Sur l’axe libéralisme-socialisme, la réalité politique contemporaine apparaît ainsi comme un compromis.
Libéralisme et socialisme restent les deux pôles idéologiques majeurs qui structurent l’offre politique. La résurgence du nationalisme, de droite ou de gauche, devient aussi un phénomène important en Occident. L’intelligentsia le qualifie désormais de populisme. Mais le nationalisme est un simple repli sur une réalité contemporaine : l’État-nation. Il ne comporte pas de corpus idéologique fort.
Libéralisme et socialisme demeurent donc, contre vents et marées, les deux manières d’envisager l’avenir à court terme. Le court terme historique est l’horizon des politiciens et de la plupart des essayistes. Pour le long terme, seules des spéculations sont possibles et il est très probable que nos querelles idéologiques paraîtront puériles à nos descendants lointains.
En se limitant à l’aspect économique et social, le pôle libéral est représenté par la droite modérée dans les pays occidentaux ; le pôle socialiste par la gauche et les écologistes, ces derniers ayant adhéré au principe socialiste d’un interventionnisme étatique très important.
LES SOCIALISTES S’ACOQUINENT AVEC LE LIBÉRALISME… À DOSE HOMÉOPATHIQUE
Ces deux pôles cherchent à accentuer leurs différences par le verbe mais l’action édulcore largement les proclamations de campagne électorale. Ainsi, le socialisme se propose de réduire les inégalités par des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques jouant un rôle redistributif. Les prises de position à ce sujet fluctuent en intensité selon les formations politiques. À l’extrême-gauche, les proclamations ressemblent comme deux gouttes d’eau aux programmes des anciens Partis communistes, aujourd’hui en désuétude. Les extrêmes n’ayant pratiquement aucune chance d’exercer le pouvoir, ils peuvent dessiner sur le papier une société rêvée sans courir le risque d’être placés au pied du mur. Ils seraient évidemment incapables de le franchir.
Du côté de la gauche modérée, la prudence s’impose. Les dépenses publiques atteignant dans de nombreux pays riches des sommets (40 à 60% du PIB environ), il devient difficile de promettre encore leur augmentation. L’impossibilité d’accroître massivement prélèvements et dépenses fait naître un discours qualifié de social-libéral. La jonction est ainsi faite entre socialisme et libéralisme. Elle se traduit en pratique par des tentatives très modérées de desserrer certaines contraintes règlementaires et par des promesses de maîtrise de la tendance haussière des dépenses publiques, sans aucune baisse des dépenses en valeur absolue. Bien qu’il s’agisse d’une rupture pure et simple avec la doctrine socialiste traditionnelle, de telles mesures sont des modèles de modération.
LA DROITE PSEUDO-LIBÉRALE ET LA QUASI-ABSENCE DE DROITE LIBÉRALE
La droite de gouvernement ne se comporte pas très différemment. Les promesses électorales conduisent à clouer au pilori l’interventionnisme public mais l’exercice du pouvoir n’amène jamais une réduction significative des prélèvements obligatoires ou des dépenses publiques. La droite parvient parfois à stabiliser ou à réduire d’un point de PIB les prélèvements, mais cela ne représente en rien une politique libérale. Il en résulte que les piliers du socialisme restent en place : protection sociale publique et parfois monopolistique, fonction publique pléthorique, programmes scolaires uniformes, participations publiques importantes dans de nombreuses entreprises, réglementation publique d’une densité jamais atteinte.
La France est la démocratie occidentale la moins libérale. Les propositions libérales ne s’y sont jamais imposées électoralement. Elles consistent à réduire sensiblement le rôle de l’État et concomitamment à laisser une place plus importante au marché. Mais le marché a toujours été regardé avec suspicion, au moins depuis Louis XIV et l’instauration de la monarchie absolue. Au cours de son histoire, notre pays a toujours privilégié la puissance de l’État. Le seul candidat à l’élection présidentielle se réclamant du libéralisme fut Alain Madelin en 2002. Son score se limita à 3,91% des suffrages exprimés.
LE RÊVE ET LA RÉALITÉ
Sur l’axe libéralisme-socialisme, la réalité politique contemporaine apparaît ainsi comme un compromis. L’État est très puissant économiquement dans tous les pays riches et l’inflation législative et réglementaire est omniprésente. Les théories ont peu de poids face à cette réalité. Elles ne servent qu’à mobiliser les électeurs et à susciter l’intérêt des lecteurs de journaux ou d’essais. Elles appartiennent au domaine de l’onirisme, abondamment utilisé par les professionnels de la politique et des médias. L’avenir socialiste rêvé est fait de justice, d’égalité, de solidarité sous la houlette d’un État tout-puissant. La liberté individuelle est seconde, sinon secondaire. Quant au futur libéral, il se dessine en théorie sur fond de liberté individuelle, d’initiatives sans entraves, de consensualisme généralisé dans un cadre institutionnel d’État minimum.
Tout cela relève de l’hallucination entretenue par les politiciens et les essayistes. Le socialisme rêvé, comme le libéralisme rêvé, n’ont jamais existé et n’existeront jamais. Mais les politiques et les écrivains savent qu’il ne faut pas briser le rêve et réduire le réel au présent constaté. Même si ce présent n’évolue que difficilement, lentement, et qu’à tout prendre un pragmatisme modéré vaut mieux pour les sociétés qu’une succession de crises suscitant le chaos, il faut toujours, par le verbe, donner de l’espoir pour mobiliser les enthousiasmes.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire