Par Francis Richard.
L’école autrichienne d’économie est née il y a quelque cent cinquante ans avec un livre, Principes d’économie, de Carl Menger, publié à Vienne, en Autriche : « le terme fait référence à une conception particulière de l’économie, et aux économistes du monde entier qui y souscrivent. »
LES 10 PRINCIPES-CLÉS DE L’ÉCOLE AUTRICHIENNE D’ÉCONOMIE
Dans son livre, qui est une introduction à cette école, Eamonn Butler en rappelle une dizaine de principes-clés qui justifient l’expression employée de conception particulière :
1. L’économie est une question de choix et ne concerne que les individus :
« Invariablement, nous devons renoncer à une chose (disons une somme d’argent ou du temps ou des efforts) pour en obtenir une autre… »
2. L’économie est donc très différente des sciences naturelles dont les objets peuvent être observés et mesurés (les scientifiques peuvent à partir de là faire des prédictions et des statistiques), puisqu’elle étudie la façon dont les gens font leur choix :
« Ce sont des sentiments personnels, individuels, que nous ne pouvons pas observer et mesurer – ni, par conséquent, prédire. »
Mais nous pouvons les expliquer parce que, individus humains, « nous savons comment nous pensons ».
3. Tout en économie repose sur les valeurs humaines, qui sont subjectives :
« Le même bien a une valeur différente suivant les personnes et selon l’utilisation qu’elles en font. »
4. « Les prix nous aident à maximiser la valeur et à minimiser les coûts » : ce sont des signaux pour les individus qui échangent et « le taux auquel ils sont prêts à échanger ».
5. « La concurrence est un processus de découverte : les marchés ne sont pas parfaits. En effet, ce sont leurs imperfections qui les animent ».
6. « La propriété privée est essentielle » : c’est quand un bien est vendu qu’il a un prix.
« Là où il n’y a pas de prix, il n’y a pas de marché pour nous aider à découvrir quelles sont les choses qui manquent et pour orienter les ressources vers les manques. »
7. « La production est […] une activité risquée et comporte un risque réel de perte. »
8. « L’inflation est profondément dommageable », parce que la monnaie est « un bien comme les autres » : elle « est apparue simplement parce que les gens voulaient un moyen d’échange généralement accepté ».
9. « L’intervention du gouvernement est presque toujours maligne. »
10. « Les actions ont des conséquences imprévues – bonnes et mauvaises. »
LES ÉCONOMISTES DE LA MACROÉCONOMIE
À ne pas vouloir observer ces principes, les économistes se fourvoient :
- Parce que l’économie résulte d’actions individuelles dont il est impossible de faire l’addition et de prédire les résultats à partir d’agrégats : la macroéconomie est « fondamentalement trompeuse et erronée ».
- Parce que « la valeur n’est pas une qualité objective qui réside dans les choses : le monde change constamment, et les valeurs et les motivations des gens changent aussi. »
Que pouvons-nous faire alors ?
« Nous ne pouvons pas accéder aux valeurs des gens, mais nous pouvons les déduire de ce qu’ils choisissent réellement » en analysant « l’utilité marginale », c’est-à-dire « quels avantages les gens s’attendent à obtenir d’une petite addition à leurs stocks existants ».
L’ANALYSE DES ÉCONOMISTES AUTRICHIENS
À partir de ces principes et de cette analyse, les autrichiens montrent que tout est individuel : les coûts, les avantages, le profit (qui est la différence entre les deux) et que rien ne peut être planifié collectivement.
Ils montrent que
« le marché ne récompense que la valeur pour autrui de ce que produit chaque individu, que ce soit par chance, par bon jugement ou par travail »
C’est pourquoi Marx avait tout faux avec sa théorie de la valeur travail.
Ils montrent que la concurrence :
- stimule l’innovation et le progrès ;
- fonctionne parce qu’elle n’est pas parfaite : elle incite les producteurs à se différencier les uns des autres ;
- oblige les entrepreneurs à prendre des risques, motivés par le profit qui les incite à « produire ce que le public désire le plus ».
Ils montrent l’importance du temps dans les choix que nous faisons aussi bien en tant que producteurs que consommateurs, c’est la préférence temporelle propre à chacun sans qu’il y ait de choix correct : passer plus de temps à fabriquer des biens de haute qualité ou moins de temps à fabriquer des biens moins chers et moins durables ; épargner, c’est-à-dire différer la satisfaction immédiate, ou consommer tout de suite.
Ils montrent que les cycles économiques sont dus aux taux volontairement bas, à la création de monnaie et à l’inflation, qui ont pour conséquences le mal-investissement et la transformation d’un boom initial en krach final.
Ils montrent que les économistes dominants se trompent quand ils « suggèrent que « l’échec du marché peut être « corrigé » par la réglementation et l’intervention » : les marchés sont effectivement plus susceptibles de résoudre les problèmes que les gouvernements.
Les autrichiens s’opposent à la propriété collective des biens de production (qui caractérise le socialisme) parce que justement il n’y a pas de marché pour eux, et donc aucun moyen d’établir des prix pour eux.
Les autrichiens sont clairement des libéraux, au sens européen, plutôt qu’au sens américain. Mais il y a plusieurs demeures dans leur maison comme dans celle plus large encore du libéralisme.
Par exemple, si tous s’accordaient hier, et s’accordent aujourd’hui, à penser que, pour que le marché fonctionne, il faut des règles telles que le respect des droits de propriété et le respect des contrats, les autrichiens modernes divergent sur qui doit les faire appliquer, l’État ou pas l’État.
Même si l’influence des idées autrichiennes devaient continuer à croître, il n’en reste pas moins qu’elles sont encore ou méconnues, ou considérées comme un éclairage secondaire sur les idées dominantes :
« C’est peut-être parce que la plupart des gens ont toujours une foi touchante dans le pouvoir des gouvernements d’identifier et de guérir nos problèmes… »
Une actualité récente indique cependant que ce pouvoir commence à être récusé en doute.
« … Ou peut-être que les gens ont du mal à imaginer que les marchés peuvent résoudre des problèmes extrêmement importants et difficiles sans avoir besoin d’une direction et d’un contrôle centralisés. »
La même actualité indique que beaucoup de gens n’ont pas seulement du mal à l’imaginer mais n’en ont aucune idée, parce que personne ne leur en a jamais parlé…
- Eamonn Butler, Introduction à l’école autrichienne d’économie, Institut Coppet (traduit de l’anglais par Gérard Dréan)
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