Par Louise V.
Labrecque
La
langue, c’est cela qui importe.
La
langue, c’est la poésie des mots,
mais
aussi et surtout celle des choses,
celle des
sens, du sens et du non-sens,
celle des
sensations que l’on éprouve
durant ce
court rêve éveillé qu’est la vie.
Citation de Georges Dor
Citation de Georges Dor
chanteur,
écrivain et parolier québécois (1931- 2001)
Que dois-je faire pour me franciser de manière
adéquate? Cette question est l’une de celles qu’un nouvel arrivant se pose
à tous les jours avant de poser le pied sur le sol du Québec. On peut se
demander, en effet, quelle est rationnellement la meilleure action à
entreprendre afin d’atteindre ce but. Ainsi formulé, ce type de question
dépasse l’aspect technique pour entrer au cœur de l’éducation, dans ses
questionnements sociaux et philosophiques, tout en obligeant à créer des
outils, des instruments visant à déterminer l’action la plus efficace. Mais, si
l’interrogation Que dois-je faire? implique la motivation
scolaire, c’est qu’elle renvoie à la volonté de bien faire, alors là nous
avons affaire à l’une des questions fondamentales en éducation. Qu’est-ce que
« vouloir bien faire » pour apprendre le français? Comment pouvons-nous
faire, considérant que l’apprenant arrive d’un autre pays, tellement
éloigné du nôtre, et portant ses différences dans tous ses contrastes, tant
dans la sphère privée que dans la sphère publique, et en éducation, notamment.
Devons-nous agir à la façon d’un guide, afin de l’aider dans le choix de
ses découvertes langagières, « en faisant image » sur tout ce qui
précède le langage ? Oui, dans un premier temps, nous devons établir ce premier
lien, pour cette ouverture préconsciente de la langue à aborder, surtout si
celle-ci est tellement éloignée de la langue maternelle. La raison? Il faut
permettre le plaisir dans l’apprentissage, afin de créer une porte d’entrée
dans la pensée profonde de la langue, pour un apprentissage en amont. C’est là,
dans un premier temps, que se retrouve « la pensée de ce qui fait
image », par exemple, l’image de l’arbre, celle qui envahit le monde,
précède le mot « arbre »; cela suppose comme une révolution
intérieure, un renouvellement : l’image de l’arbre entre à l’intérieur du
mot « arbre « ; de la même manière, on change soi-même en partant
vers un autre pays, en apprenant une nouvelle langue et une nouvelle manière de
vivre et de penser. De ce fait, quels principes devraient guider notre
travail si nous souhaitons aider un nouvel arrivant à apprendre la langue
française ? Comment éviter les blocages liés peut-être à cet apprentissage ?
Afin de pouvoir dépasser l’obstacle, il est primordial d’apprendre à
évacuer le stress et la fébrilité, en prenant conscience du fait que « la
vie (en français), c’est maintenant » ; nous devons donc mettre en place,
très concrètement, une méthode de travail afin d’instaurer un climat de
tranquillité, de calme, pour l’élaboration d’une pensée en français, un nouveau
cerveau, une nouvelle façon d’appréhender le réel, une nouvelle façon de penser
et de créer, en français. De manière pratique, cela passe également par
l’acquisition d’habilités nouvelles, permettant d’autres moyens, d’autres
puissances. Ainsi, nous devons métaphoriquement casser des cages; idéalement,
cela devrait inclure également un pan large de découvertes personnelles, en
plus de la découverte de la langue française, de par une mise en lumière
de notre société, de ses mœurs, ainsi que de la façon dont on vit, quotidiennement,
en français, au Québec. L’apprenant possède, avant la compréhension de la
langue, cette intelligence de discerner les images, de percevoir la langue,
comme une prélecture, c’est-à-dire « lire la vérité entre deux
choses ». La flamme de la connaissance, c’est aussi une forme de
discrimination positive, comme celle permettant de « deviner » un
texte. Nous sommes ici dans le pré conscient, mais cette flamme existe bel et
bien, avant même l’expression de la nouvelle personne en devenir, celle sachant
parler, écrire et penser, en français. En somme, le
« moi qui apprend » existe avant le moment où il éprouve des
sensations en français, et qu’il arrive à exprimer, à communiquer, pour
comprendre les choses pratiques. Plus tard, l’accumulation des images et
des mémoires pavera la voie à une richesse et à une précision du vocabulaire.
En somme, avant tout, « il faut marcher avant de courir « et
nous devons, pour ce faire, explorer le domaine de la connaissance intuitive,
celle-ci est nécessaire et dans le temps « hier »,
« aujourd’hui », « demain » ; plus tard, la suite logique
amènera l’apprenant vers la division du temps, par exemple, dans le cadre des
notions liées au monde du travail et aux obligations de la vie de tous les
jours. L’enseignante en francisation doit être en mesure de devenir
véritablement comme un guide et/ou un modèle, un peu à la manière d’un passeur
culturel, et non pas seulement un professeur de français, un sens strict du
terme. L’action ne sera ainsi pas réductrice, car il est tout à fait possible,
lorsqu’il y a la notion de plaisir dans les apprentissages, d’évaluer ce
principe par l’image. Bref, pour apprendre et aimer une langue, il faut
atteindre comme un état d’innocence. Une tranquillité de l’attention est
souvent possible lorsqu’il n’y a plus les mots. Cela veut dire partager,
discuter, créer ensemble. Essentiellement, le but ultime serait d’entrer au
cœur de l’enseignement de la langue française, afin de l’observer de
l’intérieur, pour l’apprendre mieux, pour toucher ainsi le cœur de son essence,
même. Par exemple, c’’est une observation de la nature, du temps, des distances
entre l’apprenant et les parties d’une journée : comment commence
t’elle/comment se termine t’elle ? Dormir, manger, travailler; également, ce
sont comme des petits voyages « la nuit », « le matin »,
« le midi », « l’après-midi », « le soir »
« . Le déroulement d’une journée, c’est aussi un peu comme lire une
partition musicale. Là où les mots ne peuvent plus rien décrire, nous devons
parfois « voir » les choses au-delà des mots, pour ne pas se faire
piéger par des descriptions trop formelles. De ce fait, l’apprentissage des
parties d’une journée, c’est aussi apprendre la naissance, la renaissance
perpétuelle. Et cela, en français, s.v.p. ! En psychoéducation, nous touchons
également ici aux questions de l’attachement. Il y a dans les images la source
des mots; il y a l’unité de la pensée. Par exemple, nous devons terminer les
problèmes à chaque jour, ne pas les reporter au lendemain, pour s’éveiller avec
une fraîcheur extraordinaire; nous cultivons ainsi l’harmonie, pour apprendre
toujours davantage, certes, mais aussi pour apprendre de mieux en mieux.
L’idée est donc une construction d’une banque toujours nouvelle d’images
et de mots, afin de faciliter le transfert des connaissances, comme pour le
sens d’une semaine, d’un mois, d’une saison, d’une année, d’une décennie, voire
d’une vie.
Pour atteindre cet objectif, il faut regarder
et contempler plusieurs images, réciter individuellement des mots de vocabulaire,
répéter avec d’autres; il faut y mettre une belle énergie, une motivation
réelle, pour la construction des jeux de mots, pour la découverte des objets,
des calendriers, des agendas, exercices « J’aime/J’aime pas « et
privilégier au final l’étude dans un cadre capable de faire du sens, tout en
portant un regard lucide et concret sur la société québécoise, par la langue,
dans une perspective éducative, sociale, politique, artistique et personnelle.
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