Les journaux du monde entier ont fait croire que le monde déversait ses déchets plastiques en Malaisie de manière frauduleuse. « La Malaisie ne sera pas la décharge du monde » a clamé la ministre malaisienne en charge de l’énergie, de l’environnement et des sciences, le 11 juin. Et elle a annoncé que son pays retournerait à l’envoyeur des centaines de tonnes de déchets plastiques.
La réalité est notablement différente. Certes, certains pays laissent peut-être partir sans précaution des déchets contaminés vers la Malaisie et ailleurs. Mais une grande partie des déchets envoyés en Malaisie, comme ils l’étaient jusqu’à l’an dernier souvent en Chine, le sont dans le cadre d’un échange commercial normal et conclu dans l’intérêt des parties au contrat. Comme dans d’autres pays ayant des bas salaires, de nombreuses entreprises de recyclage se sont installées en Malaisie et achètent aux entreprises de collecte du monde développé des déchets plastiques pour les recycler et les revendre.
Environ 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). Mais pour l’essentiel, elles ne finissent dans des terrains vagues ou dans les océans, comme le laissent entendre d’une manière générale la doxa ambiante, que dans les pays peu développés. Dans les pays développés, le recyclage est à l’œuvre pour traiter ces déchets de manière intelligente, en les valorisant.
En France, le tri sélectif des ménages permet actuellement de recycler 57% des bouteilles plastiques en les transformant en granulés de PET (polyéthylène téréphtalate) destinés à la fabrication de nouvelles bouteilles ou d’autres produits en contact alimentaire. Les bouchons aussi peuvent être recyclés. Broyés ou re-granulés, ils sont revendus pour la plasturgie, la fabrication de bacs poubelles, de tubes de dentifrice ou autres. Lorsque les déchets sont de moins bonne qualité, ils sont envoyés dans des pays où la main d’œuvre est meilleur marché afin d’être recyclés dans des matières moins nobles. Par exemple, une partie de ces plastiques envoyés en Malaisie est transformée aussi en granulés, mais en vue de la fabrication de semelles de baskets. Chacun y trouve son compte, pays et entreprises, à charge pour chaque gouvernement de veiller bien sûr au respect des normes qui garantissent que des plastiques contaminés ne nuiront pas à l’état de santé du pays et que les usines de recyclage fonctionnent dans des conditions satisfaisantes pour tous. A la Malaisie de faire le ménage chez elle avant que d’accuser le monde entier de la polluer et l’Occident de se décharger illégalement de ses ordures chez elle.
Certes, la collecte et le recyclage pourraient être améliorés. L’Europe du Nord valorise plus de 80% de ses déchets d’emballages plastiques tandis qu’en France la part des matières de récupération dans la production de plastiques n’est que de 20% contre 44% pour le verre ou 60% pour les papiers et cartons. En France, il y a encore 43% des bouteilles en plastique qui échouent dans des déchetteries pour y être brûlés, et une infime partie est sans doute éparpillée indûment dans la nature, rejoignant parfois, mais de manière tout à fait marginale, l’Océan ou la Méditerranée. Un meilleur taux de recyclage peut être obtenu en améliorant le taux de collecte et en mettant en place des tris plus sélectifs dans les décharges.
La consigne est-elle la solution ?
Faut-il à cet effet mettre en place un système de consigne des bouteilles plastiques comme l’a proposé le Premier ministre le 12 juin dernier ? Les collectivités locales qui trient les déchets plastiques dans leurs décharges et les revendent n’y sont guère favorables parce qu’elles risquent de perdre cette recette. Pourtant, si les bouteilles en plastique peuvent être revendues chez les commerçants à un prix suffisant, par exemple 10 centimes par bouteille, pour que la population trouve de l’intérêt à les rapporter, comme autrefois on rapportait les contenants en verre, une telle initiative peut représenter un moyen efficace d’améliorer le taux de collecte de ces déchets en leur donnant un prix de marché. Ce prix restera relativement artificiel, mais il sera bien un prix de marché s’il se situe à l’équilibre nécessaire pour payer la peine de ceux qui rapporteront ces bouteilles aux points de vente devenus en même temps points de collecte. Ne vaut-il pas mieux que le prix des bouteilles incorpore son coût de collecte et que celle-ci se fasse naturellement plutôt que de multiplier les organismes publics dont l’efficacité est souvent douteuse ? Certes, des enfants, des associations, des clochards, vont peut-être faire la chasse aux bouteilles usagées pour en récolter le petit bénéfice. Peut-être cela risque-t-il de contribuer au renversement de poubelles sur la voie publique par ces nouveaux chercheurs d’or en plastique. Mais le mal serait sans doute léger au regard de l’intérêt écologique de ce nouveau marché. Et s’il fonctionne, ce système de consigne pourrait être étendu à d’autres produits, par exemple aux piles et accumulateurs, dont le taux de collecte n’est que de 33 %.
Le problème est qu’actuellement le prix de revente de la tonne de bouteilles plastiques collectées n’est que de 300€. Or une tonne représente 30 000 bouteilles. Il faudrait donc que la consigne soit de 1 centime et non de dix centimes pour que le prix d’équilibre soit à 300€ la tonne, et encore sans les frais et charges de collecte et revente ! Or à un centime, la collecte ne sera pas motivante. Le prix de 10 centimes par bouteille collectée ne sera donc possible qu’en étant incorporé au prix de vente de la bouteille pleine et restitué par les distributeurs aux collecteurs. Au demeurant, le marché devrait pouvoir fonctionner entre eux, chaque collecteur offrant aux distributeurs son service avec ses conditions de prix et de mise en œuvre. La loi se limiterait à obliger chaque distributeur à reverser aux collecteurs une partie du prix de cession de la bouteille correspondant au prix du recyclage. L’importance des reversements des uns aux autres serait fonction de la part de marché de chacun dans la distribution d’une part et la collecte, le recyclage d’autre part.
L’incitation et le marché valent toujours mieux, quand c’est possible, que l’interdiction et la sanction. Mais bien sûr pour que cela fonctionne, il faudra que le client final en paye le coût qui sera incorporé au prix d’achat de chaque bouteille.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire