Revue de livre par Serge Rouleau
Les adeptes de la gauche souverainiste n’aiment pas beaucoup
Alain Dubuc. Ils le perçoivent comme un fédéraliste néolibéral radical. Cela
n’a rien de surprenant. La gauche a horreur des faits et des analyses
objectives. Elle préfère carburer à la pensée magique, c’est moins fatigant.
Pourtant, dans son dernier livre, Portrait de famille, 14
vrais et faux mythes québécois, il faut reconnaître qu’Alain Dubuc est un
observateur objectif de la société québécoise. Chacune de ses observations est
justifiée au moyen de données compilées par des experts dont l’objectivité peut
difficilement être remise en question. Malheureusement, pour les adeptes de la
pensée magique, les faits ont la tête dure.
Alain Dubuc passe en revue 14 des idées les plus
tenaces que les Québécois entretiennent à propos d’eux-mêmes pour les justifier
ou les démolir en les confrontant aux faits. Son objectif est d’offrir l’heure
la plus juste possible sur les réalisations sociales des Québécois, leur
performance économique, leurs succès et leurs échecs.
Sommes-nous un modèle ? La première proposition, c’est
la conviction que les Québécois, suite à la Révolution tranquille des années 60,
ont bâti un système unique, qui fait l’envie du monde entier. C’est
malheureusement un mythe entretenu par les
groupes d’intérêts qui profite d’un état hyper interventionniste au détriment
de l’ensemble de la population.
Sommes-nous éduqués ? Le Québec, au moment de la Révolution
tranquille, a entrepris une vaste réforme pour se doter d’un véritable système
d’éducation. S’il y a un domaine où le Québec se compare favorablement aux
sociétés développées occidentales, c’est celui de l’éducation. Ne gâchons notre
plaisir. Bravo!
Sommes-nous une société du savoir ? Les Québécois ont
passablement de travail à faire pour transformer le Québec en une véritable
société du savoir. Nous avons de beaux succès universitaires, nous avons des
industries de pointe. Pour aller plus loin, il faut surtout, investir plus dans
nos universités et valoriser les études de deuxième et de troisième cycle.
Sommes-nous culturels ? Le Québec rayonne
internationalement grâce aux productions culturelles de nombreux
entrepreneurs : Céline Dion, Robert Lepage, le Cirque du Soleil, etc. Il
faut s’en réjouir. Par contre, tous les domaines de la culture consommée par
les Québécois : le livre, le théâtre, le cinéma ne survivent que grâce à
un régime subventionnaire disproportionné par rapport aux autres missions de
l’État. Il n’y a que l’humour qui tire raisonnablement son épingle du jeu.
Sommes-nous menacés ? Les Québécois, société minoritaire
sur le continent, craignent que leur langue soit un jour détrônée par l’anglais.
Pourtant, ce sont les Québécois qui menacent sa survie. Plus de deux millions
de Québécois n’ont pas le niveau de littératie nécessaire pour se développer
pleinement. Pire, plus d’un million d’entre eux ont une maîtrise si faible
de la lecture qu’ils ne peuvent pas être fonctionnels.
Sommes-nous égalitaires ? L’égalité entre les hommes et
les femmes est une des grandes valeurs québécoises. Dans ce domaine le
Québec se compare aux autres provinces canadiennes.
Sommes-nous solidaires ? Ce concept inclut plusieurs
réalités dont l’égalité des chances, la redistribution, les écarts entre riches
et pauvres, l’aide aux démunis, la générosité des citoyens, et l’ouverture aux
autres. Il est certain que le Québec est plus à gauche que les sociétés qui
l’entourent. Malheureusement, trop souvent, cette soi-disant solidarité ne sert
qu’à justifier un nivellement par le bas.
Sommes-nous en santé ? Au cours des ans le système de
santé a évolué en fonction des besoins des groupes d’intérêt qui le compose. Au
bout du compte, ce système compromet l’accessibilité, est extrêmement coûteux
et est de moins en moins solidaire.
Sommes-nous verts ? Nous croyons que le Québec, au sein
du Canada et de l’Amérique du Nord, est une enclave écologique, le paradis de
l’énergie propre où les citoyens sont plus verts que les autres et plus
soucieux de l’environnement. Pourtant, per capita, nous produisons plus de
déchets, nous consommons plus d’énergie et nous gaspillons plus d’eau.
Sommes-nous travaillants ? Notre semaine de travail est
plus courte, nos vacances sont plus longues, nos congés de maladie plus
nombreux et nous prenons notre retraite plus tôt que dans les autres provinces
canadiennes et qu’aux États-Unis. Je vous laisse tirer vos propres conclusions.
Sommes-nous performants ? En fait, notre économie croit
moins rapidement que celles de nos partenaires et notre niveau de vie relatif
se détériorent. Nous connaissons le plus bas taux de croissance de la productivité
de tous nos partenaires économiques.
Sommes-nous riches ? Quel que soit le critère
utilisé : le PIB, le revenu brut, le revenu net, le revenu disponible, les
Québécois se classent dans le peloton de queue en Amérique du Nord.
Sommes-nous heureux ? Malgré notre pauvreté relative,
nous nous considérons heureux. C’est ce qu’on appelle se contenter d’un petit
pain.
Sommes-nous viables ? Malheureusement, le modèle
québécois n’est pas viable : la fiscalité est à la limite de l’acceptable,
la productivité piétine, les investissements se font attendre, le choc démographique
est à nos portes et les jours de la péréquation à la canadienne sont comptés.
Laissons la parole à l’auteur :
En fin de compte, cela montre que
notre modèle n’est tout simplement pas viable. On aura de moins en moins les
moyens de maintenir le système à flot. Comme la seule façon qui reste pour
rééquilibrer les finances de l’État est un contrôle des dépenses, les
compressions risquent de remettre en cause les acquis, de dénaturer les
missions, de compromettre la quantité et la qualité des services et des
soutiens à la population.
À moins bien sûr, de nous ressaisir et de corriger
rapidement les lacunes qui plombent notre économie et nos finances publiques.
Si le gouvernement Couillard maintient le cap et équilibre les finances
publiques, nous avons une chance raisonnable de nous en sortir avant qu’il ne
soit trop tard.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Alain Dubuc est chroniqueur à La Presse. Conférencier de renom, il a cumulé plusieurs distinctions tout au long de sa carrière. Il a entre autres été lauréat, en 1999, du Concours canadien de journalisme, dans la catégorie éditoriale. Il est également fellow invité au CIRANO, le Centre universitaire de recherche sur l’analyse des organisations.
Alain Dubuc est chroniqueur à La Presse. Conférencier de renom, il a cumulé plusieurs distinctions tout au long de sa carrière. Il a entre autres été lauréat, en 1999, du Concours canadien de journalisme, dans la catégorie éditoriale. Il est également fellow invité au CIRANO, le Centre universitaire de recherche sur l’analyse des organisations.
Portrait de famille, 14 vrais ou faux mythes québécois,
Alain Dubuc, Les Éditions La Presse: editions.lapresse.ca,
ISBN : 978-2-89705-228-7, Nombre de pages : 248.
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