Revue de livre par Sylvain
Gay
Le roman libertarien d’Hector Allain, qui tient à la fois de
la Fable et de l’Utopie, est une excellente introduction au libéralisme.
« L’État est devenu une religion d’État
C’est un culte sans Dieu, un obscur potentat
Les curés sont partis mais on crèvera du fisc
Les anges, comme des travelos, se sont mués en flics
L’État est devenu une religion d’État
C’est un culte muet, sans pardon, ni espoir
Ils ont fait de nos vies un putain de mouroir »
— « Mécréant » du groupe rap libertarien Love Hatred,
cité in À la découverte du fabuleux miracle français
C’est un culte sans Dieu, un obscur potentat
Les curés sont partis mais on crèvera du fisc
Les anges, comme des travelos, se sont mués en flics
L’État est devenu une religion d’État
C’est un culte muet, sans pardon, ni espoir
Ils ont fait de nos vies un putain de mouroir »
— « Mécréant » du groupe rap libertarien Love Hatred,
cité in À la découverte du fabuleux miracle français
Je déplore de façon récurrente la rareté des textes français
de science-fiction ayant pour thème la liberté. Très majoritairement
socialistes et/ou collectivistes, les écrivains français intègrent
excessivement rarement la liberté et sa défense dans leur horizon intellectuel.
Ils ne sont certes pas les seuls (euphémisme !) mais dans un domaine où tout le
monde est d’accord pour dire que la science-fiction a à voir avec la liberté,
cette absence est troublante. Je suis d’autant plus heureux aujourd’hui de présenter
ici le roman À la découverte du
fabuleux miracle français d’Hector Allain. Il s’agit d’un court roman
d’environ quatre-vingt-dix pages édité sous forme électronique pour le Kindle
d’Amazon. Ce texte veut être une présentation attrayante et romancée de
quelques idées
libertariennes.
Hector Allain est un pseudonyme. L’auteur est entrepreneur
dans le domaine du web et préfère séparer ses activités professionnelles de ses
idées politiques.
Le point de départ du roman est que trois Allemands sont
chargés par leur gouvernement d’effectuer un voyage d’étude en France. Il y a
Hans, un jeune docteur en sociologie berlinois, Sigismund, un politicien
sexagénaire obèse et alcoolique qui sera un peu le « méchant » de
l’histoire et Ernst, personnage le plus discret du récit. Depuis la Révolution
de Tilleul – ainsi nommée car elle a éclaté en mai – notre pays s’est en effet
redressé économiquement et socialement, ce qui intrigue fort les pays voisins.
Les trois « explorateurs » devront rapporter à leur commanditaire les
causes de ce miracle.
« À la France, le pays le plus étrange du monde. Un pays
fait de rigueur et de chaos, de modestie et d’arrogance, d’effort et de
jouissance, de rires et de colère, mais avant tout de beauté et de
liberté. »
— Hans, in À la découverte…
— Hans, in À la découverte…
Le voyage commence après Sarrebruck quand les trois héros de
cette histoire traversent la frontière. Ils entrent en France au volant de leur
véhicule de location. Dès le début du texte, l’étrange est présent puisque
cette voiture est une « puissante Renault électrique ». Leur
premier objectif sera donc une visite de l’usine Renault implantée au sud de
Reims. Après la Révolution de Tilleul, l’entreprise a été privatisée et les
salariés de l’usine font partie des principaux propriétaires. Technologiquement
très avancés grâce à de nouvelles inventions, les modèles électriques désormais
fabriqués par la firme ont rencontré un succès mondial. On apprend aussi que
Renault favorise l’apprentissage et que le problème des retraites a été résolu
notamment grâce au départ progressif des salariés âgés. Le second objectif des
voyageurs est une visite du « Bercy Fun Center » qui a pris la place
du ministère de l’Economie et des Finances de sinistre mémoire. Il s’agit d’un
gigantesque complexe dédié au divertissement avec hôtel, restaurant, piscine,
thermes, etc.
Ce ne sont que les deux premières étapes d’un véritable
« Tour de France » qui va les ramener à Paris après être passé
notamment par Nantes, Saint-Jean-de-Monts, Tarbes, Carcassonne, Perpignan,
Valence, Dijon et Chatillon-sur-Seine. Chaque halte est l’occasion pour
l’auteur via les visites accomplies par les personnages de nous exposer ses
idées sur des problèmes qui se posent à la France d’aujourd’hui comme
l’éducation, la légalisation des drogues et de la prostitution, la création
d’entreprises ou la conscription. Nous avons aussi droit au récit des
événements de la « Révolution de Tilleul », cette révolution étant
une réponse aux problèmes légués par les différents gouvernements de la
cinquième république. Le grand inspirateur de cette révolution est Jean-Michel
Thorun1,
un philosophe français contemporain (dans le monde du livre) ayant passé sa vie
à brocarder le pouvoir en place avant de devenir un martyr de la révolution.
« Liberté, Liberté, Liberté »
— Devise du drapeau inventé par Thorun quelques jours avant sa mort.
— Devise du drapeau inventé par Thorun quelques jours avant sa mort.
Mais ces idées ne sont jamais exposées de façon aride et
l’auteur parvient toujours à les présenter de façon attrayante et même
pédagogique pour le lecteur qui ne connaîtrait pas du tout les idées
libertariennes. L’auteur mêle à tout cela le récit des péripéties vécues par
les trois Allemands, péripéties surtout provoquées par les frasques de
Sigismund.
Sur un plan plus proprement politique, l’auteur est un
libéral convaincu minarchiste,
c’est-à-dire tenant d’un État minimal. Cet « État minimal » est réalisé
dans À la découverte… puisque subsiste une « Coordination nationale
de l’Économie » installée sur une péniche dans le quinzième arrondissement à
Paris. Le Coordinateur National explique que : « La plupart de nos
tâches du passé ont été supprimées ou bien reprises par le secteur privé. Les
contrôles se sont allégés. Avec un taux d’imposition plus faible, les gens ne
songent plus à frauder. Et puis avec le Bitcoin, cette monnaie non étatique,
nous avons beaucoup moins de problèmes à gérer. »
Le régime politique est donc un État de taille réduite allié
à une démocratie participative ou des référendums ont lieu quotidiennement par
Internet. Un certain consensus s’est ainsi mis en place pour financer
collectivement l’éducation (même si les écoles appartiennent aux groupements de
parents d’élèves) et pour rétablir la conscription. Tous les citoyens français
sont ainsi astreint à un service militaire de six mois dont le but est de les
intégrer plus fortement à la Nation. Le consensus a également voté le
rétablissement de la peine de mort.
Hector Allain défend donc dans son texte des idées libérales
voire libertariennes mais certaines d’entre elles naturellement font débat. Et
d’abord sa fascination pour l’écologie et tout ce qui est
« naturel ». Je ne suis pas sûr que les aliments dits
« bio » par exemple soient vraiment meilleur pour la santé (en fait,
je pense le contraire). Quant aux plantes vertes détoxifiantes présentes au
début du livre, elles n’existent tout simplement pas. Un autre point qui gêne
l’objecteur de conscience que je suis est bien sûr le rétablissement de la
conscription. Même décidé par un vote électronique, le service national, civil
ou militaire reste du travail forcé et est à ce titre indéfendable. Enfin, la
peine de mort est une abomination qui n’a pas sa place dans une société libre.
Ceci dit, je comprends les motivations d’Hector Allain. Nous vivons
actuellement une période historique où notre pays donne l’impression de vouloir
se suicider, ou en tout cas, c’est l’impression que donne le résultat de
l’action des élites françaises. Comment répondre à cela ? Comment proposer une
« sortie de crise » plausible et vraisemblable ? Ce sont des
questions que l’auteur s’est certainement posées.
Hector Allain a bien voulu nous répondre concernant ces
interrogations : « Je suis effectivement minarchiste. Concernant la
peine de mort, je suis plutôt en faveur, sans être un extrémiste. La crainte de
l’erreur judiciaire tout comme le respect de la vie me font évidemment
réfléchir… Je souhaitais évoquer ce point précis également pour une autre
raison : les tenants du système actuel récusent souvent la démocratie directe
sous prétexte que la peine de mort n’aurait jamais été abolie si l’on avait eu
recours à un referendum. Cet argument me gêne beaucoup. C’est pour moi une
forme de despotisme éclairé qui s’appuie sur une supériorité morale totalement
gratuite. À mon sens, si le peuple était consulté, on aboutirait à une
situation proche de ce qui est décrit dans le livre : une peine de mort d’ordre
symbolique car très peu appliquée dans les faits. » Effectivement, ce
raisonnement se tient. Je préfère cependant que l’État n’ait jamais le
droit de nous tuer – je crois que c’est une sage précaution – et, dans un autre
ordre d’argument, je pense que le risque d’erreur judiciaire ne peut jamais
être ramené à zéro.
Nous avons donc avec À la découverte du fabuleux
miracle français un excellent texte introductif au libéralisme, texte d’où
l’humour n’est pas absent et qui tient à la fois de la Fable et de l’Utopie. De
surcroît, le fait que ce roman puisse donner lieu à débats et discussions est
une grande qualité.
Hector Allain, À la découverte du
fabuleux miracle français, format Kindle, Digitaline Éditions, 2014, 89
pages.
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