Analyse détaillée de ce qui figure sur le très officiel site d’En Marche : on n’est pas à une erreur près ! Malhonnêteté ? Incompétence ? Désinformation ?
Le 21 septembre dernier, En Marche, parti politique du président Emmanuel Macron, publiait sur son site une page pleine de chiffres se voulant effrayants sur les risques liés au réchauffement climatique.
Or nous allons constater que les chiffres annoncé sont soit faux, soit présentés de façon totalement fallacieuse. Vous me direz que ce genre de publication n’est pas nouveau. Certes. Mais là, cela vient directement du parti du président en exercice, et donc il convient d’essayer d’y répondre, sachant que de telles publications sont rarement dénuées d’arrières pensées politiques.
Note : je n’ai pas eu le temps matériel de réfuter toutes les absurdités dont cette page est truffée. Je me suis limité aux plus criantes.
AFFIRMATION N°1 : « 7,8 MILLIONS DE LITRES DE GLACE FONDENT PAR SECONDE EN ANTARCTIQUE »
Le chiffre est fait pour faire peur. Mais il est à la fois insignifiant et mensonger.
Commençons par le mensonge (par omission) : la NASA, en 2015 (avant Trump, donc), affirmait que « les gains de masse de l’antarctique sont supérieurs aux pertes ». Le chiffre présenté par En Marche correspond uniquement au volet pertes, mais ignore la partie gains.
Le chiffre annoncé par En Marche, ramené en perte annuelle, représente 246 km3 de glace. Il est du même ordre de grandeur que la fourchette haute d’une autre étude de la NASA de 2006chiffrant la perte annuelle de glace à 152 Km3 +/- 80, soit un maximum de 232 km3, entre 2002 et 2005.
Notons qu’une autre étude sur la période précédente (1992-2003) montrait un gain moyen de 45 Mds de tonnes / an sur certains massifs, soit 49 Km3 environ.
Bref, le volume de calotte glaciaire antarctique (on ne parle que de calotte ici, les variations saisonnières de banquise n’ayant aucune incidence sur le niveau des mers) varie à la hausse où à la baisse selon les périodes et les lieux.
Mais le point le plus important est que ces chiffres, en apparence impressionnants, sont en fait parfaitement insignifiants.
En Effet, En Marche écrit que « 7,8M litres/seconde fondent ». Soit 7 800 m3 (ça fait déjà nettement moins peur). Fois 31,536 millions de secondes/an = 246 milliards de m3 / an. Ça parait énorme comme ça. Mais le volume total de glace des 2 pôles est de 24 millions de milliards de m3 de glace (source : Ifremer).
Donc le chiffre annoncé par En Marche représente… 0,001% (un cent-millième) du total des glaces polaires. Nettement moins effrayant, non ?
Et rappelons qu’il s’agit d’une estimation haute de pertes brutes, ignorant des gains de masse par ailleurs. Mais imaginons que le chiffre d’En Marche soit une perte nette : quelle incidence sur le niveau des mers ? Une catastrophe ? Non.
La surface des océans : 360 Mkm2 soit 360.10^12 m2 – Le volume brut de glace fondue : 246*10^9 m3.
Donc Volume/surface= Hauteur = 0,68mm par an. Ou encore 7 cm par siècle. Vous ne me croyez pas ? Un des articles de la NASA cité plus haut indique qu’une perte annuelle de 152 km3 de calotte glaciaire engendre une hausse du niveau des mers de 0,4 mm. Si la NASA le dit…
Donc le chiffre « pour faire peur » asséné par En Marche, « 7,8 millions de litres fondent chaque seconde », correspondrait à 0,7mm de hausse du niveau des mers… Tout en ignorant les gains.
Évidemment, « 0,7mm de hausse de niveau de la mer/an », ça fait moins peur que « 7,8 millions litres de glace fondue par seconde », et allez vendre une politique climatique qui nous coûte des milliards, pour 7 centimètres par siècle !
L’intention propagandiste d’En Marche paraît clairement établie.
AFFIRMATION N°2 : « 1KM2 DE FORÊT DISPARAÎT CHAQUE SECONDE DANS LE MONDE »
Cela parait tellement gros que l’on peine à y croire, et pourtant, cela figure bien sur sur le site En Marche, sur cette image :
Sachant qu’il y a exactement 31 536 000 secondes annuelles, un tel rythme de destruction représenterait 31 millions de km2, soit presque 25% de la surface des terres émergées mondiales, par an. Ce n’est plus de l’exagération, c’est de l’ivrognerie caractérisée.
Heureusement, la banque mondiale dispose de données un peu plus fiables.
Elle nous apprend qu’entre 1990 et 2015, la part des forêts dans la surface des terres mondiales est passée de 31,8% à 30,8%. Sachant que les terres émergées représentent environ 130M km2, cela correspond donc à une diminution de 1,3 million de km2 en 25 ans. Soit 52 000 km2/an. Soit 600 fois moins que le chiffre mis en avant par En Marche.
L’erreur est humaine, mais à ce niveau, et s’agissant d’un chiffre vérifiable sur des sites officiels en une minute, difficile de ne pas croire à une tentative d’escroquerie intellectuelle de la part d’En Marche.
AFFIRMATION N°3 : « POLLUTION DE L’AIR – PREMIER POLLUEUR MONDIAL : LA CHINE, 8,1 MDS DE TONNES DE CO2 REJETÉES EN 2013 »
Là, la manipulation se fait un peu plus subtile. Le chiffre est à peu près exact. Seul problème : chimiquement parlant, le CO2 est tout sauf un polluant. Je l’ai déjà expliqué en long, large et travers (ici), mais si vous peinez à me croire, peut-être accepterez vous l’argument d’un professeur émérite de chimie de l’université de Louvain, suffisamment compétent pour avoir donné son nom à une réaction chimique, le regretté Istvan Marko : le CO2 n’est pas un poison.
C’est tellement vrai que l’air que nous expirons en contient environ 100 fois plus que celui que nous inspirons, et que les agriculteurs enrichissent l’air de leurs serres en CO2 pour améliorer leurs récoltes. Les seuils de gêne respiratoire lié au CO2 dans l’air sont 50 fois plus élevés que l’actuel taux atmosphérique, et les seuils de toxicité 100 fois (source). Vous ne tomberez pas malade en respirant du CO2 dans une pièce fermée et mal ventilée, où la concentration de CO2 peut être 5 fois (et plus) supérieure à celle de l’air ambiant.
Enfin, techniquement parlant, une augmentation de température de l’air, que le CO2 en soit beaucoup, un peu, ou pas du tout à l’origine, n’est pas une pollution.
Ajoutons que le gaz en question est inodore et incolore, et que par conséquent, l’image d’En Marche, montrant des fumées noires sortant de cheminées industrielles, associée aux mots « CO2 », « pollution » et « pollueur », véhicule un message trompeur.
AFFIRMATION N°4 : « 50 MILLIARDS DE PERTES ANNUELLES POUR LES ASSUREURS À CAUSE DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE »
Celle ci est un peu plus subtile, et l’exagération nettement moindre.
Selon la compagnie Allianz, les pertes mondiales liées aux événements météo sont de 0,077% du PIB mondial, soit 60 milliards de dollars. Elles ont bien augmenté de 327% annuellement depuis 1973 en dollars constants. On retrouve donc bien, grosso modo, nos 50 milliards de hausse de dommages assurés.
Mais cette hausse est-elle liée aux évolutions climatiques ? En Marche, dans sa page climat, franchit allègrement cette conclusion et indique que LA TOTALITÉ des 50 milliards annuels supplémentaires déboursés par les assureurs est liée au changement climatique.
Seul problème, les assureurs ne disent pas exactement la même chose. Selon Allianz,
Loss potential exacerbated by rapid urbanization – particularly across Asia – and greater interconnectedness of the global economy, resulting in increasing contingent business interruption (CBI) and supply chain exposures.Companies need to spend more time examining their potential CBI/supply chain risk exposure. Interdependencies between suppliers is often a big unknown. Only 50% of businesses have alternate suppliers.
Même si le corps de la présentation de l’assureur évoque clairement un risque de hausse des aléas climatiques potentiellement dommageables, il attribue clairement une partie importante de la hausse des coûts (50 à 70%) non pas à ces aléas météo supplémentaires mais à l’urbanisation croissante (il faut bien loger les populations qui augmentent) et l’interconnexion du commerce mondial, ainsi qu’à une mauvaise préparation générale des entreprises aux ruptures de supply chain.
Allianz estime qu’une meilleure préparation aux aléas de chaîne logistique (et non la lutte contre le CO2) permettrait de réduire considérablement le risque assurable.
Autrement dit, même si le climat n’avait pas évolué depuis 1974, une part importante des coûts supplémentaires aurait été tout de même constatée à catastrophes météo égales, du fait des autres changements survenus dans l’économie mondiale.
On peut donc dire avec certitude qu’une bonne partie de la hausse des sinistres assurés n’est pas liée au changement climatique, comme le fait En Marche en toute décontraction.
Mais surtout, ces 50 milliards, qui n’en sont sans doute « que » 20 à 30, représentent nettement moins de 1 millième du PIB mondial. On ne saurait mieux dire une fois de plus qu’un chiffre, présenté de façon biaisée pour faire peur, devient nettement moins effrayant une fois observé d’une perspective plus large.
AFFIRMATION N°5 : « 90 MILLIARDS D’EUROS PAR AN : C’EST LE COÛT DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE DANS LE MONDE… »
… à cause des sécheresses, des événements climatiques dévastateurs à grande échelle, de la baisse des rendements agricoles etc. Ça représente 2 850 euros par seconde.
Ce paragraphe accumule les biais de présentation et les contre-vérités. Reprenons une par une les affirmations qui y figurent :
- En Marche : « À cause… de la baisse des rendements agricoles »
Une simple recherche sur le site de la FAO, organisme officiel dépendant des Nations unies, montre que cette baisse est pour le moins difficile à déceler.
Regardons par exemple l’évolution de la production de céréales de 1974 à 2014 :
Selon les données officielles de la FAO, la production de céréales a augmenté de 112% en 40 ans. Soit nettement plus vite que la population mondiale sur la même période (+77%, source Wikipedia).
Les progrès sont encore plus spectaculaires dans d’autres domaines. Par exemple, la production de légumes a été multipliée par 4 en 40 ans, ce qui est le signe d’une diversification de l’alimentation sans aucun doute bénéfique au niveau mondial :
Je vous invite à vérifier par vous-même que la progression est du même ordre pour d’autres productions à partir de cette page : http://www.fao.org/faostat/en/#data/QC.
Entre autres, la production de fruits a été multipliée par 2,5, et les oléagineux par… 5,5. Vous pourrez également constater que la hausse des rendements a suivi à peu près les mêmes évolutions. Exemple pour les céréales :
J’invite les gens d’En Marche à me montrer où se situe la « baisse des rendements agricoles » imputable aux changements climatiques, car je peine à en déceler la moindre trace depuis les chiffres officiels des Nations unies.
- En Marche : « À cause… des événements climatiques dévastateurs à grande échelle »
Les événements météorologiques sont ils plus dévastateurs ?
Voici le bilan en pertes humaines desdits éléments depuis le 20e siècle, publiés par un spécialiste de l’analyse du risque et ancien membre de la délégation US au GIEC, Indur Goklany :
On ne saurait mieux dire que les catastrophes météorologiques sont de moins en moins dévastatrices au fur et à mesure du temps.
« Mais les dégâts matériels ? », me direz vous ? D’une part, il serait étonnant que les dégâts matériels évoluent de façon opposée aux dégâts humains. Mais surtout, une abondante recherche économique montre que le facteur différenciant les pertes entre pays n’est pas la température, ou le degré Celsius mondial de plus depuis 1920, mais le PIB par habitant, ce qui n’est guère étonnant. Mieux vaut être riche pour absorber les mauvais coups que mère Nature nous porte.
Par exemple, Kahn trouve qu’une multiplication par 7 du PIB/habitant (de 2K à 14K/habitant, grosso modo l’écart entre un pays pauvre et un pays « émergent »), correspond une mortalité moyenne des désastres naturels (météo et sismiques, mêmes ordres de grandeur) divisée par 5, de 1000 morts/an à un peu moins de 200.
Il faudrait donc qu’En Marche explique comment ils peuvent affirmer que le réchauffement climatique observé (environ +1°C depuis 1920) a rendu les événements climatiques plus dévastateurs qu’entre 1920 et 1940…
- En Marche : « À cause des sécheresses »
Toujours par Goklany (du même article), voici l’évolution du bilan en pertes humaines liées aux sécheresses depuis le début du XXe siècle :
Je peine à percevoir comment des sécheresses qui font beaucoup moins de morts seraient plus coûteuses qu’avant en termes de PIB, surtout lorsque l’on voit, dans le même temps, les productions agricoles multipliées dans des proportions considérables…
- En Marche : « 90 milliards d’euros par an, c’est le coût du réchauffement climatique dans le monde… c’est 2850 euros par seconde ! »
Notons qu’En Marche utilise une fois de plus le procédé consistant à ramener un flux à la seconde, sans doute pour frapper les esprits. Notons aussi que le parti présidentiel présente le chiffre de façon assez orientée : « 2850 euros par seconde ! », plutôt que « 0,14% du PIB mondial », ou encore, soyons perfide, « le déficit budgétaire annuel français »…
Mais devons-nous avoir peur d’un coût mondial de 90 milliards d’euros ?
Nous venons de voir que le coût assuré des catastrophes météo était plutôt de l’ordre de 50 milliards de dollars (environ 42 Mds€), et que l’évolution de ce coût depuis les années 70 (environ 40 Mds$) n’était pas principalement dû au changement climatique selon les assureurs.
Mais tous les coûts d’un éventuel réchauffement – ou dérèglement, appelez le comme vous voulez – ne sont pas assurés, donc prenons pour argent comptant le chiffre d’En Marche, bien que je n’en ai pas retrouvé la source. Naturellement, cela suppose d’admettre que ce chiffre a été calculé plus sérieusement que ceux sur la déforestation, et que cette estimation soit exacte malgré les inexactitudes sur les autres affirmations du même paragraphe…
Le PIB mondial est de 78 000 milliards de dollars soit, au cours actuel, environ 65 000 milliards d’euros. 90 Mds€/ 65 000 = 0,14% du PIB mondial.
Or, selon les données de la banque mondiale, la croissance moyenne mondiale entre 1974 et 2014 a été de 3,4%.
Cette croissance est en partie liée à la disponibilité croissante d’énergies abondantes et de moins en moins chères, et donc principalement des énergies fossiles. Autant dire que la très hypothétique perte liée au « changement climatique » est non seulement négligeable par rapport à la hausse du PIB mondial, mais que les politiques anti CO2 auraient sûrement un effet bien plus pénalisant sur la croissance mondiale que ces 0,14% de coût supposé.
Admettons que le chiffre de 0,14% de croissance en moins à cause du changement climatique soit exact et applicable à la France. Certes, il y a toutes les raisons de croire qu’il est moins élevé chez nous que la moyenne mondiale, vu que nous sommes un pays plutôt riche (voir plus haut). Mais admettons. Le changement climatique nous coûterait donc, dans cette hypothèse sans doute exagérée, environ 3,2 milliards d’euros annuels.
Même si cela n’est pas nul, avouons qu’il n’y a pas de quoi faire frémir un contribuable habitué depuis des années à des gaspillages publics autrement plus croquignolets. Le gouvernement vient d’annoncer un plan de 57 milliards en 5 ans, dont 20 milliards consacrés à la transition écologique, soit 4 milliards annuels essentiellement destinés à lutter contre le terrible réchauffement climatique. Soit plus que le coût annuel dudit réchauffement.
Bien sûr, ce coût vient en plus des dépenses anti-CO2 déjà existantes, comme la CSPE, taxe sur l’énergie dont d’ores et déjà plus de 5,5 milliards (en 2016) sont consacrés à l’achat d’énergies autrement non rentables.
Le pire est que ces dépenses n’auront pas, et de très loin, 100% d’efficacité contre le réchauffement climatique, même dans les hypothèses les plus favorables aux climato-dépensiers. Autrement dit, nous nous apprêtons à claquer annuellement nettement plus de 10 milliards « contre le CO2 », pour une économie potentielle maximale de 3,2 milliards, et une économie réelle envisageable d’une fraction très faible de ces 3,2 milliards.
Là encore, En Marche tente de présenter des chiffres insignifiants en termes relatifs, comme une menace terrible, alors qu’une mise en perspective de niveau collège permettrait de… refroidir nettement le climat d’angoisse climatique !
EN CONCLUSION
Ce qui précède analyse seulement une petite partie des contre-vérités diffusées par le parti du président de la République sur sa page dédiée au réchauffement. Une telle accumulation d’erreurs, de la part d’un parti exerçant le pouvoir, laisse perplexe. Les biais et erreurs y sont tellement manifestes qu’il est difficile d’accorder à En Marche le bénéfice du doute quant à sa bonne foi. Il s’agit clairement de propagande basée sur des biais de présentation, voire des mensonges éhontés.
En Marche prétendait renouveler le débat politique. Force est de constater qu’en matière climatique, En Marche reste sur la ligne des gouvernements qui l’ont précédé, à savoir une exagération systématique des risques liés au réchauffement climatique, une absence totale de prise de recul critique face aux affirmations les plus alarmistes du GIEC, et une volonté manifeste de faire accepter aux Français les plans les plus inutiles, coûteux et nocifs, par un conditionnement émotionnel ne reculant devant aucune manipulation.
Une telle faute de communication n’est pas de nature à améliorer la confiance populaire dans l’action gouvernementale. C’est dommage, car cela pourra rejaillir négativement sur l’ensemble des réformes promues par le gouvernement. En Marche doit abandonner d’urgence le dogmatisme climato-catastrophiste et revenir à une analyse factuelle, froide et dépassionnée de ces questions.
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