Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

01 juillet, 2023

 Bonjour à tous (tes),

Après plus de 8 000 messages depuis 2005, il est temps de prendre ma retraite. 

Ceci est la dernière publication du magazine nagg, mais vous aurez toujours accès aux nombreuses publications.

Merci et passez un bel été.

Serge,

               Bien que je me doutais que cette décision était pour venir bientôt, elle me secoue néanmoins.  Lorsqu'on constate le censure exercée un peu partout il était rafraîchissant de savoir qu'on pouvait compter sur ton site pour y trouver des textes et donc des individus qui n'avaient pas peur de s'exprimer.  Je te remercie donc pour avoir crée cet espace de liberté et merci surtout pour m'avoir publié.  Je t'en serai à jamais reconnaissant!

André Dorais

30 juin, 2023

[L’épopée économique de l’humanité] – La transition vers un mode de vie sédentaire (II)

 Par Pierre Robert.

Première partie de cette série ici.

 

Homo Faber face au réchauffement climatique

Il y a environ 18 000 ans, le dernier âge glaciaire cède la place à une période de réchauffement mondial. Le nouveau climat est idéal pour les céréales qui, encore à l’état sauvage, se multiplient, se répandent et sont de plus en plus présentes dans l’alimentation humaine. Dans les régions où elles poussent spontanément, du camp provisoire on passe progressivement au village permanent avec l’exemple des Natoufiens qui étaient des chasseurs-cueilleurs en voie de sédentarisation. Vers 9500 avant l’ère commune, leurs descendants se transforment peu à peu en cultivateurs.

Ce changement se fait par étapes, avec à chaque fois une petite altération du mode de vie originel. Au point de départ, l’apport de céréales supplémentaires, alors que la population n’augmente pas encore, fait apparaître un surplus matériel générateur d’un superflu dont on finit par ne plus vouloir se passer. Puis le surcroît de blé finit par provoquer une augmentation de la population. Dès lors, même si le nouveau mode de vie demande plus de travail et est plus contraignant, le retour en arrière devient impossible.

 

L’agriculture, fatalité ou nécessité ?

Dans cette optique, le passage de la cueillette à la production d’aliments serait le résultat des effets cumulés d’un longue série de petites décisions qui finissent par imposer leur tyrannie.

Une autre piste privilégie la pression de la culture et de la religion. Elle s’appuie sur les découvertes faites à Göbleki Tepe dans le sud-est de la Turquie. Près des premières zones ensuite cultivées, ont été trouvées de très anciennes structures monumentales érigées à une époque antérieure au passage à l’agriculture1.

Les parties les plus anciennes sont des piliers de pierres en forme de T disposées de manière circulaire. Pesant plusieurs tonnes, ces blocs sont décorés de gravures d’animaux et d’humains. Le site semble avoir été un endroit rituel, un centre spirituel pour groupes nomades qui s’y rencontraient. Sa construction s’est étalée sur plusieurs centaines d’années. Elle a nécessité une division poussée du travail et la coopération d’un grand nombre de personnes. On peut faire l’hypothèse que le blé a été domestiqué pour les nourrir puis soutenir la construction et l’activité du temple.

Si les explications divergent, le fait est qu’il y a environ 11 000 ans, les champs de blé commencent à remplacer les variétés sauvages. Les Sapiens se mettent à domestiquer des plantes et des animaux. En manipulant la vie, ils entament une longue entreprise de modification de la nature.

 

Une révolution agricole décisive 

Elle démarre dans les terres montagneuses du sud-est de la Turquie, de l’ouest de l’Iran et du levant. Dans le croissant fertile2 se multiplient les villages permanents comme celui de Jéricho qui se forme 8500 ans avant JC. Leurs habitants y ont pour principale occupation la culture et l’élevage de quelques espèces végétales et animales sélectionnées. Par leur travail, ils parviennent à domestiquer le blé et les chèvres autour de – 9000 ; les pois et les lentilles vers – 8000 ; les oliviers vers – 5000 puis les bœufs, les vaches, les ânes, les porcs, les moutons et les poules.

Cinq siècles plus tard, la culture de la vigne clôt cette première et principale vague de domestication. L’essentiel des calories qui nourrissent l’humanité provient toujours de la poignée de plantes et d’animaux domestiquées entre -9500 et -3500.avant JC.

Si elle augmenta la somme totale de vivres à la disposition de l’humanité, elle favorisa aussi son expansion démographique. Par commodité, pour ne pas avoir à transporter la nourriture nécessaire à l’alimentation de leurs enfants, les femmes nomades les allaitaient le plus longtemps possible. En devenant sédentaires, elles disposent en revanche des vivres qui ont été stockées. L’espace entre les naissances se raccourcit, ce qui mécaniquement favorise la natalité.

Par ailleurs, en faisant moins dépendre les hommes de la nature pour leur subsistance immédiate, la révolution de l’agriculture et de l’élevage leur permet de se projeter dans l’avenir.

L’abandon du nomadisme n’en rendit pas moins la vie des cultivateurs plus difficile et moins satisfaisante que celle des fourrageurs.

Il faut en effet défendre le cheptel et les récoltes contre les pillards alors que l’alimentation est moins variée que celle procurée par la chasse et la cueillette. Les caprices de la météo peuvent ruiner en peu de temps le travail de toute une année et leur simple anticipation est une source permanente d’anxiété. En outre, dès lors que la majorité de la population tire ses moyens d’existence d’une terre dont elle ne peut plus s’éloigner, il devient beaucoup plus facile de la contrôler. Une élite peut émerger et confisquer le surplus que procure le nouveau mode de production. Cette mutation radicale assoit sa domination. Globalement, elle profite à l’espèce bien plus qu’à l’individu.

Jared Diamond en tire la conclusion que la révolution agricole fut la plus grande escroquerie de l’histoire. Il qualifie aussi de fatal le don du bétail porteur de germes mortels pour l’humanité.

Mais si on se situe dans le très long terme, c’est cette rupture qui a permis de poser les premières pierres du système économique qui assure aujourd’hui la prospérité de l’Occident et a permis au plus grand nombre de sortir de la pauvreté.

 

Pourquoi l’Eurasie et non un autre continent ?

Avec Jared Diamond3 on est fondé à penser que si l’agriculture est inventée dans le croissant fertile, c’est parce que plus que toute autre région, il concentre à l’époque les rares espèces propices à la culture et à l’élevage. C’est cet état de fait qui y a favorisé le passage de la chasse et de la cueillette à la production alimentaire. Celle-ci a permis par la suite de dégager un surplus qui a poussé à la mise en place d’organisations politiques complexes capables d’entretenir des scribes et des savants. Dès lors, l’écart se creuse avec les autres parties du monde, d’autant plus qu’en Eurasie, les axes de circulation Est-Ouest et la moindre résistance des barrières écologiques et géographiques ont favorisé la diffusion de l’écriture, des idées et des technologies au sein du continent.

Cette zone géographique présente donc des caractéristiques propices au premier essor d’Homo Faber, caractéristiques que les autres continents n’ont pas ou, du moins, pas au même degré.

  1. Sur ce point voir Jens Notroff, Institut archéologique allemand – Current stage of research at GT, interview by archeofili.com, version anglaise sur tepetelegrams.wordpress.com, 10 juin 2016 ↩
  2. Région allant de l’Égypte à la Mésopotamie en passant par le pays de Canaan, la Syrie et le sud-est de l’Anatolie ↩
  3. De l’inégalité parmi les sociétés- Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, Gallimard, 2000 ↩

29 juin, 2023

Libéralisme : les 6 essais à lire pour les vacances

 Par la rédaction de Contrepoints.

Avec l’été viennent pour beaucoup les vacances, et l’occasion de lire les livres qui s’accumulent sur votre table de chevet.

Nous vous proposons des lectures de plage certes, mais des lectures qui font réfléchir et qui sont utiles à une époque où dominent le pessimisme et le socialisme. Elles défendent la liberté, respirent l’optimisme et dessinent une véritable alternative libérale pour le monde de demain. Ménagez vos méninges et respirez un peu d’air frais !

— Pascal Salin, Le vrai libéralisme : Droite et gauche unies dans l’erreur, Odile Jacob, 2019.

Un recueil des meilleurs articles du grand intellectuel libéral, et un rappel utile sur l’esprit du libéralisme menacé par les conservatismes et les collectivismes qui fourmillent dans le débat d’idées. Clair et pédagogue, il offre aussi à celui qui veut se familiariser avec les idées libérales une introduction et un aperçu de sa place dans le combat intellectuel de ces 30 dernières années.

— Alain Laurent, Responsabilité : Réactiver la responsabilité individuelle, Les Belles Lettres, 2020.

Le philosophe libéral Alain Laurent a repris la plume pour parler de l’envers de la liberté, la responsabilité. Notion qui à l’instar du libre arbitre est attaquée par les penseurs contemporains et contestée par les idéologies scientistes à la mode, la responsabilité est toujours d’actualité, et toujours nécessaire pour penser l’individu libre et rationnel.

— Ayn Rand, Une philosophie pour vivre sur la Terre, Les Belles Lettres, 2020.

Une belle édition d’essais signés par la célèbre romancière objectiviste à mettre entre toutes les mains. Quand l’éthique des vertus rencontre l’égoïsme rationnel, on découvre une défense de l’esprit du capitalisme libéral à la fois fascinante et libératrice.

— Carl Menger, Principes d’économie politique, Seuil, 2020.

Emmener la nouvelle édition en français de l’ouvrage classique de Carl Menger sur la plage sera sans doute aussi difficile que lire ce classique de l’économie politique. L’appareil critique de Gilles Campagnolo permet d’en comprendre les subtilités et le caractère révolutionnaire dans l’histoire de la pensée économique. Sa lecture pourrait durer plusieurs étés consécutifs !

— Thierry Aimar, Hayek : Du cerveau à l’économie, Michalon, 2019.

Une introduction à la pensée du grand économiste de l’école autrichienne à mettre entre toutes les mains. En partant de l’ordre sensoriel Thierry Aimar rappelle que Hayek n’était pas seulement économiste, mais a proposé une réflexion globale partant de l’épistémologie, ce qui a fait dire à certains qu’il était aussi précurseur des sciences cognitives.

— Pierre Robert, Fâché comme un Français avec l’économie, Larousse, 2019.

Pierre Robert remet les idées à l’endroit, démontre brillamment ce que l’ignorance française de l’économie nous coûte humainement et matériellement. D’accès facile et dans un style alerte, Pierre Robert démolit tous nos clichés sur l’économie et plaide pour une réconciliation avec la discipline. À mettre entre toutes les mains.

Bonne lecture !

28 juin, 2023

Une étude accuse la réglementation de causer la baisse de l’innovation

 Par William Rampe.

Les économistes établissent depuis longtemps un lien entre des niveaux élevés de réglementation et une diminution de l’innovation. Une étude sur les entreprises françaises, qui sera bientôt publiée, apporte des preuves supplémentaires à l’appui de ce qui est aujourd’hui une sagesse conventionnelle.

L’étude, un document de travail datant de 2021 qui sera bientôt publié dans l’American Economic Review, a été réalisée par les économistes Philippe Aghion et John Van Reenen de la London School of Economics et Antonin Bergeaud d’HEC Paris. Ils ont utilisé les données de l’administration fiscale française de 1994 à 2007 pour déterminer si la réglementation affecte « le rythme et la nature de l’innovation » dans les entreprises « et si oui, dans quelle mesure ».

 

Les auteurs constatent que « la fraction des entreprises innovantes chute fortement juste à gauche du seuil réglementaire », qu’ils qualifient de « vallée de l’innovation », car les conséquences réglementaires de l’augmentation du nombre d’employés signifient que les entreprises choisissent de ne pas innover. Il en va de même pour les réponses des entreprises aux chocs de la demande, car les entreprises « dont la taille se situe juste en dessous du seuil réglementaire » choisissent de ne pas augmenter leur production pour répondre à cette demande en raison des implications réglementaires.

Au total, les auteurs concluent que la réglementation du travail équivaut à une taxe de 2,5 % sur les bénéfices, qui réduit l’innovation d’environ 5,4 % et « réduit le bien-être d’au moins 2,2 % en termes d’équivalent consommation ». Cet impôt sur les bénéfices continue d’affecter les entreprises situées à droite du seuil, ce qui se traduit par « un aplatissement plus important de la relation positive entre l’innovation et la taille de l’entreprise ».

Les auteurs examinent les effets de la réglementation du travail sur les entreprises comptant entre 10 et 100 employés, en notant que « de nombreuses réglementations du travail s’appliquent aux entreprises de 50 employés ou plus », et mesurent la capacité d’innovation des entreprises par le nombre de brevets.

Ces réglementations obligent les entreprises à consacrer des ressources à d’autres activités que la production, notamment à consacrer des revenus à la formation des travailleurs, à offrir une représentation syndicale, à créer des régimes de participation aux bénéfices et à mettre en place un comité d’entreprise avec une représentation des travailleurs.

« Nous ne disons pas que toutes les réglementations sont mauvaises, mais plutôt qu’il est important d’aller au-delà de l’approche habituelle de la réflexion sur les coûts et les bénéfices, qui est à court terme et ignore généralement l’innovation à long terme », explique M. Van Reenen à Reason.

Les contrôles mis en œuvre pour soutenir les travailleurs peuvent s’inscrire dans une perspective sympathique. Pourtant, leurs effets de distorsion finissent par nuire à l’économie dans son ensemble en décourageant la production et en diminuant la création de nouveaux produits.

« Les entreprises réagissent aux incitations et aux désincitations et nous constatons que même lorsque les entreprises connaissent des évolutions positives, telles qu’une augmentation de la demande, elles peuvent encore hésiter à investir dans la recherche et le développement et à poursuivre l’innovation si elles sont proches de ce seuil de taille », explique M. Bergeaud à Reason. « En effet, une innovation réussie implique une croissance, ce qui, dans ce cas, signifierait franchir le seuil des 50 employés et encourir des coûts supplémentaires. »

Un autre résultat intéressant de l’étude est que les entreprises qui innovent dans le cadre d’une réglementation substantielle ont tendance à « prendre le taureau par les cornes » car « la réglementation décourage la R&D incrémentale » et les entreprises veulent « éviter d’être seulement légèrement à droite du seuil ». Si les innovations importantes font l’objet d’une couverture médiatique et ont un impact considérable sur le bien-être des consommateurs, les innovations mineures présentent également des avantages, car elles permettent aux entreprises de répondre à des préoccupations immédiates moyennant des investissements moindres.

 

Même si la législation du travail française est plus stricte que celle des États-Unis, les conclusions de l’étude constituent un avertissement pour les décideurs politiques américains qui cherchent à renforcer la protection des travailleurs en donnant aux syndicats un rôle plus important dans l’économie et en augmentant le salaire minimum. Comme le soulignent les auteurs, les améliorations à court terme des conditions de travail résultant de ces politiques auront des effets néfastes à long terme sur l’innovation et le bien-être des consommateurs.

L’intervention de l’État faussant les incitations, elle aboutira inévitablement à des résultats indésirables, que ce soit à court ou à long terme.

Comme le souligne l’économiste Thomas Sowell dans son livre A Conflict of Visions, « il n’y a pas de solutions, il n’y a que des compromis ».

27 juin, 2023

La croissance économique, avantageuse pour les moins nantis

 Point examinant comment les pauvres bénéficient de la liberté et de la croissance économiques, qui leur donnent plus de chances d’échapper à leur contexte socio-économique

La croissance économique fait croître les revenus des moins nantis au même rythme que la moyenne, conclut cette étude de l’IEDM. « L’idée que la croissance économique se fait aux dépens des moins nantis repose sur du vent », explique Vincent Geloso, économiste senior à l’IEDM et auteur de l’étude.

* * *

Ce Point a été préparé par Vincent Geloso, professeur adjoint d’économie à l’Université George Mason et économiste senior à l’IEDM. La Collection Fiscalité de l’IEDM vise à mettre en lumière les politiques fiscales des gouvernements et à analyser leurs effets sur la croissance économique et le niveau de vie des citoyens.

Dans certains cercles, il est de bon ton d’attaquer le concept de croissance économique lui-même. Cette série(1) de brèves études vise à déconstruire quelques-uns des grands mythes qui sous-tendent ces attaques.

On entend parfois dire que les moins nantis sont les laissés pour compte de la croissance économique. C’est qu’on suppose que cette expansion profite essentiellement aux catégories les plus aisées de la société. Pourtant, cette hypothèse repose sur du vent; la croissance économique est généralement bénéfique pour les pauvres, en particulier dans une économie ouverte.

La croissance et les pauvres

La croyance selon laquelle les pauvres ne profitent pas de la croissance a quelque peu perdu du terrain avec l’arrivée des mégadonnées, qui facilitent la mise en commun de vastes jeux de données (nécessaires pour estimer la répartition des revenus) sur de nombreux pays couvrant de longues périodes. Il est aussi de plus en plus simple d’accéder aux données de sources multiples. Ainsi, plusieurs initiatives ont remis en cause l’idée reçue voulant que les retombées de la croissance soient mal distribuées.

La première étude à grande échelle a été réalisée en 2002, par deux économistes de la Banque mondiale. Se penchant sur les données de 1950 à 1999 de 93 pays, les auteurs ont conclu qu’une hausse de 1 % du revenu moyen entraînait une hausse comparable dans les revenus des 20 % les plus pauvres(2). En 2016, une étude portant sur 121 pays est venue reproduire et actualiser ces résultats, reconfirmant que les moins nantis bénéficient autant de la croissance économique que la personne moyenne(3).

À l’aide des données disponibles dans 113 pays, la Figure 1 illustre la croissance du revenu par habitant, de 2000 à 2015, par rapport à la croissance du revenu par habitant des 10 % les plus pauvres(4). L’axe horizontal indique la croissance du revenu moyen global pendant la période à l’étude, et l’axe vertical, la croissance du revenu moyen des 10 % les plus pauvres.

La ligne diagonale montre la correspondance un pour un, c’est-à-dire le point où la croissance profite également aux plus pauvres et à la personne moyenne. Les points au-dessous de cette ligne sont des pays où le revenu moyen croissait plus rapidement, et les points au-dessus, des pays où le revenu des pauvres croissait plus rapidement. On constate que la plupart des points se situent près de la ligne, ce qui indique que la distribution est relativement égale – et donc que la croissance est essentiellement inclusive.

D’autres chercheurs indiquent néanmoins que la relation ne serait pas d’un pour un(5), ce qui ne signifie pas pour autant que les pauvres ne profitent pas de la croissance économique, simplement qu’ils n’en profitent pas autant que la personne moyenne (ou que les très riches).

La liberté économique au service des pauvres

Selon d’autres études, une plus grande liberté économique entraînerait une hausse du revenu dans tous les déciles(6). Cependant, les gains seraient plus grands dans les déciles de revenu supérieurs, de sorte que les moins nantis recevraient une moins grande part du gâteau(7). Ainsi, tous les déciles bénéficient d’un revenu plus élevé, mais pas de façon proportionnelle. On pourrait donc penser, de prime abord, que la croissance générée par les sociétés économiquement libres profite davantage aux plus riches (sans toutefois nuire aux pauvres).

Mais les impressions peuvent être trompeuses, et la littérature nous le confirme(8). Qui plus est, une personne n’est pas confinée à un seul décile toute sa vie; au contraire, les changements de décile sont plutôt courants. Depuis 1982, Statistique Canada fait le suivi des déplacements interdéciles par tranche de cinq ans. En regardant la dernière tranche (2015 à 2020), on remarque par exemple que les Québécois qui se trouvaient dans le décile le plus pauvre en 2015 se retrouvaient en moyenne dans le troisième décile en 2020(9). Et ce, sans compter les travailleurs qui entrent sur le marché du travail (premier emploi, immigration) ou qui le quittent (retraite ou décès). Un portrait représentatif de la situation doit tenir compte de ces entrées et sorties ainsi que des déplacements entre les déciles.

Comment peut-on s’assurer que les moins nantis profitent de la croissance économique? La clé réside dans les politiques économiques et la promotion de la liberté économique, ou autrement dit, une réglementation gouvernementale limitée, un État de plus petite taille, de solides droits de propriété, le libre-échange et une monnaie stable.

Certaines études se sont penchées sur la force de la corrélation directe et indirecte entre la mobilité du revenu – les déplacements interdéciles – et la liberté économique. On constate que la mobilité augmente directement à cause de l’absence d’obstacles gouvernementaux(10). De plus, elle augmente indirectement, car la liberté économique favorise la croissance économique, ce qui a pour effet d’élargir les horizons des familles les plus pauvres, par exemple en facilitant l’acquisition d’aptitudes professionnelles, de financement de démarrage, etc.(11). Si ces deux facteurs sont importants, l’augmentation indirecte est proportionnellement beaucoup plus significative(12). En stimulant la croissance du revenu pour tous, la liberté économique permet aux pauvres d’échapper au contexte socio-économique de leur naissance. Ainsi, les pauvres bénéficient-ils davantage de la liberté et de la croissance économiques, qui leur donnent plus de chance d’améliorer leur condition.

En résumé, il est difficile de dissocier les institutions qui génèrent de la croissance économique de celles qui génèrent des occasions pour les pauvres de s’élever au-dessus de leur classe socio-économique de naissance.

Références

  1. Voir la première étude de la série : Vincent Geloso, « Pourquoi la croissance économique est bonne pour la santé », IEDM, Point, avril 2023.
  2. David Dollar et Aart Kraay, « Growth Is Good for the Poor », Journal of Economic Growth, vol. 7, septembre 2002, p. 207-208 et 218.
  3. David Dollar, Tatjana Kleineberg et Aart Kraay, « Growth Still Is Good for the Poor », European Economic Review, vol. 81, 2016, p. 81.
  4. Justin T. Callais et Andrew T. Young, « A rising tide that lifts all boats: An analysis of economic freedom and inequality using matching methods », Journal of Comparative Economics, 2023, p. 8-13.
  5. James E. Foster et Miguel Székely, « Is Economic Growth Good for the Poor? Tracking Low Incomes Using General Means », International Economic Review, vol. 49, no 4, novembre 2008, p. 1157-1159 et 1165-1166.
  6. Justin T. Callais et Andrew T. Young, op. cit., note 4, p. 31-32; James Dean et Robert Lawson, « Who gains from economic freedom? A panel analysis on decile income levels », Economics and Business Letters, vol. 10, no 2, 2021, p. 103-106.
  7. Donatella Saccone, « Who gains from economic freedom? A panel analysis on decile income shares », Applied Economics Letters, vol. 28, no 8, 2021, p. 647.
  8. Nicholas Apergis, Oguzhan Dincer et James E. Payne, « Economic freedom and income inequality revisited: Evidence from a panel error correction model », Contemporary Economic Policy, vol. 32, no 1, 2014, p. 67-74; Daniel L. Bennett et Boris Nikolaev, « Economic freedom & happiness inequality: Friends or foes? » Contemporary Economic Policy, vol. 35, no 2, 2017, p. 373-389; Daniel L. Bennett et Richard K. Vedder, « A dynamic analysis of economic freedom and income inequality in the 50 US states: Empirical evidence of a parabolic relationship », Journal of Regional Analysis & Policy, vol. 43, no 1, 2013, p. 42-54.
  9. Statistique Canada, Tableau 11-10-0059-01 : Mobilité du revenu sur cinq ans, consulté le 18 avril 2023.
  10. Christopher J. Boudreaux, « Jumping off of the Great Gatsby curve: How institutions facilitate entrepreneurship and intergenerational mobility », Journal of Institutional Economics, vol. 10, no 2, 2014, p. 17-18; James Dean et Vincent Geloso, « Economic freedom improves income mobility: Evidence from Canadian provinces, 1982-2018 », Journal of Institutional Economics, vol. 18, no 5, 2022, p. 823-824.
  11. Justin T. Callais et Vincent Geloso, « Intergenerational income mobility and economic freedom », Southern Economic Journal, vol. 89, no 3, 2023, p. 735- 738 et 749-750.
  12. Ibid., p. 749.