André Dorais
Les contrôles de l’État sur la monnaie ne sont pas nombreux, mais importants. L’État impose aux banques un minimum de réserves à détenir dans leurs coffres ou ceux de la banque centrale et les encouragent à prêter le reste. Suivant ces directives, ou politiques des réserves fractionnaires, les banques prêtent plus d’argent qu’elles n’en possèdent, ce qui signifie, à son tour, qu’elles créent de l’inflation. En effet, l’inflation à proprement parler est une augmentation de la «quantité» de monnaie dans l’économie. Ce qui passe à tort pour de l’inflation, soit une hausse générale des prix des biens et des services, ne constitue que la conséquence la plus probable de l’inflation, mais non l’inflation elle-même.
À prendre l’effet pour la cause, on perd de vue la réalité. Bien que l’inflation constitue la cause première de la hausse des prix des biens et des services, elle n’est pas la seule. La perte de ressources due aux phénomènes naturels (tremblement de terre, inondation, etc.) tend généralement à augmenter leurs prix et ceux des biens qui en découlent. La fixation des prix par l’autorité législative favorise la consommation de certains biens et services, mais elle conduit également à la hausse des prix des ressources nécessaires à cette consommation. Il s’ensuit que la consommation doit être réduite ailleurs.
L’avarice de certains individus et de certaines entreprises peut aussi expliquer la hausse de certains prix, mais celle-ci est localisée et facilement corrigible par une compétition accrue. Une science digne de ce nom doit être en mesure de distinguer ces phénomènes, mais cela s’avère impossible lorsqu’on qualifie d’inflation toute augmentation de prix. Malheureusement, c’est la définition privilégiée par la majorité des économistes. Les médias reprennent leurs propos sans en questionner la justesse. Cela fait l’affaire des gouvernements qui ne sont pas considérés plus coupables de l’inflation que les autres agents économiques. C’est la grande noirceur.
Règle générale, la monnaie créée par les banques constitue la façon la plus populaire de produire de l’inflation. L’autre façon d’en créer relève de la banque centrale. Bien que celle-ci puisse ajouter des pièces et des billets dans l’économie, elle procède communément en achetant les dettes gouvernementales détenues par les banques. Puisque celles-ci reçoivent du nouvel argent, elles sont en mesure d’en prêter davantage. Comme si cela ne suffisait pas, les banques centrales, notamment la Réserve fédérale, achètent depuis quelques mois les dettes des entreprises, notamment celles des banques, à l’aide d’argent neuf. En d’autres mots, les banques centrales modifient à la hausse les réserves des banques tout en les soulageant de leurs dettes. C’est le traitement royal! Le seul prix qu’elles ont à payer est l’ire de la population, car celle-ci ne réalise pas qu’elles sont les marionnettes de l’État.
Devant tant d’incompréhension et d’injustice, il n’est guère surprenant d’être en crise économique. Malheureusement, celle-ci risque de se prolonger, car les gouvernements utilisent les mêmes recettes pour sortir de la crise que celles qui y ont conduit. Comment pourraient-ils agir autrement lorsqu’ils sont incapables de reconnaître leurs torts? C’est plus facile d’accuser le capitalisme détesté, mais incompris, de par le monde. Les gouvernements baissent le taux directeur afin de faciliter le crédit et conséquemment l’inflation et augmentent leurs dépenses dans le but avoué de faire «rouler» l’économie. Que les dépenses soient effectuées par les gouvernements plutôt que les ménages et les investisseurs, elles ne permettront pas plus à l’économie de «repartir», car elles n’en constituent pas le «moteur».
Le moteur de l’économie est l’épargne et plutôt que de l’encourager, les gouvernements s’acharnent à la dilapider sous les mauvais conseils d’une panoplie de gens, dont plusieurs économistes qui seraient censés être plus avisés. C’est l’épargne qui permet à l’entrepreneur d’accroître ses moyens de production et c’est cette production accrue qui permet aux gens de s’enrichir. Lorsqu’on cesse d’épargner, on doit puiser dans l’épargne accumulée pour maintenir ou accroître la production, mais dès lors qu’il n’y a plus d’épargne la production stagne pour ensuite reculer.
Les dépenses gouvernementales sont nuisibles à l’épargne pour deux raisons : d’abord parce qu’elles sont effectuées sans l’accord explicite des contribuables, ensuite parce qu’elles ne cherchent pas à produire de la richesse, mais à la consommer. Les gouvernements tentent de faire croire à leur population que leurs dépenses sont des investissements, par conséquent qu’ils visent une production plutôt qu’une consommation de richesse, mais c’est oublier que la richesse est propre à chaque individu. Lorsqu’on admet cela, on ne se laisse pas berner par la distinction entre une dépense d’investissement et une dépense de consommation puisque cette distinction est valide uniquement au niveau individuel. Il s’ensuit que les dépenses gouvernementales constituent des dépenses de consommation qui sont rendues possibles grâce à de l’argent soutiré aux contribuables.
Il ne suffit pas de vouloir consommer ou dépenser pour créer de la richesse, encore faut-il s’assurer qu’il y ait quelque chose à consommer. Lorsque les gouvernements injectent de l’argent dans l’économie, ils n’ajoutent rien qui puisse être consommé, par conséquent ils n’ajoutent pas de richesse, mais seulement des moyens de se la procurer. À trop mettre l’accent sur les dépenses, le crédit et la consommation les gouvernements passent à côté de l’essentiel, soit la production de richesse. Produire exige du temps et de l’effort et pour soutenir cet effort, il faut de l’épargne. Si l’on ne pense qu’à consommer sans se soucier de produire davantage, arrivera un jour où cela ne sera plus possible, car il n’y aura plus rien à se mettre sous la dent.
Désocialiser la monnaie
Les gouvernements sauvent les banques de la faillite de peur de les voir tomber les unes après les autres. Cet effet domino n’est possible que dans le secteur bancaire, car celui-ci est érigé en cartel contrôlé par les gouvernements. Ce cartel existe uniquement parce que les gouvernements veulent maintenir leur monopole sur la monnaie et continuer à dépenser selon leurs priorités. Pour sortir de la crise on ne doit pas socialiser davantage ce secteur, qui l’est déjà passablement, mais le désocialiser, c’est-à-dire le libérer du pouvoir de l’État et des institutions internationales qu’il contrôle.
On doit abolir la banque centrale, condamner la politique des réserves fractionnaires et abandonner le «cours légal». Ce dernier point permettrait aux gens de choisir leur monnaie. Si le passé est garant de l’avenir, les choix majoritaires s’arrêteraient sur l’or et l’argent métallique. Du coup, l’inflation ne serait plus sujette aux «politiques monétaires», mais à la capacité des producteurs de ces métaux d’en faire de la monnaie. Puisqu’on ne sort pas l’or de la terre aussi facilement que les billets de la banque centrale, l’inflation serait réduite au bénéfice de tous.
La politique des réserves fractionnaires doit être condamnée, car elle constitue rien de moins qu’une fraude légalisée, une appropriation des dépôts individuels par les banques à des fins spéculatives. Les dépôts doivent être considérés comme des dépôts, non comme des prêts aux banques. Cette politique doit être condamnée peu importe la monnaie choisie. Malgré qu’une banque centrale verrait ses pouvoirs passablement diminués s’il y avait abolition du cours légal et condamnation des réserves fractionnaires, il vaille mieux l’abolir néanmoins pour s’assurer qu’elle n’intervienne pas sur les taux d’intérêt. Enfin, il va de soi qu’une désocialisation de la monnaie implique également la fin de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
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