« Des vagues de chaleur plus fréquentes et plus sévères » titre un grand journal du soir. Est-ce si sûr ? Ces annonces de péril imminent ne sont-elles pas trop souvent utilisées pour justifier une nouvelle emprise politique, voire idéologique sur la conscience des gens ? Ceux dont le rêve communiste d’une société entièrement étatisée a été brisé par la réalité soviétique ou chinoise ont trouvé dans l’écologie un nouveau moyen de faire grandir l’Etat au détriment des libertés individuelles. En agitant la grande peur d’un réchauffement climatique dû à l’homme, ils incitent l’humanité à se livrer à une grande autorité, seule capable selon eux d’entreprendre le travail titanesque de lutter contre le climat dans un combat qui doit mobiliser toutes les ressources du monde. Et cette bataille qui fait de la puissance publique un nouveau démiurge a l’immense avantage que ses résultats ne seront connus que par les générations à venir, ce qui évite d’avoir des comptes à rendre !
« La notion d’évolution du climat doit être maniée avec précaution et discernement »
Mais la révolte viendra peut-être néanmoins quand nous serons nombreux à contester ces mensonges qui nous abusent. Car s’il ne s’agit pas de nier qu’il y a des périodes plus chaudes que d’autres, la question est de savoir si ce réchauffement est dû ou non à l’homme avant que de consacrer autant d’argent et d’énergie à lutter, peut-être vainement, contre lui. Le principe de prudence qu’on a constitutionnalisé à tort en France devrait au moins servir à respecter cette sagesse. Car le discours conformiste que font entendre de nombreux gouvernements et les institutions internationales n’est pas celui de tous les chercheurs, loin de là.
Ainsi par exemple le propos d’Emmanuel Garnier. Membre senior de l’Institut universitaire de France, il est directeur de recherche CNRS et historien du climat et des risques au Laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs, CNRS/Université de La Rochelle). Responsable des projets CLIMURBS (CLIMat et espaces URBainS, XVIe-début XXe s.) et RENASEC (Étude des caractéristiques et de la fréquence des événements extrêmes en France depuis 1500), il est l’auteur de l’ouvrage Les dérangements du temps. 500 ans de chaud et de froid en Europe.[1]. Il y note que « la notion d’évolution du climat doit être maniée avec précaution et discernement » (p. 88). Néanmoins ses conclusions, même si elles ne plaisent pas à tous ses collègues (!) sont éloquentes. Il les a résumées dans son intervention sous le titre « Bassesses extraordinaires et grandes chaleurs. 500 ans de sécheresse et de chaleurs en France et dans les pays limitrophes » au Colloque 193 SHF : « Etiages, Sécheresses, Canicules rares et leurs impacts sur les usages de l’eau »,[2]
Une délibération des Capitouls de Toulouse dénonçait en 1670 « Les désolantes sécheresses qui désoloient le pays ». « Ces mots nuancent quelque peu les modèles du GIEC et de Météo-France, relativement concordants à propos de l’avenir climatique potentiel des régions méditerranéennes » note Emmanuel Garnier. Depuis l’an 1500 jusqu’à 2009, en Languedoc-Roussillon les sécheresses sont de plus en plus nombreuses, mais moins longues, moins violentes. Toujours prudent il observe que « Sur les 500 ans considérés, les XVIIe et XVIIIe siècles apparaissent indiscutablement plus sévères en termes de jours de sécheresse mais peut-être faut-il expliquer cette réalité quantitative par une appréciation plus subjective de la notion de sécheresse pour les périodes anciennes dépourvues d’observations instrumentales jusqu’aux années 1750. Il n’empêche, les impacts économiques et sanitaires des XVIIe et XVIIIe siècles, tels qu’ils sont décrits dans les archives, en font de véritables tragédies humaines comme jamais elles ne se reproduiront par la suite”.
Le débat scientifique doit légitimement se poursuivre
Au demeurant, la situation n’est jamais la même d’une période à l’autre : « Sur les berges de la Seine comme sur les côtes de la mer Méditerranée, les sécheresses se décalent chronologiquement au cours des 500 dernières années pour débuter plus souvent en juin et en juillet, phénomène accentué depuis les années 1950 ». Il compare ensuite les sécheresses en Ile de France, en Angleterre et dans les pays rhénans pour constater que « les trois séries se caractérisent par un premier mouvement riche en catastrophes hydrologiques entre 1500 et 1800, après quoi s’observe un cycle plus atone, tant en durée qu’en fréquence avec, soulignons-le, une reprise nette vers 1960 ».
Il analyse « les sécheresses communes les plus extrêmes (supérieures ou égales à 200 jours en Ile-de-France). La première d’entre elles se trouve être la catastrophe de 1556, très bien décrite par le curé provinois Haton, Pierre de L’Estoile et les élus parisiens. Les sources convergent pour souligner la gravité de la situation. Elles parlent des « très grandes chaleurs » et des processions organisées un peu partout en France. Pire que cela, elles affirment qu’il ne tomba pas une goutte d’eau entre le Vendredi Saint et la Toussaint ! Sur l’autre rive de la Manche, la situation n’est guère plus enviable et même s’il est impossible de dater précisément l’épisode, les signes de sévérité ne manquent pas. Ici, c’est la litanie des fontaines, des puits et des sources taries qui rythme le discours des sujets de Sa Gracieuse Majesté.
La vraie rupture intervient cependant en 1666, mettant en jeu la France et l’Angleterre, toutes deux victimes d’une sécheresse exceptionnelle dont les conséquences s’avèrent catastrophiques chez notre voisin britannique. Les prolégomènes de la crise météorologique prennent la forme de grandes processions à compter du 17 mai. Comme de coutume, les Parisiens et leurs échevins se tournent vers sainte Geneviève afin d’obtenir la pluie. En Angleterre, le déroulement de la crise est bien mieux connu. La sécheresse s’installe dès le mois de novembre 1665 pour culminer en août de l’année suivante. Vers le 15 du même mois, les Londoniens découvrent, médusés, « la Tamise réduite à un ruisseau aisément franchissable à pied ». C’est dans cet environnement de sécheresse et chaleur absolue qu’eut lieu le grand incendie de Londres qui ravagea presque en totalité la vielle citée du 2 au 5 septembre. « Si le désastre fit peu de morts directs (huit décès), il en est tout autre du bilan matériel. Plus de 13 000 maisons, 87 églises dont la cathédrale Saint Paul, et la majorité des bâtiments municipaux furent consumés. Pire encore, le feu jeta à la rue 80 000 habitants qu’il fallut évacuer et reloger… Ensuite, un chapelet ininterrompu de sécheresses touche aussi bien les vallées de la Seine, du Rhin que de la Tamise autour des années 1680 (1681, 1683, 1684, 1685) puis 1700 (1701, 1705, 1709, 1714) comme autant de signes avant-coureurs de la sécheresse-canicule européenne de 1719. Considérée comme un des étés les plus chauds du siècle au Royaume-Uni… ».
Le débat scientifique doit légitimement se poursuivre et les propos d’Etienne Garnier peuvent être soumis à la critique. Il reste que ses observations historiques, et celles, qui vont dans le même sens, de nombre de ses collègues, ne sont guère contestables et mettent en péril les fantasmes idéologiques des marchands de peur qui ont eux-mêmes peur de voir leur stratagème dévoilé. Raison de plus pour revenir à la raison contre tous les bonimenteurs du siècle.
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