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29 décembre, 2017

Nos églises, notre histoire (2)



POUR LES SIÈCLES DES SIÈCLES
L’Église Sainte-Anne de Yamachiche, Québec
Par Louise V. Labrecque
  C’est un drôle de nom «  Yamachiche » , pour nommer un petit village-bijou du cœur du Québec,  qui scintille dans nos consciences historiques, tel un écrin champêtre, où  rien ne semble avoir bougé, à part la grande église Saint-Anne,  une église de rêve (hélas, passée au feu, en 1957, puis reconstruite, avec une allure plus contemporaine); fort heureusement, nous pouvons admirer encore le modèle original, grâce aux photos d’archives, assez nombreuses; quelle glorieuse splendeur elle avait, avec son immense dôme métallique :  une merveille architecturale des Frères Héroux, lesquels ont établis leur boutique en 1865 et participèrent à cette époque à pas moins de 117chantiers d’églises au Québec, au Canada et aux États-Unis. Dans ce même esprit, ils nous léguèrent également de magnifiques maisons, comme on en retrouve plusieurs face à l’église, au centre du village, toutes en rangées de briques rouges, avec ces immenses galeries et balustrades de bois blanc, symbole de la prospérité de l’époque. Avec ce style typique, « comme de la dentelle », les corniches témoignent d’une grande beauté, d’un raffinement rare et  d’une véritable recherche de délicatesse,  dont l’alignement parfaitement harmonieux  est la signature d’un patrimoine magnifique bien de chez nous; en effet, quelle fierté chez nos gens, dont le village, dans ses moindres détails, se voulait là pour durer,  en s’étirant de tout son long sur le parcours du chemin de fer du « Pacifique Canadien », ce qui ajoute beaucoup à son charme particulier.

 L’abbé Napoléon Caron, à la fin des années 1800 (le registre officiel de la paroisse s’ouvre en 1758; son érection canonique le 11 octobre 1832) le considéra longuement, pour enfin exprimer que «  Yamachiche » (comprenant le fief Grosbois) était «  un mot sauvage «  signifiant « rivière vaseuse ». Le fief  Gros-bois ou Maniche, fut concédé, le 5 août 1656, au Sieur Pierre Boucher, alors gouverneur des Trois-Rivières. L’église a toujours été fort belle et le patronage de la paroisse fut donnée à Sainte Anne, afin d’honorer la grande Thaumaturge du Canada. Ainsi, pendant de longues années, Yamachiche sera un lieu de pèlerinage très fréquenté. La municipalité en tant que village, comme tel, fut érigée le 5 avril 1887, sans rien perdre de ses attraits et de son atmosphère un peu surannée ; ainsi, si vous passez bientôt par Yamachiche, en Mauricie, vous ne pourrez pas manquer cette enfilade de belles d’autrefois, ces maisons «  comme dans les films «  où l’on devine la charge historique et cela bien avant de savoir qu’a vécu, au 711 rue Sainte-Anne (face à l’église), le poète (et médecin du village), Nérée Beauchemin.  En effet, c’est dans cette grande maison-en-rangée de briques rouges,  construite en 1867 -et qui a eu comme propriétaire, avant lui, le député Paul-Gérin Lajoie-, qu’il habita, de 1878 jusqu’à sa mort, en 1931.


Également, son père, Hyacinthe Beauchemin, lequel fut lui aussi médecin du village avant lui, acheta la maison, située au coin des rues Sainte-Anne et Saint-Pierre (qui deviendra bien plus tard, pour nous, contemporains,  «  la rue Nérée Beauchemin ») aux Frères Héroux (les constructeurs de l’église); hélas, Hyacinthe Beauchemin ne put jouir de son bien très longtemps, car il mourut l’année suivante; Nérée hérita donc de la maison et de la pratique médicale de son père. Ainsi, on imagine combien la population de l’époque fut tricotée serré et combien était résistant le tissu social et la frange de la vie quotidienne des gens, dans ce petit patelin campagnard de chez nous non épargné par les difficultés. Il suffit de rouler en voiture ou de marcher à pied sur la rue, par un beau soir, pour regarder en direction des fenêtres illuminées, apercevant alors, sous les lampes luisantes, les éclats de la vie champêtre, à l’intérieur. Encore de nos jours, l’histoire fait comme un jeu de miroirs, richement ornés de lumières phosphoriques, comme une invitation au voyage dans le temps.  Ah ! Quelle poésie plane encore à l’ombre de l’église, dans ces belles demeures rurales dont les pelouses ressemblent à des tapis déroulés là, et où chantent des oiseaux, parmi des fleurs, semblent-ils, jamais vues; l’inspiration prend ainsi un nouvel élan, autour de l’église, et on imagine également aisément l’organisation temporelle du village, à cette époque bénie; par exemple,  Nérée Beauchemin discutant longuement de littérature avec son ami l’abbé Albert Tessier; nous le voyons ensuite traverser  la rue, pour se rendre à l’église et au cimetière.  On devine qu’il fut le médecin et confident de tous les gens du village, hélas nous avons peu de photos, ouvrages et autres documents d’archives témoignant de ce fait. Même d’un point de vue littéraire, nous avons peu de références historiques,  lui-même ne publiant que deux recueils de poésie. De toute évidence, ce fut un peu comme un franc-tireur, à sa manière, mais pas un maquisard; si l’on tient compte de l’ensemble de sa vie et de sa pratique médicale, tout cela fut comme une grande fresque, une œuvre multiple et assez chatoyante. Ainsi, je ne doute pas un seul instant combien l’église Sainte-Anne a dû l’inspirer; ainsi, l’on devine le poids du jour, pour lui, poète et médecin, dont la nature de l’exercice du quotidien fut de porter secours,  se mesurant avec tout ce que la vie porte de beau et de tragique à la fois, par essence : les naissances, les morts, les guérisons et les renaissances;  en somme, l’œuvre ultime d’une vie d’homme. Aussi, dans ce prolongement, tel des vases communicants, son bel esprit et sa plume se déployant par le jeu des rimes, telle la nature profonde en délire, par ces floraisons matutinales et cette patrie intime; il nous laisse là quelque chose d’immensément touchant, tellement que c’est ce qui allume le feu, encore de nos jours;  illustre au point qu’on en parle encore de nos jours. Nérée Beauchemin, ce sont de petites étoiles qui s’allument tour à tour; il faut fréquenter son œuvre : c’est comme de l’or qui cisèle les nuages, comme une fumée qui monte au ciel.
Je veux vivre seul avec toi 
Les jours de la vie âpre et douce, 
Dans l'assurance de la Foi, 
Jusqu'à la suprême secousse.

Je me suis fait une raison 
De me plier à la mesure 
Du petit cercle d'horizon 
Qu'un coin de ciel natal azure.

Mon rêve n'a jamais quitté 
Le cloître obscur de la demeure 
Où, dans le devoir, j'ai goûté 
Toute la paix intérieure.

Et mon amour le plus pieux, 
Et ma fête la plus fleurie, 
Est d'avoir toujours sous les yeux 
Le visage de ma patrie.

Patrie intime de ma foi, 
Dans une immuable assurance, 
Je veux vivre encore avec toi, 
Jusqu'au soir de mon espérance[i]





[i] Nérée Beauchemin (1850-1931), Patrie Intime (1928)

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