L’histoire de la finance mondiale, par Niall Ferguson.
“The Ascent of Money:
A Financial History of the World”, par Niall Ferguson.
Cet excellent ouvrage de l’historien britannique Niall
Ferguson publié en novembre 2008 traite non pas seulement de l’histoire de la
monnaie, mais bien de l’histoire de la finance en général, de la préhistoire à
nos jours. Bien que je ne sois pas d’accord avec l’ensemble de ses
affirmations, je recommande chaudement ce livre à quiconque s’intéresse au
sujet, en soulignant que celui-ci ne constitue pas une lecture aride comme
certains livres d’histoire peuvent l’être (notez que j’avais publié un article
sur un autre livre de Ferguson ici).
Les crises financières et les scandales financiers
arrivent bien assez fréquemment pour faire paraître la finance comme une source
d’appauvrissement plutôt que d’enrichissement. Pourtant, malgré toute la
règlementation et l’interférence étatique, les marchés financiers créent bel et
bien de la richesse (voir ceci).
Selon Ferguson, l’innovation financière a été un facteur indispensable dans
l’avancement de l’humain du statut de subsistance précaire d’il y a quelques
siècles au niveau de vie confortable dont nous jouissons présentement dans les
pays développés. En fait, Ferguson avance que la finance est une composante
primordiale du développement et de l’enrichissement des nations : la clé
de voute de la prospérité.
En fait, comme le mentionne Ferguson, la pauvreté d’une
nation ne résulte pas de la présence des institutions financières, mais bien de
leur absence. Ce n’est que lorsque les petits entrepreneurs ont accès à une
source de financement qu’ils peuvent s’évader de l’emprise des usuriers et
devenir les maîtres de leur destin, favorisant le développement de leur société.
Selon l’auteur, la première monnaie dite
« globale » fut la pièce de huit espagnole,
basée sur le « thaler » allemand (qui allait devenir
« dollar »); une pièce d’argent de 38mm apparue à la fin du 15e
siècle. Cette pièce a été utilisée internationalement, ainsi que comme monnaie
locale dans plusieurs pays et a eu cours légal aux États-Unis jusqu’en 1857. La
raison pour laquelle l’Espagne obtint un tel statut était que ses conquistadors
ramenaient des quantités astronomiques d’argent des mines du Mexique et
d’Amérique du Sud. Cet argent engendra un boum inflationniste ainsi qu’une
expansion de l’État, finançant de coûteuses guerres contre l’Angleterre
(Invincible Armada vs Elizabeth I) et la Hollande. Comme quoi la monnaie n’est
pas équivalente à la richesse; l’Espagne a par la suite souffert d’un graduel
déclin, résultant en 14 défauts souverains entre 1557 et 1696.
La naissance du crédit remonte au moins aussi loin qu’au 18e
siècle avant J.C., en Mésopotamie, où les notions de monnaie et d’intérêt
existaient déjà. Au 13e siècle après J.C., la finance était davantage
développée en Orient qu’en Europe. C’est un mathématicien nommé Fibonacci qui a
amené les concepts arabes et indiens en Italie, comme le système décimal, les
fractions et la valeur actualisée (voir son livre « Liber Abaci » de
1202).
Ferguson fait référence au personnage de Shylock dans la pièce de
Shakespeare Le Marchand de Venise; un riche juif du ghetto vénitien
(c’est de là que vient l’utilisation moderne du mot « ghetto » qui
signifie « fonderie » en italien, car il y en avait une à proximité)
qui prête de l’argent à des taux astronomiques. C’est d’ailleurs de ce
personnage que découlent les expressions anglaises « loan shark » et
« pound of flesh ». Il appert qu’à l’époque, les chrétiens et
musulmans n’étaient pas autorisés par leur religion à pratiquer l’usure (i.e.
la collecte d’intérêts sur un prêt), ce qui laissait le champs libre aux juifs,
qui étaient en majeure partie des réfugiés en provenance d’Espagne, de l’empire
Ottoman et de Roumanie. Néanmoins, la montée de Venise comme capital du
commerce international à l’époque n’aurait pu être possible sans le financement
des banquiers juifs.
Au 14e siècle, les Medicis ont révolutionné
l’industrie bancaire en Italie. Auparavant, cette famille était davantage
constituée de gangsters criminels, mais Giovanni De Medici allait tout changer
en devenant courtier en devises. Les Medicis allaient être aussi appelés
« banquiers » car, comme les juifs du ghetto vénitiens, ils menaient
leurs affaires assis sur un banc dans la rue (d’où l’origine du mot
« banquier »). En 1385, Giovanni allait opérer de Rome, avec comme
plus grand client la papauté, le Vatican échangeant énormément de devises
étrangères. Après avoir établit des succursales à Rome, Florence, Venise,
Genève, Pise, Londres et Avignon, il légua son affaire à son aîné, Cosimo en
1420.
Voici comment les Medicis ont fait fortune : supposons
qu’un marchand de Venise concluait une transaction avec un client à Avignon
pour 100 dollars, laquelle allait être payée dans un mois. Une traite était
alors signée et vendue à la banque à escompte (disons pour 90 dollars). Un mois
plus tard, une fois la transaction conclue, la banque recevait le plein montant
en échange de la traite, empochant un profit de 10 dollars (une forme d’intérêt
ou « discrezione », car l’intérêt était interdit par l’église). Le
succès de la banque des Medicis fut assuré par la taille, la décentralisation
et la diversification. Le système bancaire italien allait devenir un modèle
pour les nations nord-européennes telles que la Hollande, l’Angleterre et la
Suède.
Par exemple, la Banque d’Amsterdam,
fondée en 1609, allait inventer le système des chèques. À noter que cette
banque opérait avec des réserves à 100%, ce qui lui empêchait de créer de la
monnaie. C’est la Riksbank suédoise qui allait en 1656 inventer le système à
réserves fractionnaires, prêtant davantage de monnaie qu’il n’y avait d’or dans
sa voûte. Puis, en 1694, la Banque d’Angleterre allait compléter le trio, ayant
été créée pour aider le gouvernement à financer ses dépenses de guerre, elle
allait obtenir le monopole sur l’émission de billets de banque en 1742. Cette
banque allait aussi devenir un « prêteur de dernier recours », de
manière à contrer les crises de liquidité dont ont souffert les banques
commerciales en 1847, 1857 et 1866. Il ne manquait que l’abandon de l’étalon-or
au 20e siècle pour obtenir le système monétaire actuel. La Banque de France fut
établie en 1800, la Reichsbank allemande en 1875, la Banque du Japon en 1882 et
la Banque Nationale Suisse en 1907, tout juste avant la Federal Reserve
américaine en 1913.
En résumé, les éléments clés du système monétaire actuel
sont :
1) La réconciliation des
chèques par une banque centrale.
2) Le crédit à réserves
fractionnaires.
3) Le monopole de l’émission
de billets par la banque centrale.
4) Le rôle de prêteur de
dernier recours par la banque centrale.
5) Le monnaie fiduciaire (sans
métal sous-jacent).
La bataille
de Waterloo de 1815 fut le point culminant de plus de deux décennies de
conflits intermittents entre l’Angleterre et la France, mais c’était plus
qu’une guerre entre deux armées, c’était aussi le choc de deux systèmes
financiers rivaux : celui de Napoléon basé sur la taxation des conquis
pour financer la prochaine campagne, et celui des Britanniques basé sur le
financement des dépenses militaires par endettement. Ceci dit, le grand
vainqueur de cette bataille ne fut pas Wellington, mais bien Nathan Rothschild.
Fils d’un modeste marchand d’antiquités de Francfort, Nathan
Rothschild est arrivé en Angleterre en 1799, passant près de 10 ans dans le
nord à exporter des textiles en Allemagne. Mais il pratiquait aussi une autre
activité connexe fort profitable: la négociation d’or. Plus
spécifiquement, c’était son habileté à expédier de l’or de part et d’autre de
la Manche en dépit du blocus français qui intéressa le gouvernement Anglais
lorsqu’il fit appel à ses services en 1814. Les Rothschild
bénéficiaient d’un excellent réseau de communication qui leur permettait
d’exploiter les différences de prix de l’or à travers l’Europe (ce que l’on
appelle aujourd’hui « faire de l’arbitrage »).
À l’époque, Wellington menait une percée contre les Français
sur le continent à partir du Portugal. Les marchands locaux qui
approvisionnaient l’armée anglaise refusaient d’accepter les billets, il
fallait donc trouver une manière d’expédier de l’or sur place, chose très
difficile vu les circonstances. Nathan fit appel à ses frères en France, en
Allemagne et en Hollande pour amasser une grande quantité de pièces de métaux
précieux et les faire parvenir secrètement à Wellington, qui avait alors
traversé les Pyrénées, en échange d’une juteuse commission. En mai 1814, les
Rothschild avaient expédié 1.2 million de Livres Sterling d’or pour le compte
des Anglais, pour des commissions allant jusqu’à 6%.
Après son abdication en avril 1814, Napoléon avait été exilé
sur la petite île d’Elba, d’où il s’évada en mars 1815 pour tenter de raviver
son empire en France. Aussitôt au courant de la nouvelle, les Rothschild se
mirent à accumuler de l’or, anticipant un long et coûteux conflit.
Malheureusement pour eux, ce ne fut pas le cas, puisque la bataille de Waterloo
allait abruptement terminer le conflit. Grâce à la rapidité de ses messagers,
Nathan fut mis au courant de la victoire de Wellington presque 48 heures avant
la dépêche officielle du cabinet; une bien mauvaise nouvelle car cela allait
faire chuter le prix de l’or. Nathan se mit alors à vendre son or pour acheter
des obligations du gouvernement Anglais, un pari qui allait être très payant.
Vers la fin de 1817, le prix de ces titres avait grimpé de plus de 40%. Cette
transaction venait de mettre au monde la banque Rothschild.
Cette entreprise allait ensuite pratiquement inventer le
modèle des banques d’investissement modernes (comme Goldman Sachs par exemple).
Les Rothschild se mirent à souscrire les dettes gouvernementales de différentes
nations d’Europe, les distribuant aux investisseurs à travers les différentes
succursales de la banque Rothschild contre commission. Ces obligations étaient
émises en Livres Sterling et les intérêts versés aux investisseurs peu importe
leur localité; du jamais vu à l’époque. Aucune famille n’a autant profité des
guerres que les Rothschild, ceux-ci se spécialisant en obligations
gouvernementales, lesquelles étaient largement utilisées pour financer les
dépenses militaires à l’époque.
La Guerre
Civile Américaine fut aussi fort influencée par la finance. La
Confédération (i.e. le Sud) n’arrivait pas à émettre d’obligations conventionnelles
en Europe. Il fallu donc une innovation financière pour financer la
guerre : les obligations de coton. Celles-ci avaient un coupon de 7% et
une maturité de 20 ans et pouvaient être converties en coton au prix d’avant la
guerre de 6 pence la livre. Comme le prix du coton augmentait en raison de la
guerre (le Sud Américain étant un producteur important mondialement puisque 80%
du coton entrant au port de Liverpool en provenait), la valeur des obligations
se maintenait bien, d’autant plus que les sudistes s’assuraient de restreindre
la production pour supporter le prix du coton. Vers 1860, le Sud imposa un
embargo sur les exportations de coton (pour essayer d’obtenir l’appui de
l’Angleterre), ce qui fit augmenter le prix de 6.25 à 27.25. Le nord de
l’Angleterre fut alors paralysé économiquement.
Ceci dit, la valeur des obligations résidait dans la
capacité du détenteur à obtenir le coton sous-jacent pour 6 pence la livre. Par
contre, quand la Nouvelle-Orléans tomba aux mains de l’Union en 1862, le Sud
venait de perdre son principal port d’exportation, ce qui l’empêcherait les
Sudistes de livrer le coton promis par ces obligations, dont le prix
s’effondra. Puis, en 1863, les fabriques du Lancashire avaient trouvé de
nouvelles sources d’approvisionnement en Chine, en Égypte et en Inde, ce qui
fit chuter le prix du coton.
Sans son accès au crédit, la Confédération ne pu financer sa
guerre que par impression de monnaie ex nihilo, ce qui fut catastrophique pour
son économie. Malgré son avantage sur le terrain, ses chances de remporter le
conflit venaient de s’évaporer. Les marchés financiers avaient décidé du sort
des États-Unis. À la fin de la guerre, le dollar « greenback »
de l’Union ne valait plus que cinquante sous (car le nord aussi imprimait de la
monnaie), alors que le « greyback » de la Confédération ne valait
plus qu’un sou! L’inflation fut de 60% au nord comparativement à 4000% au sud.
À noter que les Rothschild avaient refusé de supporter le Sud car ceux-ci
représentaient un risque de crédit élevé en raison du fait que lorsqu’il était
sénateur avant la guerre, Jefferson Davis (le président de la Confédération)
avait voté pour la répudiation des dettes de l’État.
Pendant que nous sommes sur ce sujet, je vous invite à lire
cet article
intéressant qui suggère que la véritable cause de la Guerre de Sécession
américaine n’était pas l’abolition de l’esclavage, mais bien l’imposition de
barrières douanières qui allaient favoriser le nord au détriment du sud. En
fait, ce sont deux faces d’une même médaille puisque c’était pour
compenser les bas coûts de production des Sudistes, grâce à leurs esclaves, que
les Nordistes ont instauré les tarifs douaniers en 1828.
Dans le même ordre d’idées, Ferguson note que la finance eut
aussi un rôle prépondérant durant la Première Guerre Mondiale. L’Allemagne et
l’Autriche avaient beaucoup de difficulté à vendre leurs obligations, n’ayant
pas accès aux importants marchés financiers de Londres, Paris et New York.
L’une des premières véritables corporations fut formée en
1602 en Hollande, sous le nom de Compagnie des Indes Orientales (ou la
« VOC » dans la langue du coin). Celle-ci bénéficiait d’un monopole
sur le commerce hollandais à l’Est du Cap-de-Bonne-Espérance et à l’Ouest du
Détroit-de-Magellan. Elle devait durer 21 ans, après quoi les investisseurs
pourraient récupérer leur argent. Cependant, en 1612, le conseil décréta que la
compagnie ne serait pas liquidée comme il avait été prévu. Dorénavant, la seule
manière pour un investisseur de ravoir son argent consisterait à vendre ses
parts à un autre : il faudrait passer par le marché boursier. Un marché
secondaire pour les actions de la VOC existait en fait déjà depuis plusieurs
années, mais il prit alors un essor considérable. C’est donc là qu’est née la
première place boursière de l’histoire.
Pour Ferguson, ce n’est pas une coïncidence qu’à cette même
époque ait été fondée la Banque d’Amsterdam (en 1609), car beaucoup
d’investisseurs désiraient alors emprunter pour acheter des actions de la VOC. Le
lien entre crédit, banque centrale et marché boursier venait d’être établit. Le
prix des actions de la VOC était volatile, réagissant aux rumeurs de naufrage,
de guerre et de mutinerie, mais la tendance était haussière. Entre 1602 et
1733, le prix est passé de 100 à 786 en plus des dividendes réguliers, pour un
taux de rendement annuel de 27%, dans un environnement de faible inflation. Cependant,
le prix de la VOC n’a jamais esquissé le caractère d’une bulle spéculative; la
raison étant que la Banque d’Amsterdam opérait à réserves entières (jusqu’en
1780).
Une chose que Ferguson énonce clairement est qu’il ne peut y
avoir de bulles spéculatives sans crédit facile; ce pourquoi les bulles
résultent souvent des erreurs des banques centrales. Il énonce avec raison
qu’avec une monnaie saine, pas de bulles (et j’ajouterais pas de récessions non
plus). Il le démontre clairement en comparant la VOC à ses rivales françaises
et britanniques, dont l’histoire a été marquée par d’effroyable bulles
spéculatives soufflées par la création de monnaie ex nihilo. J’expliquais l’histoire
de la South Sea Company et de la Compagnie du Mississipi dans cet article,
mais Ferguson le fait admirablement bien dans le livre.
Malheureusement et curieusement, Ferguson n’applique pas ce
raisonnement à son diagnostic de la Grande Dépression, peut-être pour préserver
son exercice narratif plaçant Milton Friedman comme celui qui a élucidé le
mystère de la monnaie et de son impact sur l’économie. Pour Ferguson, la Grande
Dépression tire ses racines de dislocations globales suite à la Première Guerre
Mondiale, alors que la production Européenne est revenue en force. Comment
peut-il ignorer la rapide expansion de la masse monétaire permise par la
Federal Reserve au cours des années 1920s? Au contraire, pour lui la Grande
Dépression a été causée par une politique monétaire trop restrictive au début
des années 1930s. Il revient pourtant dans le droit chemin un peu plus loin, en
mentionnant que sans la politique monétaire expansionniste de la Fed des années
1990s, Ken Lay et Jeff Skilling auraient eu de la difficulté à faire monter le
prix de l’action d’Enron à $90 et la bulle techno n’aurait pas gonflé autant.
Autre histoire intéressante relatée par Ferguson : celle
de l’investisseur George
Soros. Lors de la réunification de l’Allemagne en 1990, Soros avait
anticipé que les taux d’intérêt et la valeur du Mark augmenteraient, ce qui
rendrait le Mécanisme
de Taux de Change Européen insoutenable. Ce mécanisme fut établi en 1979
pour aider à la stabilisation des taux de change européens, de façon à mettre
la table pour l’avènement de la devise unique (qui arriva finalement en 1999).
Le système engendra la création d’une unité monétaire théorique, l’ECU, basée
sur un panier composé de chacune des devises européennes et instaura une
solidarité des pays européens en matière de soutien des cours, autour d’une
valeur pivot calculée en fonction des évolutions de chaque devise par rapport à
l’unité commune.
En vertu de cet accord, signé par le Royaume-Uni en octobre
1990, la banque centrale britannique ne laisserait pas le Mark s’apprécier de
plus de 6% par rapport à la Livre Sterling. Suite à l’appréciation du Mark, la
Bank of England dû utiliser des réserves de change pour acheter des Livres
Sterling sur le marché et augmenta les taux d’intérêt jusqu’à 12%. Au final, le
Royaume-Uni annonça qu’il quittait le MTCE et laissait la Livre se déprécier,
mais les interventions précédentes avaient déjà résulté en une récession. Ce
jour du 16 septembre 1992 fut baptisé le « Mercredi Noir ». Soros
avait misé $10 milliards sur le Mark, en empruntant en Livres Sterling,
empochant un profit de $1 milliard, soit 12 Livres par habitant du Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni a utilisé 6 milliards de Livres dans ses opérations de soutien
au MTCE.
Comme exemple éloquent de la thèse centrale de l’ouvrage
(soit que le développement des marchés financiers est nécessaire à la création
de richesse), Ferguson compare la Chine aux États-Unis. En 1820, le revenu par
habitant des Américains était deux fois plus élevé qu’en Chine; en 1870 c’était
cinq fois plus, en 1913 c’était dix fois plus; et en 1950 c’était vingt fois
plus. Entre 1820 et 1950, le taux de croissance moyen du PIB des États-Unis a
été +1.57% comparativement à -0.24% en Chine. Il y a certainement plusieurs
explications à cette grande divergence, l’une d’elles étant que la Chine était
un empire centralisé finançant ses déficits en imprimant de la monnaie à
profusion, étouffant le développement de marchés financiers efficaces.
Selon l’économiste Péruvien Hernando de Soto, la valeur de
l’immobilier se trouvant dans les bidonvilles du monde se chiffrerait à $9.3
billions, soit 90 fois plus que toute l’aide internationale versée aux pays du
Tiers-Monde entre 1970 et 2000. Le problème pour lui est que les gens qui
habitent ces maisons n’ont pas de titre légal sur celles-ci, ce qui les empêche
de les donner en garantie pour un prêt. Dans les pays développés, le prêt
hypothécaire est le moyen principal de financer le démarrage d’une petite
entreprise. Pour Ferguson, les titres de propriété sont «l’architecture cachée
d’une économie prolifique ».
Les pays développés ont cependant poussé la recette un peu
trop loin, subventionnant outrageusement l’accession à la propriété,
contribuant ainsi à gonfler les bulles immobilières récentes. Les politiques
monétaire expansionnistes des banques centrales n’ont pas seulement contribué à
gonfler des bulles résultant en de violentes récessions; elles ont aussi
stimulé l’endettement. Ferguson souligne qu’en 1959, la dette des ménages
Américains se chiffrait à 16% de leur revenu disponible. En 2007, cette dette
atteignait 2.5 billions, soit 24% du revenu disponible. Selon lui, la plus
grande expansion monétaire de l’histoire humaine – catalysée par le bris du
lien entre la monnaie et les métaux précieux – est derrière cet extraordinaire
boum de crédit.
Je ne peux que me réjouir de lire un historien décrire le
lien entre bulles spéculatives, endettement et création de monnaie! Je
recommande cet excellent livre à tous.
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