par Jean-Philippe Delsol,
Dans un petit livre alerte qui mêle une petite histoire plaisante à une analyse rigoureuse, Drieu Godefridi s’inquiète à juste titre de la pensée écologique qui paraît prête, plus ou moins ouvertement, à exiger l’abolition de la démocratie et de la liberté, « pour le climat ». Il dénonce cet amalgame des écologistes qui présentent la lutte contre l’inégalité « comme un passage obligé vers la réconciliation de l’Homme avec la Terre ».
Il observe que l’écologie marque une rupture radicale avec la tradition occidentale en mettant la nature au centre des préoccupations du monde aux lieu et place de l’Homme. Pire, « elle reconnaît, dans la plupart de ses déclinaisons, une réalité vivante à l’écosystème », jusqu’à imaginer une « métaphysique de la nature », selon les mots de Hans Jonas, en substitution de toute métaphysique humaine caractéristique de la civilisation, notamment occidentale. Pourtant, comment pourrait-il y avoir une métaphysique de la nature alors que « ce qui est métaphysique est ce qui dépasse la nature » ? Mais dans la nouvelle écologie, l’Homme devient presque un « mammifère nuisible » !
Certes, le catastrophisme écologique n’est pas nouveau. Malthus, Ehrlich et le club de Rome, parmi d’autres, nous ont déjà conté la fin du monde pour demain en oubliant que la principale ressource de l’humanité, c’est l’homme. Mais désormais, les écologistes ont réussi à prendre le contrôle de la pensée au niveau mondial au travers du groupe intergouvernemental de l’ONU sur le climat, le GIEC, dont l’objet d’étude « est l’influence de l’homme sur le climat – pas de la nature et de l’homme, seulement de l’homme ». Ce groupe qui se veut scientifique est plutôt, dit Drieu Godefridi, « tout entier –composition, compétences, fonctionnement- politique et même diplomatique ». On pourrait même se demander s’il n’est pas plutôt un groupe millénariste, comme ceux du Moyen Age qui ont traversé l’histoire en annonçant sa fin et qui embrigadaient les enfants. Sauf que ces mouvements étaient tous entre les mains d’un gourou et que désormais ils ressemblent plutôt à ces mécaniques collectives, et donc plus dangereuses, décrites par Huxley ou Orwell. Ils brandissent la science comme une nouvelle transcendance à laquelle l’humanité doit se plier, et les scientifiques qui contestent leurs conclusions sont voués aux gémonies, ce qui n’est guère preuve d’une attitude scientifique ouverte par nature à la confrontation. Le GIEC fait peur en agitant la puissance dévorante d’un réchauffement climatique anthropique due à la production de CO2 (l’effet de serre) tout en reconnaissant que « l’homme n’émet que 4% du CO2 global », 96% des émissions étant dues à la nature, en affirmant que « par en effet dit de « forçage radiatif », ce léger surplus de CO2 humain rompt les équilibres naturels et provoque un réchauffement planétaire ».
Ainsi se développe une analyse totalisante de l’écologisme : « Si le CO2 humain est le problème, alors l’humain doit être bridé, contrôlé, domestiqué dans chacune de ses activités ». Hans Jonas concluait, au vu de la catastrophe écologique, que « le renoncement à la liberté individuelle est inéluctable ». L’ennemi, c’est l’homme. De nombreux écologistes succombent à cette tentation humanicide. Pour le moins, l’écologie veut tout régenter, les transports, la nourriture, l’agriculture, l’énergie, la vie humaine et sa limitation (parce qu’un enfant, c’est 58,6 tonnes d’équivalent-CO2 par an !) … Toute activité génère du CO2 et donc doit être soumise à cette nouvelle autorité morale. C’est dire le danger de cette pensée pernicieuse.
Drieu Godefridi ne se veut pas scientifique lui-même, mais il alerte, il incite à réagir. Il conclue en citant à propos Isaiah Berlin : « Réduire les domaines où peut s’exercer la liberté de choix, c’est porter atteinte à l’essence même de l’homme ». La lutte contre la pollution est importante pour garder à l’homme un environnement favorable, mais elle ne saurait être conduite au détriment de la liberté fondatrice de notre humanité.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire