils seront millionnaires, grâce au quota, même s’ils n’ont travaillé toute leur vie qu’au salaire minimum!
Le problème de la valeur des quotas met en jeu la survie même de l’agriculture québécoise, selon la Commission. La chose est cependant tellement délicate politiquement que les trois commissaires ne peuvent, en guise de mesure de survie, que recommander des actions structurantes. J’espère que tous comprendront que c’était là une façon de dire scrapper ça, un mot que nos producteurs comprennent bien. Le hic, c’est que la valeur de tous ces bouts de papier serait présentement de près de 10 milliards. Demain n’est donc pas la veille de la mise au rancart qu’on n’ose pas recommander, car si le gouvernement a eu peur de l’UPA, c’était de la p’tite bière à côté des quotas!
1 commentaire:
En plus d'être chroniqueur financier, Julien Béliveau est aussi éditeur:
http://www.editionsaucarre.com
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