« Ce livre
optimiste est dédié à tous ceux qui croient encore que la France peut bouger et
faire mentir les plus pessimistes. » (Agnès Verdier-Molinié)
Revue de livre par Francis
Richard.
Un mur se dresse devant soi. On fonce dedans. Cela ne peut
que faire mal…
Dans On va dans le mur, on, c’est la France. Si elle ne
change pas de cap, elle court à la catastrophe, parce qu’un mur est bien là,
sur sa route, contre lequel elle risque bien de se fracasser. Comme d’autres
pays avant elle, tels que la Grèce…
Agnès Verdier-Molinié pense qu’il est encore possible
d’éviter le mur : « Ce livre optimiste est dédié à tous ceux qui croient
encore que la France peut bouger et faire mentir les plus pessimistes. »
Pourtant le constat chiffré qu’elle dresse n’est guère
encourageant. Elle le décline en trois points.
L’empilement
La fiscalité française est un véritable maquis dans lequel
il est bien difficile de se retrouver. Il n’existe pas moins de 360 taxes. Ce
n’est pas un chiffre sorti de nulle part. L’auteur en fait l’inventaire à la
Prévert dans l’annexe 2 du livre. Elle est raisonnable puisqu’elle ne cherche à
n’en réduire le nombre qu’à une centaine… en éliminant toutes celles qui ne
sont pas rentables.
Les agents de la fonction publique sont aujourd’hui au
nombre de 5,3 millions. Il faut remarquer au passage que c’est la fonction
publique territoriale qui a le plus augmenté au cours des trois dernières
décennies, augmentation ne se justifiant qu’en partie par la décentralisation.
L’auteur propose de geler l’embauche des agents pendant 5 ans et de ne
remplacer qu’un départ à la retraite sur deux pendant 3 ans.
Le mille-feuille administratif comprend 36.769 communes,
15.903 syndicats inter-communaux, 27 régions, 101 départements. L’auteur
propose la fusion des communes en 5000 super-communes, la suppression de
l’échelon départemental et la fusion des régions de telle sorte qu’il n’y ait
plus que 13 grosses régions aux compétences élargies.
Aujourd’hui il y a plus d’ambassadeurs que d’ambassades…
Elles sont au nombre de 163, ils sont 191. La différence ? Les 28 ambassadeurs
« thématiques » (sic), comme par exemple « la coopération
décentralisée avec l’Asie« … Est-ce bien raisonnable ? L’auteur propose de
réduire de toute façon le nombre d’ambassades inutiles, notamment en Europe, et
de vendre le patrimoine immobilier correspondant.
En contrepartie des taxes, qui représentent le bâton dont il
se sert pour exister, l’État agite la carotte, soit 103 aides sociales, ce qui
représente un montant de 700 milliards d’euros de dépenses sociales. L’auteur
propose, pour résorber les déficits et réduire la dette correspondante, de
fusionner un certain nombre de ces aides et réduire le nombre d’interlocuteurs.
Le nombre des mandats paritaires est un sujet tabou auquel
s’attaque Agnès Verdier-Molinié. Ils seraient 100.000 à se partager ce fromage,
juteux aussi bien pour le patronat que pour les syndicats de salariés. L’auteur
propose que l’État gère désormais l’assurance chômage, l’assurance santé et les
caisses d’allocations familiales. Bref qu’il soit mis fin au parasitisme du
paritarisme par de l’étatisme…
Les dérives
Le mille-feuille institutionnel se traduit par des élus,
financés entre autres par les 360 taxes. Ils sont 618.384. Un record mondial.
Soit un mandat électif pour 104 habitants… L’auteur propose de réduire le
nombre des parlementaires et, conséquence de la réorganisation territoriale, le
nombre des élus locaux pour faire passer le nombre total d’élus à seulement
55.000.
Qui sait qu’aux salaires bruts des agents de la fonction
publique de l’État s’ajoutent quelque 1.851 primes et indemnités ? Cela
représente pourtant 28% de leur rémunération globale… Qui sait que la fonction
publique est divisée en 327 corps de fonctionnaires « qui correspondent à
des statuts avec attributions, systèmes de primes et grilles de paies
précises » ? L’auteur propose de réduire le nombre de ces primes, de lier
leur versement à la performance et de réduire le nombre des corps.
Il y a 5 millions de chômeurs en France toutes catégories
confondues. Parmi eux, un grand nombre ne cherchent pas d’emploi, 20%, voire
30% suivant les régions. Il faut reconnaître que « parfois l’emploi n’est
que très marginalement plus rémunérateur »… Alors, pour « préserver
justement le coeur de notre État-providence« , l’auteur propose d’être
plus sévère sur les indemnisations et sur les refus d’emplois proposés…
Si l’on n’omet pas de compter les jours de grève dans la
fonction publique, il y a environ 2 millions de jours de grève en France par
an. Ce qui a un coût économique considérable. L’auteur propose « de
limiter le droit de grève pour les agents en charge d’une mission de service
public« , car leur statut garantit leur emploi et que les conséquences
économiques sont reportées sur le contribuable, et d’encadrer le droit de grève
dans le secteur privé en n’autorisant une grève que si 50% des effectifs
l’approuvent.
Il y aurait en fait 915.138 enseignants en France, soit un
enseignant pour 14 élèves, qui assument un service allégé… Si à ce nombre on
ajoute les 70.000 enseignants du supérieur et tous les personnels non
enseignants, l’Éducation compterait 1.281.638 agents pour 12,6 millions
d’élèves… Tout ce monde pour aboutir à une instruction défaillante. À la faveur
de la réorganisation territoriale l’auteur propose que les enseignants soient
recrutés localement et qu’au lieu d’assurer 18 heures par semaine, ils en
assurent 800 par an.
Les opérateurs de l’État ou agences publiques sont au nombre
de 1.244 pour 442.830 agents. Quand l’État réduit ses effectifs, ceux des
agences augmentent. Elles servent en fait de vases communicants, où sont recasés
les agents de l’État… L’auteur propose de réduire leur nombre à 800 en
fusionnant celles qui sont proches et complémentaires.
La complexité
Nul n’est censé ignorer la loi. Sauf qu’en France il y a
400.000 normes, 10.500 lois et 127.000 décrets. Le tiercé gagnant ? Le droit de
l’environnement, le code général des impôts et le code du travail. Remède
contre cette inflation législative ? La création d’un organisme indépendant
pour analyser l’impact de chaque mesure impactant les entreprises et la
suppression d’une loi à la création d’une autre loi.
Le code du travail comprend, dans l’édition Dalloz de 2014,
3500 pages, 10.628 articles, et pèse 1,5 kilo… contre 500 grammes 30 ans plus
tôt. Code extrêmement précis sur certains points et complètement flou sur d’autres…
Toujours est-il que les seuils sociaux qui y sont définis sont des freins à
l’embauche, de même que les licenciements, parce que périlleux…
S’il y a eu 549.975 entreprises créées en 2012, seules
27.500 ont créé des emplois à leur démarrage. Il existe pourtant 1175
dispositifs d’aides aux entreprises… et un nombre impressionnant de structures
pour obtenir cette manne. L’auteur propose d’abandonner l’idée d’aider les
entreprises, d’agir uniquement sur leur environnement, de « faire en sorte
qu’il soit simple, stable et favorable à leur compétitivité », de supprimer
l’ISF et l’imposition sur les plus-values de cession.
L’État français contrôle un grand nombre d’entreprises (1383
en 2012) et le total de ses participations s’élève à 110 milliards d’euros. Une
fois définies les entreprises qui sont réellement stratégiques pour le pays,
l’État devrait se désengager des autres.
Aujourd’hui il existe 37 régimes de retraite, ce qui ne
facilite pas la mobilité professionnelle et est à l’origine d’injustices : par
exemple, 60 milliards d’euros sur 282 milliards de prestations sont distribués
sans cotisations… L’auteur propose donc la convergence de « tous les
régimes vers un système unique sous forme d’une retraite par points par
répartition, complétée par une part de retraite en capitalisation ».
Les Français ne travaillent pas 10,3 semaines par an. Cela
correpond à 6,6 semaines de congés payés, à 0,9 semaine de jours fériés et… à
un absentéisme moyen de 2,8 semaines, plus particulièrement important dans la
fonction publique. La durée de travail est de ce fait bien moindre en France
qu’en Grande-Bretagne, qu’en Allemagne et même qu’en Italie. L’auteur propose
donc l’allongement de la durée du travail, « ce qui ne se résume pas à la
durée hedomadaire de 35 heures, qui doit être rendue flexible en plus ou en
moins, mais inclut la durée sur l’année, et aussi sur toute la vie ».
Conclusion
Selon l’auteur, si ces réformes sont accomplies, la France
évitera le mur. Agnès Verdier-Molinié se projette en 2022 et conclut : « C’est
une nouvelle France qui démarre et l’on ressent beaucoup d’enthousiasme, comme
une fierté retrouvée à l’aune des désespoirs d’antan d’être sorti d’un système
favorisant corporatisme et connivence qui ne profitait qu’à quelques-uns en
bloquant tous les autres. »
Pourquoi cet enthousiasme prédit par l’auteur à l’horizon de
sept ans laisse-t-il sceptique ?
– D’abord parce que, de son propre aveu, le résultat
escompté de tant d’efforts est, somme toute, modeste : si tous les objectifs
qu’elle détaille dans l’annexe 1 de son livre sont atteints – ce qui n’est pas
gagné -, les dépenses publiques seront limitées à un maximum de 52% en 2022 et
de 50% en 2025…
– Ensuite parce que l’intervention de l’État reste
prépondérante dans des domaines qui ne sont pas régaliens et, par exemple, même
renforcée dans le domaine de l’assurance privée tels que la santé ou le
chômage.
– Enfin parce que l’auteur veut préserver l’État-providence,
qui n’est justement pas la solution mais le problème principal dont souffrent
nos pays car redistribuer plus rationnellement, c’est toujours redistribuer.
Agnès Verdier-Molinié, On va dans le mur…, Albin Michel, février 2015, 272
pages.
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