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10 septembre, 2009

Éducation : un autre plan parachuté d’en haut



Où est le progrès?
Michelle Ouimet, Cyberpresse, 10 septembre 2009

Il y avait du monde, beaucoup de monde, hier, à la conférence de presse-fleuve de la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, qui dévoilait son plan de lutte contre le décrochage.

Son fameux plan. Depuis le temps qu'elle nous le promet.

Elle a pris son ton exalté pour expliquer les 13 «voies de réussite» qui forment le coeur de son plan.

«Je suis très, très touchée d'être ici ce matin», a-t-elle lancé devant une centaine de personnes réunies dans la bibliothèque de l'école secondaire Honoré-Mercier, située dans l'ouest de Montréal.

Pourquoi touchée? Allez savoir.

Treize voies de réussite pour contrer le décrochage, donc. Treize idées, petites et grandes.
Mais parlons d'abord de chiffres. La ministre était fière d'annoncer que le taux d'obtention de diplôme chez les moins de 20 ans avait grimpé de 69% en 2006 à 72% en 2007.

Un bond de trois points en un an. Prodigieux? Pas vraiment. En 1992, le ministre de l'Éducation, Michel Pagé, avait lancé un plan de lutte contre le décrochage: classes plus petites, titulariat, meilleur encadrement.

À l'époque, le taux d'obtention de diplôme était de... 72%. Il voulait le hisser de quinze points en cinq ans. En 2000, huit ans et une quarantaine de millions plus tard, le taux stagnait toujours à... 72%.

La ministre aurait dû le préciser, hier. Un peu de perspective historique n'aurait pas fait de tort. En 2002, le taux d'obtention de diplôme a dégringolé à 67%. Le retour aux 72% en 2007 est donc une victoire.

Mais la réalité, la vraie, c'est que depuis 15 ans, les écoles subissent un grand et désespérant piétinement: 72% en 1992, 72% en 2007. Où est le progrès?

Je ne veux pas vous assommer avec les statistiques, mais rappelons que ce 72% englobe l'ensemble des jeunes de moins de 20 ans. Il inclut donc tous ceux qui ont abandonné leur secondaire et terminé leurs études à l'éducation aux adultes où les exigences sont moins fortes.

Des diplômes au rabais.

Prenons les vrais chiffres, soit le nombre de jeunes qui sortent avec un diplôme après avoir passé cinq ans au secondaire. En 2005, seulement 55,8% des élèves de la province avaient obtenu leur diplôme; 54,4% en 2008. À peine un sur deux. La ministre s'est bien gardée d'en souffler mot.

Hier, Mme Courchesne a annoncé que le «taux de diplomation» des moins de 20 ans grimpera à 80% en 2020 grâce à ses 13 voies de réussite. Je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir une pensée pieuse pour tous les ministres de l'Éducation qui l'ont précédée et qui ont fixé avec enthousiasme des cibles qui n'ont jamais été atteintes.

* * *

Parlons un peu du plan de Mme Courchesne. Rien d'original, mais des mesures incontournables et nécessaires: baisser les ratios dans les classes au primaire en commençant par les milieux défavorisés. Coût: une centaine de millions par année.

Ajout de 200 «enseignants-ressources» au secondaire. Coût: 11 millions par année.
Création d'un fonds pour le développement des jeunes. But: aider les enfants d'âge préscolaire qui viennent de milieux défavorisés. Coût: 400 millions sur 10 ans. Quelles mesures seront adoptées avec tous ces millions? Impossible d'obtenir des réponses claires. Le fonds est entouré d'un flou artistique.

La ministre a aussi annoncé la création d'un comité de vigie qui sera formé de tout le monde et son père, y compris des élus municipaux. Un comité de gérants d'estrade, comme s'il n'y avait pas déjà assez de monde dans la grande galère de l'école. Leur mandat: suivre l'évolution des taux de réussite, analyser des moyens d'intervention et proposer des ajustements. Misère.
Mme Courchesne a parlé de contrôles fréquents. Elle veut s'assurer que l'argent sera bien dépensé. Un but honorable. Le problème, c'est que les directeurs d'école vont être englués dans une bureaucratie tatillonne.

Hier, la présidente de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement, Chantal Longpré, était dans tous ses états. Elle en avait quasiment les larmes aux yeux. Les directeurs d'école sont débordés, ils doivent rendre des comptes pour chaque sou dépensé. «À chaque nouveau programme, on est enterrés sous la paperasse, a-t-elle dit. Et là, on nous en rajoute.»

Au total, le gouvernement injectera une centaine de millions en 2010 et en 2011, puis 160 millions par année à partir de 2012. Cap sur 2020 et la cible de 80%.

En 2020, Mme Courchesne ne sera plus là. Ce sera à son tour d'avoir une pensée pieuse pour le ministre de l'Éducation qui annoncera de nouvelles cibles.

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