A priori, je suis enclin de répondre par la négative, car il
semble que ce soit un nouveau tour de magie, comme seuls les politiciens et les
hauts fonctionnaires savent concocter, pour taxer davantage une catégorie de
contribuables qui contribue déjà plus que sa juste part au budget de l’État.
Regardons cela de plus près.
La gauche interventionniste s’oppose à la modulation des
tarifs des garderies subventionnées en prétextant que, compte tenu de la
progressivité de l’impôt, les plus nantis paient déjà leur juste part. Mais que
se passe-t-il? Ils sont tombés sur la tête ou quoi? Depuis quand la gauche
interventionniste s’oppose-t-elle à faire payer les plus nantis?
Même s’il est vrai que les familles à revenu élevé paient
proportionnellement plus d’impôt, venant de la gauche interventionniste, cela
demeure un argument peu convaincant. De plus, comme l’a démontré Alain
Dubuc, la progressivité de l’impôt n’a qu’un impact relativement mineur sur
le financement des garderies subventionnées.
J’en déduis que l’argument de la gauche interventionniste n’est
en fait qu’un prétexte. Il faut donc chercher ailleurs la motivation des
opposants. Personnellement, je crois qu’ils craignent avant tout que la
modulation des tarifs pousse les parents à délaisser les garderies étatiques en
faveur des garderies privées non subventionnées.
En effet, selon
Francis Vaille, en tenant compte des impacts fiscaux, une famille gagnant
100 000$ par année qui enverrait son enfant dans une garderie privée non
subventionnée, économiserait 2$ par jour par rapport au tarif proposé par la
formule de modulation. Une famille gagnant 200 000$ paierait seulement
2,82$ par jour de plus, ce qui est bien peu considérant leur revenu.
Si un tel scénario devait se matérialiser, ce serait la fin
du monopole étatique, une catastrophe pour les tenants du modèle québécois. Les
garderies non subventionnées, libres du cadre rigide du ministère et des
conventions collectives offriraient un meilleur service à moindre coût. À terme,
le programme des garderies reproduirait le modèle des écoles privées.
Je ne suis donc pas surpris que les syndicats et autres groupes
d’intérêt s’opposent à la modulation des
tarifs telle que proposée. Ils perçoivent cette proposition comme une menace
qui réduirait considérablement leur pouvoir d’influence et de recrutement. Beaucoup
de parents n’hésiteraient pas à payer quelques dollars de plus pour se libérer
d’un monopole pour qui les enfants sont un mal nécessaire. Les garderies privées non
subventionnées grugeraient inévitablement une partie importante de la clientèle
des garderies étatiques et par voie de conséquence la clientèle syndicale.
En accentuant la concurrence entre les deux réseaux, on
donnerait plus de choix aux parents. La concurrence obligerait les garderies
étatiques à prioriser les intérêts des enfants et des parents plutôt que ceux
des bureaucrates et des syndicats. Ainsi, elles devraient ajuster les horaires
et les programmes éducatifs pour tenir compte des besoins des parents et des
enfants. Les syndicats devraient y penser à deux fois avant de déclencher une
grève, sous peine de voir s’accélérer le transfert des enfants vers les
garderies non subventionnées. Les bureaucrates du ministère devraient
actualiser la réglementation en fonction des besoins des enfants et éliminer
les tracasseries bureaucratiques inutiles, sinon les garderies étatiques seraient
condamnées à disparaître à plus ou moins long terme.
La modulation des tarifs de garderies subventionnées est un
excellent moyen de briser le monopole d’État pour le plus grand bien des
enfants et des parents. Toutefois, la formule de modulation retenue devrait
être financièrement neutre pour le gouvernement. Malheureusement, il est peu
probable que le gouvernement laisse passer une telle opportunité de fouiller
plus profondément dans les poches des contribuables. Mais même si cela devait
s’avérer le cas, ce serait malgré tout un petit prix à payer pour mettre un
terme au monopole étatique.
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