Le cycle économique renvoie d'abord aux fluctuations de l’activité économique. En soi, ces fluctuations ne signifient rien de grave, si ce n'est de rappeler que l'activité économique ne saurait être toujours en croissance. C'est uniquement lorsque ces fluctuations sont importantes, voire excessives, qu'on réfère au cycle économique de manière négative. Cependant, puisque que ce sont ces excès qui causent problème, c'est cette définition qui retient généralement l'attention.
Pour les tenants de l'école autrichienne d'économie, les
excès du cycle économique ne sont ni réguliers, ni inhérents au marché. Ils varient plutôt selon l'importance des
interventions de l'État. Au contraire,
pour les autres écoles de pensée ces excès sont inhérents au marché et l'aide
de l'État est nécessaire pour les atténuer.
Qui a tort? Qui a raison?
Qualifier le marché d'«esprit
animal» ou de maniaco-dépressif n'explique pas les excès du cycle économique,
mais constitue uniquement une autre façon de le qualifier. C'est se contenter de dire que c'est sa
nature pour justifier l'intervention de l'État.
Pour vraiment comprendre ces excès on doit creuser davantage, identifier
ce qui incite les agents économiques à passer d'une extrême à l'autre.
Les incitatifs dont il s'agit ne renvoient pas à des objectifs,
telle que la quête d'un profit, mais aux facteurs à considérer pour les atteindre. Ils se rapportent aux multiples
environnements de l'homme: physique, légal, politique, économique, etc. Il s'agit donc de contraintes à l'action, mais
des contraintes qui constituent aussi des opportunités.
Bien que l'environnement physique de l'homme réponde à ces
critères, à moins d'une grande découverte ou d'une catastrophe naturelle, il ne
constitue pas un facteur explicatif des excès du cycle économique. On doit donc porter son attention sur les
autres facteurs explicatifs, qui relèvent tous du cadre politico-légal.
L'incitatif le plus important provient
des fluctuations de la masse monétaire. Celles-ci
constituent la cause principale des fluctuations du cycle économique. Les autres incitatifs importants ont
également pour source l'État: taux directeur, dépenses gouvernementales,
législation, réglementation, taxation, etc.
Ils tendent à cerner davantage les secteurs d'activités qui profiteront
des fluctuations à la hausse de la masse monétaire.
Bien que les moyens utilisés par
l'État constituent les plus importants incitatifs d'agir (facteurs à
considérer), les définitions et indicateurs dont on se sert pour évaluer l'état
de l'économie sont aussi importants, car ils déterminent le degré d'intensité
des moyens utilisés. Il s'ensuit que les
définitions et indicateurs économiques qui donnent un portrait erroné de la
réalité risquent d'aggraver la situation plutôt que de l'améliorer.
J'illustre le point de vue autrichien
du cycle économique en commençant par une brève description des interventions
de la Fed, soit la banque centrale américaine, depuis l'année 2000. On peut généraliser cette description au
Canada, à l'Australie, au Japon, à la Chine et à l'Europe tellement leurs
interventions sont similaires à celles pratiquées aux États-Unis. Je poursuis en critiquant quelques-unes des
définitions utilisées par la Fed, car je considère qu'elles donnent un portrait
erroné de la réalité. À l’aune de cette
analyse critique la conclusion s'impose d'elle-même.
Le taux des fonds
fédéraux (taux directeur) est en baisse depuis 1980, mais de manière plus
importante depuis le début des années 2000.
La forte baisse survenue au début des années 2000 cherchait à relancer
le marché boursier après son effondrement.
Cette baisse s'est échelonnée sur 3 ans et ledit taux a repris une
direction à la hausse en 2004. Une autre baisse importante a été amorcée en fin
d'année 2007 dans le but de soutenir le marché immobilier qui s'essoufflait.
Celle-ci s'est échelonnée sur 15 mois et le taux des fonds fédéraux
demeure à son niveau plancher depuis 2008.
De manière parallèle, la hausse de
la masse monétaire a été particulièrement élevée de 2001 à 2004 et de 2008
à aujourd'hui.
Considérant que les marchés boursiers américains ont non
seulement repris le terrain perdu, mais quelque peu dépassé leur sommet atteint
en 2007, ne devrait-on pas conclure au succès de ces politiques? Non.
D'abord, le niveau actuel du plus important indice boursier américain,
le S&P 500, est à peine 14 % plus élevé que son sommet atteint en 2007,
qui, à son tour, ne dépasse le sommet atteint en 2000 que par un maigre 2
%.
Ensuite, la Fed ne regarde pas uniquement le niveau des
marchés boursiers, mais plusieurs autres indicateurs économiques, dont le
populaire Produit intérieur brut (PIB), pour se faire une idée de l'état de
l'économie. Bien que le PIB ait été
généralement positif depuis la fin de 2009, il a de la difficulté à se
maintenir au-dessus de 2 % sur une base trimestrielle; un niveau généralement
considéré comme étant le minimum acceptable pour les États-Unis. Dans ces circonstances et considérant que le
PIB moyen depuis l'an 2000 se situe en deçà de 2 % sur une base annuelle, de
sérieuses questions se posent relativement aux politiques gouvernementales
cherchant à relancer l'économie.
Les conséquences incomprises de l’inflation monétaire
Le président de la Fed a donc de bonnes raisons d'être
insatisfait de la performance économique des États-Unis depuis 2008, mais il a
tort d'utiliser les mêmes incitatifs qu'auparavant pour la relancer. Or, non seulement il persiste à les utiliser,
mais il les utilise avec plus de vigueur.
Il agit de la sorte d'abord parce qu'il pense qu'un résultat
satisfaisant dépend de l'intensité à utiliser les incitatifs à sa disposition,
ensuite parce qu'il n'en constate pas encore les effets négatifs. Pour lui, comme pour des milliers d'autres
experts qui le soutiennent, du moins qui soutiennent l'institution qu'il
représente, tant que l'inflation monétaire ne se traduit pas en inflation des
prix à la consommation, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter.
Cet aveuglement de la part de la majorité des experts rend
l'inflation monétaire plus dangereuse qu'elle ne l'est déjà. Elle l'est déjà, car elle rend possible
l'obtention de biens sans le besoin préalable de produire quelque chose. En d'autres termes, il s'agit d'un échange de
biens et de services réels pour une monnaie fiduciaire à laquelle on attribue à
tort la même valeur. Si on ne réalise
pas cet effet de l'inflation monétaire, on risque fort de vouloir la maintenir,
voire l'accélérer. On la poursuivra avec
d'autant plus d'enthousiasme que le seul effet qu'on lui attribue est à
première vue positif, à savoir qu'elle tend à hausser les prix des actifs
répertoriés dans les marchés obligataires, boursiers, immobiliers et
autres.
Qu'on se le dise, ce n'est pas parce que l'inflation
monétaire n'est pas comptabilisée dans les divers indices d'inflation qu'elle
ne constitue pas un problème. Ce n'est
pas non plus parce qu'elle affecte à la hausse les prix des actifs répertoriés
dans plusieurs marchés que ses effets sont strictement positifs. On doit réaliser non seulement que ces effets
ne durent pas, mais qu'ils sont souvent dévastateurs à moyen et à long
terme.
La mauvaise évaluation de la consommation
Le président de la Fed erre également dans l'adéquation
qu'il sous-entend entre l'économie et la consommation. En effet, la Fed, comme le gouvernement,
cherche à relancer l'économie d'abord et avant tout par l'entremise d'une
augmentation de la consommation. Elle ne
se questionne pas à savoir si la relance de la consommation constitue une étape
préalable à la relance de l'économie, car, bien qu'elle distingue l'une de
l'autre, elle considère que la première est indispensable à la seconde. Elle maintient son taux des fonds fédéraux à
un niveau historiquement bas et elle injecte des sommes d'argent colossales
dans le marché dans le but de relancer la consommation qui, à ses yeux,
relancera du même coup l'économie.
La Fed commet une troisième erreur en traitant différemment
les dépenses de consommation effectuées par les individus de celles effectuées
par le gouvernement. C'est dans cette
perspective qu'elle dit ne pas atteindre son objectif de relancer l'économie,
car elle n'a de yeux que pour la consommation individuelle (privée). Cependant, dans la mesure où l'on considère
les dépenses gouvernementales liées à la santé, l'éducation, la retraite, le
chômage, et cetera comme étant essentiellement des dépenses de consommation, on
doit conclure, au contraire, que les politiques utilisées par la Fed atteignent
leur but. En effet, les dépenses
publiques du gouvernement fédéral ne cessent de croître, tandis que l'épargne
individuelle ne cesse de baisser.
La réduction de l'épargne a pour cause et les incitatifs gouvernementaux
mis en place pour augmenter la consommation individuelle et la hausse des taxes,
et frais en tous genres, pour payer les services offerts par le gouvernement. Puisque les dépenses liées à ces services constituent de la consommation et que celle-ci
ne cesse de croître, grâce notamment à une augmentation
de la dette des ménages, les autorités gouvernementales, économiques et
financières devraient non plus en encourager la hausse, mais la baisse. En effet, si l'objectif est d'augmenter la
consommation, alors il est atteint. Toutefois,
la façon d'y arriver vient accompagnée de résultats non-attendus, à savoir une
baisse de la consommation privée, une baisse de l'épargne et, surtout, une
baisse des libertés individuelles.
Considérant que la consommation individuelle et
gouvernementale se fait de plus en plus à crédit, on peut même parler de
surconsommation. Dans cette perspective,
le problème n'est donc pas tant les moyens utilisés et par la Fed et le
gouvernement pour accroître la consommation que l'objectif même d'accroître la
consommation pour relancer l'économie.
Toutefois, si l'on change d'objectif, plus précisément si l'on cherche à
accroître la production plutôt que la consommation, alors les moyens utilisés à
l'heure actuelle pour relancer la consommation doivent également être
modifiés.
La surconsommation, et l'endettement qui en découle, conduit
les entreprises et les individus à mal investir de manière généralisée, car les
ressources réelles ne sont pas disponibles en même proportion que les
ressources monétaires. La rareté des
ressources réelles conduit à l'augmentation de leurs prix qui conduit, à son
tour, à une révision à la baisse des revenus et des profits projetés. Dans ces circonstances, des projets sont
abandonnés et des faillites répertoriées.
Bien que le but premier de la Fed ne soit pas nécessairement
de tromper les gens, ses incitatifs à consommer et à investir ne font que
cacher, pour un certain temps, la réalité qui se redécouvre dès lors que ces incitatifs
sont réduits ou mis de côté. Les
renouveler ne fait que repousser la découverte de la réalité, soit que les
ressources réelles disponibles ne se retrouvent pas en aussi grande quantité
que le laissent entendre les différents indices économiques. Plus on prend de temps pour renverser ces incitatifs,
plus graves en seront les conséquences.
En d'autres mots et dans un ordre chronologique, une forte
augmentation de la masse monétaire conduit d'abord les gens à consommer au-delà
de leurs moyens, ce qui laisse peu de ressources à investir pour accroître la
richesse. Non seulement ces ressources
se font plus rares, mais elles tendent à être mal investies pour
essentiellement deux raisons. Premièrement,
les revenus nominaux, à partir desquels se fondent les projets d'investissement,
sont gonflés par cette augmentation de la masse monétaire. Puisque celle-ci ne saurait durer sans
entraîner son lot de problème, envisager de grands profits, sur la base de
revenus élevés qui sont en partie la conséquence de cette augmentation qui ne
durera pas, constitue une importante source d'erreur. Secondement, les projets financés par un taux
d'emprunt tenu artificiellement bas tendent à surestimer les profits qui en
découlent. Cette seconde source d'erreur
touche particulièrement les projets à longue échéance, car à la fois le taux
d'inflation et le taux d'escompte jouent contre eux.
Les autorités qui ont mis en place les incitatifs pour
accélérer ou relancer l'économie doivent tôt ou tard y mettre un frein pour
éviter à la fois une inflation des prix des biens et services de consommation, une
concentration de colosses aux pieds d'argile et une dislocation des marchés. Considérant qu'une dislocation des marchés conduit
à une forte déflation des prix des actifs qui y sont répertoriés, la Fed tente
d'en réduire les effets. Malheureusement,
cette déflation est trop souvent combattue par le seul remède qu'elle
connaisse, soit l'inflation monétaire, ce qui ne fait qu'aggraver la situation
plutôt que de l'améliorer.
Toujours est-il que c'est lorsque ces incitatifs sont
réduits ou abandonnés qu'on réalise la fragilité de l'expansion. La contraction économique, pour sa part, est
proportionnelle à l'intensité des moyens mis en place pour accélérer
l'expansion. En d'autres mots, si l'on
veut éviter les excès de la contraction, on doit commencer par éviter les excès
de l'expansion. Il n'existe pas mille et
un moyens d'y arriver. On doit revoir les
rôles jouer et par la banque centrale et par le gouvernement d'une part et
d'autre part, on doit réviser certaines définitions, notamment celles de
l'inflation, la consommation et la productivité. Si l'on ne s'entend pas sur ces définitions,
on risque d'utiliser des incitatifs qui causent plus de tort que de bien à la
création de richesse.
À la lumière de cette conception du cycle économique et
considérant que depuis 2008 le taux directeur se situe à son niveau historique
le plus bas, que la masse monétaire a augmenté de quelque 70 %, un record, et que
la dette fédérale, pour sa part, a augmenté de 80%, soit un seuil qui n'a
jamais été atteint auparavant en temps de paix, on doit conclure que plusieurs
investissements effectués depuis cette date risquent fort de mal tourner. On ne peut prédire quand exactement ce
retournement se produira, mais on peut affirmer que, toutes choses égales par
ailleurs, il se produira. On peut
également affirmer que le plus tôt seront réduits les divers incitatifs utilisés
par l'État, notamment l'augmentation de la masse monétaire, le mieux on s'en
sortira. Ce ne signifie pas qu'un
renversement de cet incitatif s'effectuera sans mal, mais plutôt qu'il vaille
mieux l'effectuer plus tôt que tard pour éviter un mal plus grand.
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