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01 avril, 2015

Philippe Nemo : « La beauté d’une société libre »

Selon Philippe Nemo, il existe une relation entre la beauté et la liberté, et a contrario une relation entre le socialisme et la laideur.

Revue de livre par Francis Richard

Jeudi 26 mars 2015, il est dix-neuf heures passées. Nous sommes dans le Grand Salon Jaune de la Société de Lecture de Genève. Laquelle se trouve dans un bel hôtel particulier du XVIIIe siècle, au 11 de la Grand-Rue, dans la vieille cité. Un lieu magique, qui fait rêver, avec sa bibliothèque de 400.000 volumes… Après une brève présentation de Philippe Nemo par Pierre Bessard, directeur de l’Institut Libéral, l’auteur d’Esthétique de la liberté commence sa conférence sur « La beauté d’une société libre ».

L’idée d’écrire son livre est venue à Philippe Nemo lors d’un séminaire en Italie, à Dogliani, où il avait été invité à s’exprimer sur le thème de l’anthropologie de la liberté, en octobre 2011. À cette occasion il avait pu établir la relation entre la beauté et la liberté, la beauté et le libéralisme. Et a contrario la relation entre le socialisme et la laideur.

Tout était en fait parti d’une fable de La Fontaine, Le loup et le chien. Où le loup, tout maigre et efflanqué qu’il est, apparaît beau, tandis que le chien, gras et poli, apparaît laid. Le premier est en effet libre, tandis que le second a le cou pelé par le collier auquel il est attaché…

Philippe Nemo part de trois points :

·         Avec les philosophes grecs et chrétiens, et avec Kant, il apparaît que le vrai, le bien et le beau ne peuvent être poursuivis que dans la liberté.
·         Avec OrwellArendtHayek et Zinoviev, que la laideur est la marque de la servitude ;
·         Il y a un lien étroit entre l’être et l’avoir : la propriété privée permet de conserver ce que nous avons et ce que nous sommes, alors que le collectivisme confond les avoirs et empêche les êtres de se différencier ;

Le voyage, qui comporte de l’imprévu, change l’être et révèle à nous-mêmes ce que nous sommes.
Conclusion : seules les sociétés libérales permettent de donner un sens à la vie.
Barry Smith, philosophe britannique qui enseigne à l’université de Buffalo, définit ainsi le sens de la vie : créer une forme originale, qui modifie le monde et qui est constatée par des témoins extérieurs. Exemples : Beethoven, Mahomet, Alekhine (joueur d’échecs), Faraday ont donné, dans cette acception, un sens à leur vie… Or, seules les sociétés libérales, c’est-à-dire libres, maximisent les chances qu’un individu pris au hasard donne un tel sens à sa vie.

Philippe Nemo conteste cependant qu’il soit besoin de témoins extérieurs pour créer une œuvre originale qui donne du sens à la vie : une vie peut avoir un sens sans conscience et inversement. Ce qui compte, c’est le commerce avec les idéaux de l’esprit, une œuvre pouvant être créée en réalité sans conditions. Une vie, si brève soit-elle, a d’ailleurs de la valeur si elle a plu à Dieu…

Pour Philippe Nemo, ce qui importe, c’est donc de poursuivre les idéaux de l’esprit : il faut ainsi préférer le bien au mal et aimer la vérité quand bien même elle n’est pas reconnue. Pour ce qui est de la beauté, il s’agit là d’un idéal de l’esprit différent des deux précédents.

Il existe en effet deux conceptions de la beauté :

·         platonicienne : la beauté est transcendante, elle n’est pas fonctionnelle ;
·        aristotélicienne : toute découverte est merveilleuse, elle rend semblable à Dieu, elle est le signe de la perfection, c’est-à-dire, étymologiquement, de ce qui est fait entièrement.

Dans les deux conceptions, c’est l’idée d’éclat qui ressort. Le sage rayonne par sa beauté morale (les Grecs parlent de καλοκἀγαθία, Cicéron d’honestas) : le sage est bel et bon, il pratique les vertus.
Pour que la beauté puisse éclore, il y a nécessité d’un contexte. Ce contexte pour l’homme doit favoriser l’exercice par lui des quatre vertus cardinales que sont la prudence, la tempérance, la force d’âme et la justice. Mais la première de ces vertus est encore la justice, parce que les autres s’ensuivent.

Il existe deux sortes de justice :

·         la justice distributive (selon le mérite) ;
·         la justice commutative (où il y a égalité dans les échanges).

On ne peut être pleinement juste que dans la cité. On ne peut pas être homme dans son coin. On ne peut pas l’être dans une société de servitude.

Dans sa Somme théologique, Saint Thomas d’Aquin, sur 3.000 pages, en consacre 2.000 à la morale et il passe en revue vertus et vices. Parmi les vertus connexes :

·         la véracité peut se définir comme la propension à dire le vrai : la société socialiste favorise au contraire la tromperie sur la marchandise par l’irresponsabilité ;
·         la libéralité consiste à donner un peu plus que ce que l’on doit : on ne peut pas être libéral dans ce sens-là si l’on ne possède rien ;
·         l’esprit de paix reconnaît que la prédation n’est pas payante : il est difficile de commercer en cas de guerre et commercer, c’est renoncer à la violence ;
·         la tolérance revient à laisser autrui faire ce qu’il veut et à ne pas se préoccuper de ce qu’il fait : les socialismes, au contraire, sont intolérants, par construction, puisqu’ils font des comparaisons entre ce que possèdent les gens.

Toutes ces vertus ne peuvent donc se développer que dans le contexte d’une société libre, où on aime produire, et non pas dans celui d’une société socialiste, où on fait du lobbying, ce qui se traduit par un amoindrissement de l’humain.

Philippe Nemo termine par les trois vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité. Ce ne sont pas des vertus qui sont en elles-mêmes favorisées par la société libre, mais il est tout de même plus facile de les y pratiquer que dans la société socialiste.

Répondant à des questions, Philippe Nemo remarque qu’en France les adversaires du libéralisme ont réussi leur coup en prenant l’école, que, si la gauche a perdu en fait la bataille des idées, elle n’en possède pas moins les institutions, qu’elle détient le pays légal et qu’elle n’écoute pas le pays réel…

François Hollande a déclaré qu’il ne lisait  pas de livres. En sortant de La Société de Lecture, je fais remarquer à Philippe Nemo la phrase latine – elle est de Saint Thomas d’Aquin -, inscrite sur son frontispice : « Timeo hominem unius libri », c’est-à-dire « Je crains l’homme d’un seul livre ». Il me fait remarquer en retour que c’est une phrase qu’un musulman ne devrait en principe pas apprécier… Je lui réponds qu’il faut de toute façon craindre davantage l’homme d’aucun livre…

Philippe Nemo, Esthétique de la liberté, PUF, 2014, 220 pages.


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