Par Johan Rivalland.
Nous avons déjà eu l’occasion ici même de présenter deux des précédents ouvrages de Charles Gave, « Libéral, mais non coupable », sorti en 2009, sur les origines de la crise de 2008 et le poids de l’interventionnisme public, ainsi que « L’État est mort, vive l’État » (pour lequel une horrible faute est demeurée dans le titre de l’article), paru en 2010 avec pour sujet le social-clientélisme et ses effets.
Dans la continuité de ce dernier titre, et de « C’est une révolte ? Non, Sire, c’est une révolution ! », qui avait précédé en 2006, et faisant référence au passage au cri du coeur émis par le chef d’une délégation d’armateurs de Saint-Malo reçue par Louis XIV, Charles Gave revient avec ce nouvel ouvrage, qui est en réalité une compilation de différents articles sélectionnés parmi ceux écrits sur le site de son Think tank l’Institut des libertés depuis 5 ans.
Ces articles sont regroupés au sein de trois parties qui ont pour titres respectifs, en forme de clin d’œil à Karl Popper :
– Les concepts qui sous-tendent une société ouverte, dont l’objet est de présenter un ensemble de concepts économiques, politiques ou philosophiques au sujet desquels le bon sens est malheureusement trop souvent oublié et dont il y a pourtant de très bonnes leçons à tirer. Treize concepts qui tournent autour de l’idée de l’état de droit, thème cher à l’auteur, mais à nous aussi lecteur. Un état de droit sérieusement mis à mal dans un pays où règne trop souvent le droit de l’État.
– Les ennemis de la société ouverte, qui s’attaque aux théories proches de cette défense du droit de l’État, les erreurs graves qu’elles entraînent et les méthodes employées par leurs promoteurs. Des théories très souvent basées sur la démagogie et dont Charles Gave va nous révéler les effets très concrets.
– La réflexion face à la réalité, qui vise enfin à tirer des leçons des observations précédentes et offrir des clés de lecture de notre monde, en vue de tâcher de mieux savoir l’analyser et s’en inspirer dans l’action. Une troisième partie qui élargit le spectre du champ d’étude précédent aux questions internationales, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont loin d’être secondaires et sans effets sur nous.
Le bon sens au service de la réflexion et de l’action
Charles Gave est un entrepreneur actif, mais aussi comme il y insiste simple citoyen, et observateur infatigable et de longue date de notre vie économique, politique, sociale ou encore internationale. Un homme d’expérience dont les découvertes multiples, tout au long de sa vie, méritent d’être partagées et transmises, avec pour dessein d’en tirer les leçons qui permettront à d’autres à leur tour d’en tirer des enseignements utiles pour le présent et l’avenir.
À travers de nombreux préceptes, formules et proverbes du passé toujours aussi pleins de vérités et qu’il remet au goût du jour, il parvient à nous convaincre de l’importance de faire appel, aussi souvent que possible, au bon sens et à la connaissance de ce que nous ont transmis les anciens (philosophes, économistes, penseurs, scientifiques et praticiens dans de nombreux domaines).
Il décrit ainsi, par exemple, de manière très concrète et pragmatique, des mécanismes économiques connus et éprouvés, tout en se référant à une parfaite connaissance des théories économiques et grands auteurs du passé.
Il dénonce des hérésies telles que les « faux prix » ou tout ce qui fausse, de manière générale, et finit par miner, l’économie. Généralement au profit des « rentiers », dont Jean-Marc Daniel, dont nous avons présenté ici le dernier ouvrage très récemment, montre lui aussi le rôle néfaste dans l’économie. Et selon un principe de lutte des classes, non pas au sens de Marx, mais de Charles Comte et Charles Dunoyer, qui a inspiré Frédéric Bastiat, système qui, à terme, risque bien de finir par se retourner contre eux, plaçant comme c’est déjà le cas à la tête du pays quelqu’un dont la médiocrité n’a d’égale que la fatuité.
Car il s’agit bien ici de dénoncer, en le décrivant sous de multiples facettes, ce que l’on appelle le capitalisme de connivence.
Adopter une démarche moins fondée sur les préjugés
Dans cet ouvrage, Charles Gave rend hommage à tous les grands auteurs ou hommes d’État qui ont pu exercer une influence positive sur sa pensée (Mises, Hayek, Revel, Soljenitsyne, etc., je ne peux tous les citer, ils sont trop nombreux, dans tous les domaines).
Parmi eux, Alfred Sauvy, à l’égard de qui Charles Gave exprime toute son admiration, tant du point de vue de la démarche d’esprit de celui-ci que de son caractère visionnaire. Un grand esprit adepte, comme Joseph Schumpeter, des analyses à partir des données disponibles plutôt que des préjugés, caractéristiques de la démarche scientifique (avec, bien sûr, tout le recul nécessaire).
Déplorant que, selon certaines études, plus de la moitié des thèses actuelles en Économie, pour le seul cas des États-Unis, tricheraient sur leurs conclusions par l’utilisation du langage mathématique, il confie :
À l’international, qui occupe la dernière partie de l’ouvrage, de même des erreurs ont été commises de la même manière, parfois de manière irréversible.
Comme dans le cas de la Syrie (mais pas seulement), pays familier à Charles Gave, dont il nous montre que la volonté française du gouvernement du Front Populaire de promouvoir un grand État, en cassant ainsi la relative harmonie entre les différentes populations, a détruit les fragiles équilibres, conduisant aux situations catastrophiques que l’on connait aujourd’hui au Proche-Orient.
Mais ce ne sont là que quelques-uns des nombreux sujets abordés par l’auteur dans cet ouvrage, dont je ne saurais trop vous conseiller la lecture véritablement vivifiante et stimulante.
- Charles Gave, Sire, surtout ne faites rien ! Vous nous avez assez aidés, Jean-Cyrille Godefroy, septembre 2016, 248 pages.
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