Considérée comme l’une des régions les plus pauvres au monde dans les années 50, Taïwan fait désormais partie des économies les plus prospères, et présente le meilleur score démocratique d’Asie. Selon l’index 2023 du think tank Heritage Foundation, elle se classe quatrième parmi les pays les plus libres économiquement derrière Singapour, la Suisse et l’Irlande. Cette île de 23 millions d’habitants incarne la réussite d’un modèle économique associant capitalisme et système politique démocratique.
Le miracle taïwanais : du communisme à l’économie de marché
Occupée par le Japon jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Taïwan a été rétrocédée à la Chine nationaliste conformément aux accords du Caire qui réunissait en 1943 Roosevelt, Churchill et Tchang-Kaï-Chek. L’île a alors subi les conséquences de la guerre civile chinoise opposant le gouvernement nationaliste, à savoir le régime autoritaire du Kuomintang (KMT) – seul parti autorisé à Taïwan jusqu’en 1986 – et le Parti communiste. Du fait des besoins en financement, le gouvernement a augmenté chaque année la masse monétaire de 55 à 65 %, provoquant une hyperinflation. Pour aider la Chine à sortir de cette situation économique désastreuse, les Etats-Unis ont versé des aides massives entre 1945 et 1965. Ces financements se sont élevés à 1,5 milliard de dollars sur une période de quinze ans, et représentaient en moyenne 6,4 % du PNB de Taïwan.
Il est vrai que la Chine, et par extension Taïwan, ont également été régies par des politiques protectionnistes, notamment dans les industries stratégiques telles que la pétrochimie et l’acier. Pour autant, le « miracle taïwanais » n’aurait jamais pu avoir lieu sans une ouverture au marché libre. La diminution des aides américaines a rendu nécessaire la hausse des exportations pour attirer les investisseurs étrangers, avec la création de zones franches dans des villes comme Kaoshiung, Taichung ou encore Nantze. L’attractivité de Taïwan a été renforcée par une main d’œuvre bon marché par rapport à des pays voisins comme le Japon et des villes comme Hong Kong, mais aussi par un assouplissement des contrôles gouvernementaux sur les entreprises et des politiques fiscales incitatives. Dès 1990, l’île de 20 millions d’habitants comptait ainsi plus de 700 000 petites et moyennes entreprises non agricoles. Son PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat était d’environ 53 000 dollars en 2018, ce qui la plaçait au 15ème rang mondial juste après les Etats-Unis, Hong-Kong et la Suisse. Une prospérité acquise sans endettement : la dette publique ne s’élève qu’à 30 % du PIB, et les dépenses publiques représentaient seulement 16 % du PIB en 2021.
Lecture : Ratio des dépenses publiques par rapport au PIB à Taïwan de 2017 à 2027
Source : Statista 2022
Pas de liberté économique sans liberté politique
Taïwan illustre les propos de Milton Friedman dans “Capitalisme et liberté” : il ne peut y avoir de liberté politique sans liberté économique. Le retrait progressif du gouvernement de la sphère économique a créé un terreau favorable à la démocratie politique. En l’occurrence, la transition d’un régime autoritaire à un régime démocratique a été initiée par le KMT lui-même, le gouvernement ayant tout intérêt à assurer la stabilité du régime. La fin du parti unique en 1986 a ainsi permis l’émergence du Parti démocrate progressiste (PDP), premier parti d’opposition, à la tête du gouvernement depuis 2016 avec une majorité des sièges au parlement.
Aujourd’hui, les Taïwanais chérissent le modèle d’un gouvernement animé par des valeurs libérales et démocratiques : une grande majorité d’entre eux soutient le statu quo, à savoir un territoire indépendant ayant son propre gouvernement et ses institutions. Chose peu surprenante dès lors que l’île était à la 10ème place du Democracy Index en 2022, qui inclut 60 indicateurs regroupés en cinq catégories (le pluralisme politique, les libertés civiles, le mode de gouvernement, la participation et la culture politique). Depuis que Taïwan a embrassé le capitalisme et la démocratie, elle bat des records en termes de qualité de vie avec une hausse régulière de l’espérance de vie, un système de santé efficace, ainsi que des performances scolaires supérieures à la moyenne des pays de l’OCDE en lecture, en mathématiques et en sciences. Si le régime chinois parvient à se maintenir malgré une économie en berne et des mouvements protestataires, l’exemple taïwanais nous montre que la meilleure stratégie, à long terme, est bien de jouer le jeu de la démocratie.
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