Tous les jeux d’équipe (hockey, football, soccer, baseball,
etc.) requièrent des règles du jeu connues et stables. Dans le cas contraire,
l’efficacité des instructeurs et des joueurs serait réduite à néant et le jeu
perdrait tout intérêt.
C’est la même chose en économie. Mais dans ce cas, le jeu
est beaucoup plus complexe dû au nombre de joueurs et aux nombreuses règles
(lois et règlements) qui régissent son bon fonctionnement. Toutefois, cela ne justifie en rien des règles
imprécises et changeantes. Bien au
contraire, plus le jeu est complexe plus
les règles doivent être précises et stables.
Prenons l’exemple de l’industrie minière québécoise. Depuis
quatre ou cinq ans, les minières savaient que les règles du jeu seraient
modifiées, mais les politiciens n’arrivaient pas à s’entendre sur les nouvelles
règles.
Le gouvernement libéral déposa un projet de loi qui visait
principalement à protéger l’environnement et à bonifier le régime de
redevances. Suite à l’élection du gouvernement minoritaire péquiste, la
ministre du Développement économique concocta un nouveau projet de loi plus
exigeant. Après de longues et ardues négociations, une version diluée de ce
projet de loi fut finalement approuvée grâce à la coopération de la Coalition
Avenir Québec (CAQ). Malheureusement, l’incertitude persistait. La possibilité
de l’élection d’un gouvernement majoritaire péquiste laissait entrevoir des
temps difficiles pour l’industrie. Enfin, après quelques années de
tergiversation, l’élection du Parti libéral du Québec (PLQ) mit fin à
l’incertitude.
Le résultat : pendant cette longue période
d’incertitude, de nombreux projets furent retardés ou abandonnés au détriment
de la croissance économique du Québec.
L’industrie des énergies fossiles vivote dans un
environnement encore plus kafkaïen que celui de l’industrie minière. Les
dommages causés à l’économie du Québec sont énormes et ses effets négatifs se
feront sentir encore pendant plusieurs années, voire une décennie ou plus.
L’incertitude est l’ennemie numéro un des entreprises. Déjà
qu’elles font face à de multiples variables difficiles à contrôler :
comportement des clients, des fournisseurs, des concurrents, et des autres
agents qui influencent positivement ou négativement leur réussite, des règles
du jeu imprécises et changeantes peuvent facilement faire déborder un verre
déjà plein. Alors, ils retarderont une décision ou pire, déménageront leurs
pénates sous des cieux plus cléments.
Malheureusement, il y a pire. Plusieurs entreprises concluent,
malheureusement avec raison, que la meilleure façon de faire face à
l’incertitude est de contrôler directement les conditions économiques dans
lesquelles elles évoluent. Elles vont donc chercher à obtenir des privilèges
auprès de l’État afin de réduire l’incertitude.
Elles investiront des ressources considérables pour
convaincre les politiciens et la haute fonction publique de modifier les règles
du jeu en leur faveur. Les concurrents, moins riches ou plus scrupuleux, seront
désavantagés ou même évincés du marché, non parce qu’ils sont moins compétents,
mais parce que, faute de moyens, ils n’ont pas pu obtenir les faveurs de
l’État.
La collaboration entre l’État et les entreprises bénéficiant
d’un préjugé favorable de la part des politiciens peut parfois atteindre un tel
niveau que les deux se confondent. Les entreprises privilégiées
embaucheront d’anciens hauts fonctionnaires et autres technocrates, en guise de
remerciement pour les privilèges reçus ou dans l’espoir de futurs privilèges. Elles
investiront dans des projets électoralistes chers aux politiciens. L’histoire
récente des entreprises oeuvrant dans
les secteurs minier et énergétique sont des exemples probants de ce phénomène.
Des règles du jeu imprécises et changeantes justifient un
rapprochement malsain entre les entreprises et l’État et engendrent un
capitalisme de connivence particulièrement favorable à la collusion et la
corruption. Il suffit d’écouter les audiences de la Commission Charbonneau pour
s’en convaincre
.
Mais s’il est possible de contrôler à l’intérieur de limites
raisonnables la corruption, ce n’est pas la fin de l’histoire. Ces entreprises
influenceront le contenu des lois et règlements touchant leur domaine
d’activité. Si les intérêts de ces entreprises et ceux des
contribuables/consommateurs coïncident, tant mieux, mais c’est rarement le cas.
Cette grande proximité entre les
fleurons de Québec inc. et les politiciens non seulement favorise la
corruption, mais, coûte cher au trésor public. Ce qui est encore plus grave, ce
capitalisme de connivence mine la confiance des Québécois envers nos
institutions.
Donc, pour éviter les dangers inhérents à des règles du jeu
floues et changeantes, celles-ci doivent être rédigées de façon à réduire,
sinon éliminer, l’arbitraire et à assurer leur pérennité. Si cela s’avère
impossible, alors il est généralement préférable que le gouvernement
s’abstienne d’intervenir.
En utilisant l’exemple du football, le professeur Steve Horowitz explique pourquoi et
comment des règles incertaines affectent négativement la société, l’économie et
nos vies.
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