Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

31 janvier, 2023

La saison cyclonique de 2022 a été la plus faible des 42 dernières années

 Par Association des climato-réalistes.

Selon les observations de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), la saison cyclonique 2022 a été la plus faible depuis le début des mesures satellitaires.

Cela est clairement montré par le graphique ci-dessous qui retrace, année par année depuis 1980, l’évolution de l’énergie cumulative des cyclones tropicaux (en anglais Accumulated Cyclone Energy ou ACE). NB : l’ACE mesure la quantité d’énergie globale d’un ou de plusieurs cyclones estimée à partir de la vitesse maximale des vents pour chaque période de six heures.

Énergie cumulative des cyclones tropicaux (ACE). Source : Département des sciences atmosphériques de l’Université de l’État du Colorado (à partir des données du National Hurricane Center de la NOAA).

À l’échelle globale, les données ACE de l’année 2022 sont d’environ 29% inférieures à la moyenne de la période de 30 ans (1991 à 2020).

Les mêmes sources de données montrent aussi qu’au niveau mondial, le nombre des cyclones n’a pas augmenté depuis le début des mesures (1980).

Nombre total de cyclones (Source : Université de l’État du Colorado)

Cela reste vrai pour le nombre des cyclones de catégorie 3 et plus.

Nombre total de cyclones de catégorie 3 et + (Source : Université de l’État du Colorado)

NB : Les cyclones sont classés par leur forces d’après l’échelle de Saffir-Simpson qui va de 1 à 5.

  • Catégorie 3 (forts) : vents entre 175 et 210 km/h
  • Catégorie 4 (très forts) : vents entre 210 et 250 km/h
  • Catégorie 5 (dévastateurs) : vents de plus de 250 km/h.

Cette tendance à l’affaiblissement mesurée depuis des décennies, contredit les affirmations alarmistes selon lesquelles les cyclones sont de plus en plus intenses et fréquents en raison du « changement climatique ». 

La démocratie illibérale : un concept incohérent ?

Par Raphaël Demias-Morisset.

 

Depuis quelques années, il est difficile d’ignorer le succès connu par le « concept » de démocratie illibérale. Tant dans la presse que dans les discours politiques ou les articles scientifiques, ce concept fait l’objet de critiques et d’appropriations en raison de sa nature polémique.

Il doit son succès à son utilisation par des acteurs politiques et médiatiques de premier plan, les plus connus étant Fareed Zakaria, universitaire américain et journaliste à CNN et Viktor Orban, Premier ministre hongrois réélu pour la troisième fois en 2022. Ce succès médiatique cache pourtant de nombreuses incohérences qui n’ont pas manqué d’être relevées dans plusieurs travaux et qui viennent relativiser l’opposition entre les partisans de la démocratie illibérale et ses « adversaires ».

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, le concept de démocratie illibérale n’a pas été employé le premier par Fareed Zakaria, puisque le terme était utilisé dans la littérature scientifique s’intéressant aux transitions démocratiques dans les années 1990. Ce concept est sorti de sa confidentialité académique suite à la publication d’un article puis d’un ouvrage de Fareed Zakaria en 1997 et en 2001. Ce succès peut largement être imputé à la nature pamphlétaire des travaux de Fareed Zakaria, qui visent à mettre en garde le monde contre les dangers de la démocratie :

La démocratie sans le libéralisme constitutionnel n’est pas simplement insuffisante : elle est dangereuse, source d’érosion des libertés, d’abus de pouvoir.

Il convient selon lui de s’assurer que la démocratie ne se transforme pas en régime illibéral.

Or c’est précisément le souhait qui fut émis par Viktor Orban lors des vœux adressés après sa réélection de 2014 :

La nation hongroise n’est pas seulement une agrégation d’individus mais une communauté qui doit être organisée, renforcée et construite. En ce sens, le nouvel État que nous construisons en Hongrie est un État illibéral, et pas libéral.

Bien que rien n’indique que Viktor Orban ait revendiqué la démocratie illibérale en référence à l’ouvrage de Fareed Zakaria, cette appropriation a fait de ce concept un véritable référent politique tant sur le plan national qu’international. On trouve ainsi des références critiques à l’illibéralisme dans les discours d’Emmanuel Macron, dans des documents officiels de l’OTAN et de l’Union européenne, et des références positives à l’illibéralisme dans les articles et discours d’Éric Zemmour.

 

Une définition insatisfaisante de la démocratie

Le concept de démocratie illibérale a donc pour particularité de convenir autant à ses opposants qu’à ses partisans, ce qui peut sembler paradoxal puisqu’il s’agit à l’origine d’un terme critique et disqualifiant. La place croissante de la démocratie illibérale dans la sphère politique fait de sa définition un enjeu important qui soulève plusieurs problèmes. En effet, définir le concept de démocratie illibérale implique de définir au préalable la démocratie et le libéralisme, qui sont des « concepts essentiellement contestés », c’est-à-dire des concepts dont la définition ne fait pas l’objet d’un consensus en raison de leurs caractéristiques propres et de leur importance idéologique.

La pertinence même du concept de démocratie illibérale fait ainsi l’objet de débats importants au sein de la littérature spécialisée parce qu’il repose sur une définition de la démocratie particulièrement contestable et limitée. En effet, le seul élément « démocratique » de la démocratie illibérale est le mécanisme électif. Or la seule présence d’élections ne permet pas de distinguer régimes autoritaires et démocratiques. Pour que des élections puissent être compatibles avec la démocratie, ces dernières doivent également être libres et équitables ; ce qui implique nécessairement l’ajout d’autres critères plus exigeants qui font l’objet de débats entre partisans et opposants de la démocratie illibérale.

Néanmoins, on peut constater que les deux camps s’accordent sur le caractère démocratique du mécanisme électif en lui-même. Pourtant, ce sont les libéraux qui défendent le gouvernement représentatif contre la démocratie depuis les révolutions française et américaine. Paradoxalement, les partisans de l’illibéralisme défendent donc une conception « libérale » de la démocratie car cette dernière est réduite à une forme procédurale minimaliste.

 

Confusion autour du concept de libéralisme

Pour aller plus loin, il est également nécessaire d’interroger les conceptions du libéralisme des partisans et opposants de la démocratie illibérale. A priori, les opposants de la démocratie illibérale comme Fareed Zakaria définissent le libéralisme de façon classique. Le libéralisme signifie pour eux l’existence d’un État de droit, la limitation du rôle de l’État et la préservation des libertés individuelles vis-à-vis de la tyrannie de la majorité.

De façon moins conventionnelle, le libéralisme est également associé étroitement au capitalisme et au marché libre dérégulé. Dans cette conception, l’apologie du libéralisme constitutionnel et de la séparation des pouvoirs contre les dangers de la démocratie totalitaire reste subordonnée à la promulgation du marché et du développement économique : l’État de droit existe surtout pour préserver les droits économiques comme le droit de propriété.

Il s’ensuit que pour Fareed Zakaria l’autoritarisme libéral est jugé préférable à la démocratie illibérale. Un tel régime est plus favorable à la croissance économique et au capitalisme ; ce n’est d’ailleurs pas vraiment une dictature si le libéralisme (économique) est préservé.

Cette définition du libéralisme a pour conséquence de rendre le concept d’illibéralisme incohérent, puisqu’un régime autoritaire peut être qualifié de « libéral » et de conforme au libéralisme constitutionnel en fonction de son adhésion au libéralisme économique et non en fonction de son respect du pluralisme ou de la séparation des pouvoirs, puisque la liberté politique n’est plus considérée comme une liberté « individuelle » première. On peut d’ailleurs noter que la Pologne et la Hongrie sont les anciens meilleurs élèves d’une transition postcommuniste pensée selon ce modèle, qui privilégie l’exportation du marché sur la démocratie.

La conception du libéralisme des opposants à la démocratie illibérale crée donc un nouveau paradoxe qui vient relativiser l’opposition entre partisans et opposants à la démocratie illibérale. En effet, pour Fareed Zakaria l’archétype du « bon » régime libéral est Singapour. L’admiration de Fareed Zakaria pour le régime singapourien et son architecte – Lee Kuan Yew – a ainsi fait l’objet de développements continus depuis 1994.

Interview de Lee Kuan Yew par Fareed Zakaria.

Bien qu’il admette qu’il s’agisse d’un autoritarisme modéré, ce dernier remet en question le qualificatif de « dictature » pour qualifier l’État singapourien. Or, Singapour est précisément l’un des États cités comme modèle dans les discours de Viktor Orbàn revendiquant la démocratie illibérale. L’adhésion partagée par les opposants et les partisans de la démocratie illibérale au « modèle » singapourien associant priorité au développement économique et antilibéralisme politique montre ainsi que leur opposition est relative, et que leurs orientations politiques peuvent coïncider.

À ce titre, le concept de démocratie illibérale semble donc si incohérent qu’il ne permet ni de distinguer régime autoritaire et régime démocratique ni de distinguer entre partisans et opposants au libéralisme.The Conversation

 

Raphaël Demias-Morisset, Attaché temporaire d’enseignement et recherche en science politique, Université de Bordeaux

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. 

30 janvier, 2023

Le libre échange contre la destructrice idéologie étatiste

 Par Connor O’Keeffe.

Après la crise financière de 2008, des appels ont retenti dans les publications de l’establishment et les bureaux exécutifs de Wall Street pour dire que nous assistions à la mort de la mondialisation. Ces appels se sont amplifiés et multipliés après le Brexit, l’élection de Donald Trump, la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pourtant, les données semblent contester ce récit. Le commerce mondial a atteint un niveau record de 28 500 milliards de dollars l’année dernière et les projections prévoient une croissance en 2023. Le rythme devrait toutefois ralentir. Cette situation s’explique moins par un problème lié à la mondialisation elle-même que par les revers historiques qu’elle a subis.

Avant de poursuivre, il est important de définir certains termes.

La mondialisation se produit lorsque les sociétés du monde entier commencent à interagir et à s’intégrer économiquement et politiquement. Le commerce intercontinental vécu à l’époque de la marine à voile et via la route de la soie sont les premiers exemples de mondialisation. La mondialisation a réellement pris son essor après la Seconde Guerre mondiale et a reçu un nouvel élan avec l’adoption généralisée d’Internet. Il est important de noter que dans le discours courant la mondialisation inclut à la fois les activités économiques volontaires entre les peuples de différentes nations et les activités géopolitiques involontaires des États.

En revanche, Ian Bremmer définit le mondialisme comme une idéologie qui appelle à une libéralisation du commerce et à une intégration mondiale du haut vers le bas, soutenues par une puissance unipolaire. Les étatistes croient que les échanges commerciaux entre les personnes sont littéralement impossibles sans États ; ce n’est que lorsqu’un groupe revendique le monopole légal de la violence, puis construit des infrastructures, assure la sécurité, documente les titres de propriété et sert d’arbitre final des conflits qu’un marché peut exister. Le mondialisme est l’application de cette perspective au commerce international. Les mondialistes pensent qu’une gouvernance mondiale descendante, appliquée et sécurisée par une superpuissance unipolaire, permet la mondialisation.

Mais, comme les étatistes à une échelle plus locale, le point de vue mondialiste est logiquement et historiquement erroné. Le commerce mondial était déjà bien engagé avant la première tentative majeure de gouvernance mondiale, la Société des Nations, en 1919. L’objectif déclaré de la Société était d’assurer la paix et la justice pour toutes les nations du monde par la sécurité collective. Elle s’est effondrée au début de la Seconde Guerre mondiale et a échoué lamentablement. Mais le mondialisme en tant qu’idéologie a trouvé sa place après la guerre. L’Europe a été dévastée. Les États-Unis et l’URSS sont alors les deux seuls pays capables d’exercer un pouvoir à l’échelle mondiale.

Ainsi commença l’ère de mondialisation la plus rapide de l’histoire. Le commerce a explosé alors que les gens se remettaient de la guerre. Le projet mondialiste a également pris son envol avec la création des Nations Unies et de la Banque mondiale. Le mondialisme n’est limité que par les différences idéologiques entre les deux superpuissances. L’URSS voulait soutenir les révolutions tandis que les États-Unis visaient une libéralisation du commerce du haut vers le bas – ce qui a éloigné les récents alliés et plongé le monde dans la guerre froide.

 

Aux États-Unis, les « néolibéraux » et les néoconservateurs ont dominé le courant politique grâce à leur mission commune d’apporter les marchés et la démocratie au monde sous la menace d’une arme et financés par les contribuables américains. Heureusement pour eux, le rythme auquel leurs interventions à l’intérieur et à l’extérieur détruisaient la société américaine était plus lent que celui des Soviétiques. L’abolition des prix et de la propriété privée a finalement conduit à l’effondrement de l’URSS au début des années 1990. Avec la défaite de leur principal adversaire, les États-Unis ont réalisé l’un des principes centraux du mondialisme, l’unipolarité.

Dès le début, l’establishment américain s’est gavé de sa nouvelle influence planétaire. Par le biais de nouvelles organisations internationales comme l’Organisation mondiale du commerce, des accords de « libre-échange » ont été introduits. Certains font des centaines de pages alors que tout ce que le libre-échange exige vraiment, c’est une absence de politique. Les États-Unis ont fait naviguer leur marine sur les océans du monde entier en promettant de sécuriser les voies de navigation à la manière des patrouilleurs des autoroutes mondiales. Grâce à la promesse d’une sécurité militaire américaine et au financement d’organisations de gouvernance internationale, les contribuables américains ont été contraints de subventionner le commerce mondial.

Comme le souligne Murray Rothbard dans Man, Economy, and State with Power and Market, le commerce international n’existe pas dans un marché véritablement libre. Les nations existeraient toujours mais elles seraient des poches de culture plutôt que des unités économiques. Toute restriction étatique sur le commerce entre les personnes en fonction de leur localisation est une violation de leur liberté et un coût pour la société. La plupart des économistes du marché libre le comprennent et plaident en conséquence contre les restrictions étatiques. Mais les subventions au commerce international sont également contraires au marché libre. La position correcte du marché libre est l’absence totale de politique des deux côtés. Pas de restrictions ni de subventions. Laissez les gens choisir librement avec qui ils font des affaires. Il ne devrait pas y avoir de mainmise sur l’une ou l’autre extrémité de l’échelle.

L’intégration économique était loin d’être le seul objectif du régime américain pendant sa période unipolaire. Trop de gens avaient acquis richesse, pouvoir et statut pendant la guerre froide en faisant partie de la classe guerrière américaine. Malgré l’effondrement total de l’URSS, la dernière chose que les États-Unis voulaient faire était de déclarer la victoire et d’abandonner leur position privilégiée. Au lieu de cela, les États-Unis se sont démenés pour trouver un nouvel ennemi afin de justifier le maintien de ces privilèges. Leurs yeux se sont posés sur le Moyen-Orient où ils allaient, à terme, lancer huit guerres inutiles qui ont tué toute notion d’un « ordre international fondé sur des règles ». L’unipolarité américaine a donné raison à l’Albert Jay Nock : les gouvernements ne sont pacifiques que dans la mesure où ils sont faibles.

Ce désir institutionnel de guerre allait semer les graines de la destruction pour le moment unipolaire des États-Unis. Alors que les États-Unis éviscéraient toute notion de défense d’un ordre fondé sur des règles par leur aventurisme au Moyen-Orient, la tension couvait en Europe de l’Est et en Asie orientale. À la grande joie des entreprises d’armement et des élites de la politique étrangère, les gouvernements russe et chinois sont redevenus les ennemis des États-Unis.

L’invasion russe de l’Ukraine en février a été une énorme victoire pour la machine de guerre américaine mais elle a également représenté un énorme pas en arrière pour le mondialisme. Les Russes ont fait sécession de l’ordre mondial que les États-Unis avaient dirigé pendant trois décennies. La réaction de l’Occident, fondée sur des sanctions strictes et un désinvestissement économique forcé, a creusé le fossé dans le système mondial.

Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve, mais le rêve mondialiste d’un système singulier de gouvernance mondiale est certainement anéanti dans un avenir proche avec la rupture du bloc russo-chinois. Il y aura de la douleur parce que tant de connexions entre les nations sont contrôlées par les gouvernements ; cependant, un degré significatif de mondialisation est toujours apprécié par les consommateurs du monde entier. Les données contredisent l’idée que la mondialisation est en train de s’inverser. Elle ne fait que ralentir alors que les gouvernements tentent d’entraîner les consommateurs dans leur quête de désinvestissement de l’autre côté.

Malgré les affirmations selon lesquelles la mondialisation est morte, le commerce international est bel et bien vivant. Mais le mouvement vers un monde interconnecté ralentit alors que l’idéologie du globalisme connaît son plus grand revers depuis des décennies. L’amalgame étatiste entre la gouvernance mondiale unipolaire et le commerce international explique d’où viennent ces affirmations et pourquoi elles sont erronées.

29 janvier, 2023

Lever l’interdiction touchant l’assurance maladie privée duplicative au Québec

Cette Note économique a été préparée par Maria Lily Shaw, chercheuse associée à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’entrepreneuriat permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

Nous sommes actuellement dans une période de profonde réflexion sur l’organisation du système de santé. La pandémie ayant exposé les lacunes substantielles du système, la population québécoise fait preuve d’une plus grande ouverture d’esprit quant au rôle du secteur privé dans la prestation de soins de santé. Ce rôle ne peut toutefois s’élargir de façon importante si les compagnies d’assurance ne peuvent offrir à la population la possibilité de souscrire une assurance maladie duplicative, une pratique qui est présentement interdite au Québec et dans plusieurs autres provinces canadiennes. Si cette interdiction n’est pas levée, il sera impossible pour un marché d’assurance maladie duplicative d’émerger, et l’accès aux services assurés offerts dans des cliniques privées demeurera difficile, sauf pour ceux qui peuvent se permettre de payer le coût total de l’intervention(1).

La fonction principale d’une assurance maladie duplicative dans des systèmes de santé publics comme celui du Canada est de fournir aux individus qui le souhaitent une couverture de remplacement pour des soins déjà couverts par le régime d’assurance maladie de l’État québécois (RAMQ). Les individus sont libres de souscrire ou non une telle assurance, selon leurs besoins. La police d’assurance duplicative peut alors servir de mode de paiement pour des soins offerts dans des établissements privés de santé. En date de janvier 2023, on compte par exemple au Québec plus de 600 médecins et spécialistes dits non participants(2) qui offrent des services en dehors du régime public.

Bien qu’il ne soit pas possible de prévoir la réponse des compagnies d’assurance à une éventuelle levée de l’interdiction, il est raisonnable de penser qu’elles pourraient lancer ce nouveau produit par l’entremise des assurances collectives offertes par les employeurs. Les entreprises pourraient de leur côté décider d’offrir un tel bénéfice à leurs employés. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre comme celui d’aujourd’hui, ce bénéfice pourrait servir d’outil pour attirer les travailleurs.

Les listes d’attente sont coûteuses

Le bénéfice potentiel d’une assurance maladie couvrant des services déjà offerts par le système public devient évident lorsque ce système n’arrive pas à fournir les soins dans un délai raisonnable. En date de janvier 2023, on retrouvait plus de 159 000 Québécois en attente d’une chirurgie. De ce nombre, 34 % attendaient depuis plus de 6 mois(3). Un peu plus de 50 % des patients sur la liste attendaient une chirurgie d’un jour(4), une intervention mineure qui ne nécessite qu’une demi-journée d’admission au centre hospitalier(5). Pour ce qui est du temps d’attente médian pour les chirurgies électives, 50 % des Québécois sur la liste attendaient plus de 29 semaines avant de se faire opérer(6) (voir la Figure 1), soit trois semaines de plus que le temps d’attente recommandé(7).

Dans un tel contexte, un patient verrait l’avantage de se procurer une assurance pour pouvoir se faire soigner plus rapidement par un médecin du secteur privé. Pour certains patients(8), attendre plusieurs mois peut engendrer des coûts importants et gruger leurs économies puisqu’ils sont incapables de travailler. N’oublions pas non plus la douleur physique que ces personnes dans beaucoup de cas doivent endurer avant l’opération.

Le temps d’attente au Québec pour des chirurgies électives ne date pas d’hier, et s’est allongé de plus de 20 semaines depuis 1993. En 1999(9), le délai avant une opération a même été l’une des raisons ayant motivé un procès mené devant la Cour supérieure du Québec(10), l’affaire Chaoulli, qui durera plus de cinq ans. Le jugement final a été rendu par la Cour suprême du Canada en 2005.

L’affaire Chaoulli : interdire l’assurance maladie duplicative est inconstitutionnel

Les appelants, le Dr Jacques Chaoulli et un patient en attention d’une chirurgie, George Zeliotis, contestaient la validité des articles de loi qui interdisent aux compagnies d’assurance de vendre une assurance maladie duplicative aux Québécois, à savoir l’article 11 de la Loi sur l’assurance-hospitalisation (LAH) et l’article 15 de la Loi sur l’assurance maladie (LAM)(11). Ils alléguaient que cette interdiction prive les résidents du Québec d’un accès aux services de santé et viole leur droit constitutionnel à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.

Plus précisément, ils ont soutenu que cette interdiction portait atteinte à l’intégrité de la personne(12), car elle pouvait conduire à des dommages physiques et psychologiques en raison de l’incapacité chronique du système public à fournir des soins dans un délai raisonnable. Sans cette restriction, ont-ils soutenu, les patients confrontés à de longues attentes pour des procédures médicalement nécessaires dans le système public pourraient obtenir des soins plus rapides dans le secteur privé, payés avec leur assurance duplicative.

La Cour suprême du Canada a statué que l’interdiction par le Québec de souscrire une assurance maladie duplicative était en effet inconstitutionnelle. Sur la base des preuves fournies, la Cour a conclu qu’il n’y avait « aucun lien véritable entre l’interdiction de souscrire une assurance maladie et l’objectif de maintien d’un système de santé public de qualité(13) ». Pourtant, comme nous le verrons, cette interdiction demeure au Québec, sauf pour trois exceptions.

Les juges ont appuyé leur raisonnement sur le fait que la plupart des pays d’Europe occidentale parviennent à maintenir des systèmes publics performants tout en accordant à leur population la liberté de souscrire une assurance duplicative. Il y a aussi des provinces canadiennes qui n’interdisent pas, du moins formellement, la vente de telles assurances maladie. Comme la Cour l’a déclaré, « [m]ême si on [tient] pour acquis que la prohibition des assurances privées peut contribuer à préserver l’intégrité du système, la variété des mesures mises en place par les différentes provinces démontre qu’une telle mesure est loin d’être la seule à laquelle un État peut recourir(14). » De plus, rien n’indique que les systèmes de santé dans les quatre provinces canadiennes qui offrent la possibilité aux compagnies d’assurance de vendre des polices d’assurance maladie duplicative souffrent d’un manque d’intégrité.

La situation de l’assurance maladie au Québec aujourd’hui

La décision Chaoulli n’a malheureusement pas mené à la libéralisation de l’assurance maladie privée que les appelants avaient espérée. En effet, l’article 11 de la LAH, l’un des articles que les appelants contestaient, est demeuré presque inchangé depuis la décision de la Cour suprême. Quant à l’article 15 de la LAM, qui a également été jugé inconstitutionnel, il a été modifié pour permettre aux compagnies d’assurance d’offrir une assurance maladie duplicative pour seulement trois procédures spécifiques :

  1. Une arthroplastie-prothèse totale de la hanche,
  2. Une arthroplastie-prothèse totale du genou,
  3. Une extraction de la cataracte avec implantation d’une lentille intraoculaire.

Selon la réglementation actuelle, le contrat d’assurance doit couvrir le coût de tous les services préopératoires et postopératoires et de tous les services de réadaptation et de soutien à domicile résultant de la chirurgie. Cependant, cette police d’assurance ne peut être utilisée comme mode de paiement que dans des centres médicaux spécialisés (CMS) dits non participants(15), qui ne sont plus qu’au nombre de 23 dans la province en date de janvier 2023(16). Voilà qui restreint considérablement l’intérêt pour les assureurs d’offrir une telle couverture et explique pourquoi un marché d’assurance maladie duplicative ne s’est pas développé au Québec, même pour ces trois opérations.

Il y a toutefois une possibilité d’élargir cette courte liste, puisque selon l’article 15.1 de la LAM, le gouvernement a le pouvoir d’inclure d’autres actes médicaux s’il le souhaite(17). En réalité, la prohibition pourrait aussi tout simplement être levée, car la Loi canadienne sur la santé (LCS) n’interdit pas comme telle l’assurance maladie privée duplicative(18). Autrement dit, la LCS n’empêche pas les provinces d’introduire des réformes qui permettraient l’émergence d’un marché d’assurance privée pour des services déjà inclus dans leurs régimes publics d’assurance maladie. Les provinces qui ont choisi d’instaurer des dispositions législatives interdisant l’achat d’une assurance duplicative vont en fait au-delà de ce que la LCS exige. Le Québec, lui, le fait en invoquant que de telles mesures seraient nécessaires pour maintenir l’intégrité du système de santé et « pour garantir que la quasi-totalité des ressources en santé existant au Québec soient à la disposition de l’ensemble de la population québécoise(19) ».

Les obstacles à l’assurance maladie duplicative

Le Québec et les autres provinces qui empêchent l’émergence d’un marché pour l’assurance maladie duplicative sont parmi les derniers du monde industrialisé à le faire. Et ils persistent malgré des cas de jurisprudence, comme l’affaire Chaoulli, qui ont remis en question la constitutionnalité de cette interdiction.

La Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador n’interdisent pas formellement aux compagnies d’assurance d’offrir une assurance maladie privée duplicative(20) (voir le Tableau 1). Il s’agit également d’une pratique bien établie dans plusieurs pays à haut revenu de l’OCDE dotés d’un système de santé public et universel.

Dans ces quatre provinces, les patients des médecins non participants ont le droit de substituer la couverture privée à la couverture publique. Cependant, malgré les longues listes d’attente(21) (voir la Figure 2), le marché de l’assurance maladie duplicative dans ces quatre provinces ne s’est pas non plus développé, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il existe d’autres obstacles réglementaires qui limitent la possibilité pour la population d’utiliser une assurance duplicative, notamment l’interdiction touchant à la facturation libre et à la prohibition de la pratique mixte. En effet, en Nouvelle-Écosse, les médecins non participants peuvent seulement facturer à leurs patients un montant égal ou inférieur à celui que le médecin recevrait du régime public, sans quoi c’est illégal(22). Il n’y a donc pas d’incitation financière, pour les médecins de la Nouvelle-Écosse, à pratiquer dans le secteur privé.

Le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan, quant à eux, permettent aux médecins de facturer aux patients un montant supérieur à ce qu’ils recevraient dans le système public. Les patients peuvent ensuite utiliser une assurance privée duplicative comme mode de paiement pour couvrir en totalité ou en partie les coûts des services rendus par des médecins non participants, peu importe le montant de la facture. Ainsi, les médecins de trois des dix provinces canadiennes peuvent facturer les honoraires qu’ils souhaitent, ce qui crée un environnement de pratique médicale plus propice au secteur privé et au développement d’un marché d’assurance maladie duplicative.

Malgré cette plus grande liberté de facturation, ces trois provinces connaissent d’autres obstacles réglementaires qui entravent le développement du marché des assurances duplicatives, nommément l’interdiction touchant la pratique mixte. Six des dix provinces ont inclus dans leurs textes législatifs une interdiction aux médecins d’être rémunérés à la fois par des fonds publics et privés pour des soins couverts par le régime provincial(23). Il s’agit d’un frein au développement de la médecine privée : les cliniques privées ne peuvent pas recruter de médecins (participants ou non) à temps partiel, puisque les médecins participants ne peuvent recourir à la pratique privée sans se retirer en premier lieu formellement du système public. L’interdiction de la pratique mixte restreint par le fait même le développement d’un marché d’assurance duplicative en limitant le potentiel d’offre de service et en réduisant le nombre de médecins pouvant accepter une telle assurance comme mode de paiement.

Puisque l’interdiction de la pratique mixte existe également au Québec, si ce dernier devait lever les interdictions qui touchent actuellement l’assurance maladie privée duplicative, les polices souscrites auprès d’assureurs ne pourraient tout de même couvrir que des services offerts par des médecins non participants.

Outre les aspects réglementaires, une autre raison qui pourrait expliquer pourquoi un marché d’assurance maladie duplicative ne s’est pas développé en Saskatchewan est que depuis 2010(24), le gouvernement provincial subventionne couramment des chirurgies déléguées au secteur privé afin de réduire les listes d’attente et la pression sur les hôpitaux publics. Ainsi, au moment de recevoir les soins dont il a besoin, un patient pourrait être envoyé dans un hôpital public ou dans une clinique privée spécialisée, sans frais additionnels. Cette façon de faire, bénéfique tant pour le patient que pour les contribuables étant donné que les opérations réalisées dans des cliniques privées coûtent jusqu’à 45 %(25) moins cher que dans les établissements publics, réduit le besoin de se procurer une assurance maladie duplicative. Les patients sont donc potentiellement déjà satisfaits du temps d’attente, et les compagnies d’assurance ne voient alors pas l’intérêt d’offrir un produit qui viendrait concurrencer la couverture gouvernementale en situation de (quasi) monopole.

Enfin, il y a des raisons démographiques qui peuvent expliquer cette absence. En effet, le nombre d’habitants dans ces provinces n’est peut-être pas suffisant pour qu’une compagnie d’assurance considère le marché comme intéressant et veuille offrir une telle couverture. Même si 45 % de la population de chacune de ces provinces souhaitait souscrire une assurance maladie duplicative, soit un taux équivalent à celui qu’on retrouve en Australie, pays avec le plus haut taux de souscription à une telle assurance parmi les pays de l’OCDE(26), cela ne représenterait ici que 1,5 million de personnes(27), comparativement à plus de 11 millions de personnes en Australie(28).

Même si certaines circonstances découragent le développement d’un marché de l’assurance maladie duplicative dans les provinces qui ne l’interdisent pas, les autres provinces devraient suivre leur exemple en permettant qu’un tel marché se développe un jour. L’absence de l’interdiction dans les quatre provinces nommées précédemment joue effectivement un rôle important en laissant la liberté à l’assurance duplicative d’émerger un jour si la situation des soins dans le système public se détériore ou si les préférences individuelles en matière de soins changent et le justifient.

Le Québec en particulier aurait intérêt à lever la prohibition étant donné ses longues listes d’attente, qui ne se sont pas améliorées dans les dernières années. N’oublions pas que la décision Chaoulli a établi que ces listes d’attente mettaient en danger le bien-être des patients.

Outre-mer, on retrouve bon nombre de pays dotés d’un système de santé public et universel qui n’interdisent pas l’achat ou la vente d’assurance maladie duplicative, dont la Suède, l’Irlande, le Portugal, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark et l’Australie(29). L’Australie est un exemple particulièrement pertinent pour le Québec puisque ce pays a introduit des mesures visant à inciter sa population à souscrire une telle assurance.

Le cas australien est un exemple à suivre

L’assurance maladie duplicative est permise en Australie depuis les années 1970(30). En septembre 2022, 45 % des Australiens possédaient une assurance maladie duplicative(31), et selon un sondage de 2021, la population australienne se montrait plutôt satisfaite (73,7 %) de sa couverture d’assurance(32).

S’il est vrai que la proportion d’Australiens possédant une assurance maladie duplicative est aujourd’hui élevée, ça n’a pas toujours été le cas. Cette proportion a décliné pendant plusieurs années, principalement en raison de l’introduction de Medicare(33), avant que le taux d’inscription ne connaisse une croissance à partir de 1999 (voir la Figure 3). C’est à ce moment que le gouvernement a mis en place presque simultanément trois mesures visant à soit alléger le montant des primes à verser pour les assurés à court et à long terme, soit à simplement inciter certains groupes d’individus à souscrire une assurance maladie duplicative(34).

La première mesure est un rabais pouvant atteindre jusqu’à 32,8 %(35) du coût de la prime d’une police d’assurance maladie duplicative, une dépense fiscale atteignant plus de 6,7 milliards de dollars en 2021-2022(36). Le citoyen qui se procure une telle assurance se fait rembourser une partie du coût de la prime soit par l’intermédiaire de l’assureur, qui appliquera le rabais directement, ou par l’entremise d’un crédit d’impôt remboursable. Le montant du rabais que recevra l’assuré dépend de son âge, de son statut conjugal et de son revenu.

La deuxième mesure vise à encourager les plus jeunes à souscrire et à conserver une assurance maladie duplicative. Les personnes qui souscrivent une assurance maladie au début de leur vie d’adulte éviteront de payer une surcharge annuelle de 2 % pendant 10 ans à partir de l’âge de 31 ans(37).

La dernière mesure incitative est une surtaxe prélevée chez les individus ayant un revenu imposable supérieur à 90 000 $ pour une personne seule ou à 180 000 $ pour les familles(38) qui n’ont pas de police d’assurance maladie duplicative. Il s’agit du prélèvement d’une surtaxe variant entre 1 % et 1,5 % du revenu imposable qui sert ensuite à financer les soins de santé fournis par le gouvernement(39). Outre cette surtaxe, les assurances privées duplicatives offertes à la population australienne contribuent également au financement des activités du système de santé. En fait, pendant les dix dernières années, les assureurs privés représentaient en moyenne 8,3 % des dépenses totales en santé en Australie, soit 18 milliards de dollars en 2020-2021(40). Le marché des assurances duplicatives est donc un moyen d’augmenter les ressources financières globales consacrées au système de santé sans recourir aux deniers publics.

Les mesures prises par l’Australie indiquent sans ambiguïté que les décideurs politiques ont su reconnaître la contribution importante du secteur privé dans le système de santé. En fait, le soutien à l’assurance privée perdure depuis les années 1990, alors que le gouvernement nouvellement élu avait dit « [qu’il] percevait le secteur privé comme un complément vital à la viabilité à long terme de Medicare et du système hospitalier public(41). » Aujourd’hui, la population australienne abonde toujours dans le même sens, puisque 56 % des citoyens croient que le système de santé public ne serait pas en mesure de répondre à la demande supplémentaire si le système de santé privé était aboli, et ce, même si le financement actuellement accordé à celui-ci était transféré au secteur géré par le gouvernement(42). L’opinion populaire est appuyée par une étude qui a conclu que les mesures incitatives ont effectivement réduit la pression sur le système de santé public. Une part importante des patients (15 %) a été réorientée du secteur public vers le secteur privé en raison de l’adhésion à une assurance maladie duplicative(43).

Les politiques que le gouvernement a choisi de mettre en place assurent une équité d’accessibilité puisqu’elles permettent aux Australiens de la classe moyenne de se procurer une assurance duplicative, ce qui fait en sorte que ce n’est pas un produit réservé aux plus nantis.

Conclusions et recommandations

Alors que les décideurs politiques s’apprêtent à mettre en œuvre leur plan de réforme du système de santé québécois, un élément incontournable demeure absent : la levée de l’interdiction touchant la vente de contrats d’assurance maladie duplicative.

Toutefois, comme l’illustre la situation en Saskatchewan, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador, la simple levée de cette interdiction ne suffira pas pour qu’un marché d’assurance maladie duplicative se développe. Il faut également instaurer un environnement réglementaire qui rend la vente et l’achat d’une telle assurance attrayante, c’est-à-dire lever d’autres obstacles au développement du marché, tels que l’interdiction de la pratique mixte. Cela agrandirait le bassin de médecins pouvant accepter une assurance maladie duplicative comme mode de paiement ainsi que le nombre de cliniques où les patients pourraient utiliser leur police d’assurance, puisqu’un tel mode de paiement ne serait plus réservé aux CMS non participants.

En d’autres mots, il faut restructurer le réseau de soins de santé de façon à introduire une concurrence entre les fournisseurs de soins et réduire le pouvoir monopolistique que possède actuellement le gouvernement, sans quoi un système de santé parallèle ne pourra pas se développer et les Québécois ne connaîtront peut-être jamais un véritable élargissement de l’offre de soins de santé ni une amélioration de l’accessibilité des soins.

Dans l’éventualité d’une levée de l’interdiction, pour rendre plus accessible l’assurance maladie duplicative et inciter les citoyens à s’en procurer une, il sera incontournable d’en rendre l’achat déductible d’impôt, comme l’a fait l’Australie, ou bien de rendre déductibles d’impôt les dépenses d’entreprises consacrées à l’achat de telles polices d’assurance pour leurs employés. Autrement, ces types d’assurance demeureront seulement accessibles à une petite tranche de la population, ce qui découragera le développement d’un marché concurrentiel.

Enfin, comme l’a montré le cas Chaoulli, dans un contexte où persiste une incapacité récurrente du système public à livrer des soins médicalement requis à l’intérieur d’un délai raisonnable, interdire l’assurance maladie privée duplicative met en péril la santé physique et mentale de la population. Qui plus est, ces limitations briment la liberté de choix du patient et la liberté contractuelle des Québécois. Il est donc grand temps de livrer à la population québécoise un système de santé qui répond à ses besoins en lui permettant de souscrire une assurance maladie duplicative, comme l’ont fait tant d’autres pays industrialisés de l’OCDE.

Références

  1. Il s’agit ici de soins non-hospitaliers, c’est-à-dire des interventions qui ne nécessitent pas de passer au moins une nuit dans la clinique. Pour les soins hospitaliers, même les paiements en espèce sont interdits (voir « Réformes de la santé: Jusqu’où peut-on étirer l’élastique? », IEDM, avril 2003).
  2. Les médecins non participants ne peuvent pas être rémunérés par la RAMQ. Ce sont leurs patients qui les payent pour les soins qu’ils prodiguent. Régie de l’assurance maladie du Québec, Liste des professionnels de la santé non participants ou désengagés au régime de l’assurance maladie du Québec avec adresse de pratique au Québec, consultée le 11 janvier 2023.
  3. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Accès aux services médicaux spécialisés, Sommaire en attente, consulté le 11 janvier 2023.
  4. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Historique de la liste d’attente SIMASS au 31 mars par code de regroupement – 2011 à 2022. Données obtenues à la suite d’une demande d’accès à l’information.
  5. Gouvernement du Québec. Thésaurus de l’activité gouvernementale – chirurgie d’un jour, 2022.
  6. Mackenzie Moir et Bacchus Barua, Waiting Your Turn, Wait Times for Health Care in Canada, 2021 Report, Institut Fraser, 2021, p. iii.
  7. Pour la chirurgie de la cataracte, le délai recommandé est de 16 semaines. Pour une arthroplastie de la hanche ou du genou, c’est 26 semaines. Institut canadien d’information sur la santé, Les temps d’attente pour les interventions prioritaires au Canada, consulté le 22 juin 2022.
  8. Geneviève Pettersen, « Victime du délestage, il siphonne ses économies », Le Journal de Montréal, 18 février 2022.
  9. Marie-Claude Prémont, « L’affaire Chaoulli et le système de santé du Québec : cherchez l’erreur, cherchez la raison », Revue de droit de McGill, vol. 51, 2006, p. 173.
  10. Idem.
  11. Idem.
  12. Ibid., p. 175.
  13. Cour suprême du Canada, Chaoulli c. Québec, 2005, p. 854.
  14. Ibid., p. 833.
  15. Des CMS non participants sont des cliniques spécialisées où exercent exclusivement des médecins qui ne participent pas au régime d’assurance maladie du Québec.
  16. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Professionnels, Permis, Obtention d’un permis de centre médical spécialisé (CMS), Liste des centres médicaux spécialisés ayant reçu un permis, consultée le 11 janvier 2023.
  17. Gouvernement du Québec, Loi sur l’assurance maladie, article 15.1, p. 18.
  18. Bacchus Barua, Jason Clemens et Taylor Jackson, Health Care Reform Options for Alberta, Institut Fraser, 2019, p. 24.
  19. Marie-Claude Prémont, op. cit., note 9, p. 174.
  20. Bruno Gagnon, The Chaoulli case and its impacts on public and private health insurance, Canadian Institute of Actuaries, 2018, p. 2.
  21. Institut canadien d’information sur la santé, Explorez les temps d’attente pour les interventions prioritaires au Canada, Tableaux de données, consulté le 22 juin 2022.
  22. Colleen M. Flood et Tom Archibald, « The illegality of private health care in Canada », Canadian Medical Association Journal, vol. 164, no 6, mars 2001, p. 828.
  23. Ibid., p. 826.
  24. Jeremy Simes, « Saskatchewan’s private surgery savings questioned », Regina-Leader Post, 22 avril 2022.
  25. Idem.
  26. Francesca Colombo et Nicole Tapay, « Private Health Insurance in Australia: A Case Study », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, no 8, octobre 2003, p. 9-10.
  27. Calcul de l’auteure. Statistique Canada, Tableau 17-10-0009-01 : Estimations de la population, trimestrielles, 2022.
  28. Gouvernement de l’Australie, APRA, Data and statistics, Quarterly private health insurance statistics, consulté le 11 janvier 2023.
  29. Institut Fraser, Canadian health policy compared to other countries with universal care, consulté le 7 juin 2022; Irfan Dhalla, « Private Health Insurance: An International Overview and Considerations for Canada », Longwoods Review, vol. 5, no 3, 2007, p. 92.
  30. Francesca Colombo et Nicole Tapay, op. cit., note 26, p. 11.
  31. Gouvernement de l’Australie, op. cit., note 28.
  32. Martina Dolan, « Private Health Insurance in Australia Consumer Satisfaction Survey », About Health Transparency, 18 mars 2021.
  33. Medicare est le régime d’assurance maladie universel financé par l’État en Australie, géré par le département de la sécurité sociale du pays. Medicare est le principal moyen pour les citoyens australiens et les résidents permanents d’accéder à la plupart des services de santé en Australie.
  34. Francesca Colombo et Nicole Tapay, op. cit., note 26, p. 11.
  35. Gouvernement de l’Australie, Australian Taxation Office, Individuals, Medicare and private health insurance, Private health insurance plans, Income thresholds and rates for the private health insurance rebate, consulté le 9 juin 2022.
  36. Gouvernement de l’Australie, Budget Strategy and Outlook, Budget Paper No. 1, 2021-22, mai 2021, p. 172.
  37. Gouvernement de l’Australie, Australian Taxation Office, Individuals, Medicare and private health insurance, Private health insurance rebate, Lifetime health cover, consulté le 7 juillet 2022.
  38. Gouvernement de l’Australie, Australian Taxation Office, Individuals, Medicare and private health insurance, Medical levy surcharge, consulté le 9 juin 2022.
  39. Idem.
  40. Gouvernement de l’Australie, Australian Institute of Health and Welfare, Health Expenditure Australia 2020-21, dernière mise à jour le 23 novembre 2022, p. 34.
  41. Stephen Duckett et Kristina Nemet, The history and purposes of private health insurance, Grattan Institute, juillet 2019, p. 18.
  42. CHF Australia’s Health Panel, Results of Australia’s Health Panel survey on the private healthcare system, octobre 2021, p. 14.
  43. Agnes E. Walker et al., « Public policy and private health insurance: distributional impact on public and private hospital usage », Australian Health Review, vol. 31, no. 2, mai 2007, p. 1.

28 janvier, 2023

Le piège de la spirale inflationniste

 Par Jean-Luc Ginder.

Nombreux sont ceux qui essaient de comprendre le sens du mot inflation.

L’inflation va-t-elle impacter notre façon de vivre ? Représente-t-elle un danger ? Les solutions existent-elles ? Est-il judicieux d’être résilient ou d’être résistant ?

Il semble évident que cette crise touche d’abord les populations les plus fragilisées et nous sommes face à une situation pour laquelle nous nous devons de trouver des solutions.

Le pourcentage de la dette mondiale par rapport au PIB est passé de 200 % en 1999 à 350 % en 2021.

Il nous faut admettre que de nombreux du monde sont impactés et par ce fait tous les repères économiques sont bouleversés. Cela signifie que les réflexes acquis, l’expérience et toutes les théories économiques doivent être oubliés.

 

Inflation conjoncturelle ou structurelle ?

La grande et unique question est la suivante : cette inflation est-elle conjoncturelle ou structurelle ?

L’hypothèse rassurante consisterait à croire que son origine se trouverait dans les mesures adoptées suite à la crise sanitaire conjuguées aux conséquences des mesures prises dans le cadre de la guerre en Ukraine et qui a entraîné une hausse du prix de l’énergie. Nous aurions dans ce cas à faire face à une inflation conjoncturelle.

L’inflation provient d’un décalage entre la masse monétaire et la réalité de la richesse échangée. Un bien ou service acheté devrait correspondre à une vraie valeur, c’est une reconnaissance de dette.

Dans les faits, nous avons un profond problème de lien entre : monnaie – richesse – PIB – masse monétaire mondiale.

Cela signifie que s’il y a problème monétaire c’est sur base de l’émission de la dette mondiale. En clair : par rapport à la richesse mondiale nous avons un niveau de dette trop élevé. Au moment de l’écriture de ce texte la situtation est de 92/350 (92 000 milliards de PIB mondial et 350 000 milliards de dette mondiale).

 

Trop de dette par rapport à la richesse créée

Vu sous cet angle l’inflation que nous découvrons et ressentons n’est en rien conjoncturelle mais bien structurelle, car la monnaie en circulation ne trouve plus de réalité économique sur laquelle elle peut se positionner.

Cela a créé une bulle.

L’inflation est alimentée par la hausse du prix de l’énergie et des taux d’intérêts.

Autant la reprise économique après la crise liée au covid a été saluée autant elle a créé de la pénurie, créant l’augmentation des prix, qui est le point de basculement d’un monde économiquement structuré dans un monde de pénurie soutenu par un choc externe au travers de la perte de la valeur de la monnaie.

Ajouté à ce choc se greffe celui de la pénurie alimentaire, choc sur les matières premières alimentaires celui du choc des mesures dans le cadre de la guerre, celui du choc des mesures prises dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

La hausse des prix alimentaires et celle des prix de l’énergie sont redoutables car elles impactent en temps réel la population aux revenus modestes. Le phénomène inflationniste est perçu violemment. Cela signifie clairement que nous entrons dans la boucle inflationniste prix-salaires.

Concrètement nous avons une perte du pouvoir d’achat de tous les salariés, il n’est d’autre réponse possible que l’augmentation des salaires.

Mais si tous les salaires augmentent, le coût de toutes les productions augmente. L’augmentation des salaires permettra de maintenir le pouvoir d’achat sur un temps court mais risque, et très vite, d’être insuffisante. Les salariés vont acheter des produits dont les prix montent car ces mêmes produits proviennent du travail des salariés dont les salaires ont augmenté…

 

Une spirale inflationniste

Voilà pourquoi déjà l’inflation est incontrôlable et voilà pourquoi déjà nous sommes pris dans la spirale inflationniste.

Ce choc s’accélèrera au travers de l’augmentation du prix de l’énergie, que l’on constate lors du plein de la voiture, prix du gaz, prix de l’électricité et des prix alimentaires. L’impact de l’inflation lancée à pleine vitesse peut d’ici quelques mois amener la famine. Que la guerre en Ukraine s’arrête ou pas l’inflation restera et s’accélèrera.

Tous ces chocs économiques mis bout à bout alimentent l’inflation, alimentant le processus de pénurie, alimentant le processus d’augmentation des prix et donc accélérant la spirale inflationniste du fait de la problématique salaire.

Se pose parallèlement à ce phénomène, la fausse impression de plein emploi en France, rareté de la main-d’œuvre perceptible. C’est à ce niveau que vont se déclencher les problèmes sociaux. Un grand nombre de Français ne trouvent pas ou ne trouveront pas d’emploi et donc pas de situation stable pour pouvoir exister et nourrir leur famille. Ils seront contraints de ne pouvoir compter que sur le soutien de l’État. Ou sur eux-mêmes.

Clairement les propositions d’emplois vont diminuer, les licenciements s’intensifier. Augmenter les salaires alimente d’inflation !

La situation économique actuelle est impossible à tenir et il n’y a plus de remèdes connus. Nous allons entrer dans une situation très compliquée à gérer. Le risque social est dans tous les cas à son niveau le plus élevé. Le danger est aussi présent au niveau de notre épargne personnelle et de l’investissement donc du rentier et du retraité.

 

La stagflation n’est pas loin

Nous voici à la porte de la stagflation, situation particulière et douloureuse humainement.

Voici pourquoi le problème des faibles revenus et de l’endettement de l’État doit être résolu par la banque centrale européenne afin de maintenir coûte que coûte le pouvoir d’achat des Français les plus exposés. Il est donc vital pour l’économie d’augmenter les taux d’intérêts pour ne pas faire disparaître l’épargne et ne pas casser le mécanisme d’investissement.

À nous de penser autrement, de repenser vite et bien et d’apporter des structures libérées de modèles et croyances qui ont vécu. Loin des peurs, des rigidités. Avec espoir, humanité.

27 janvier, 2023

20 citations de Margaret Thatcher sur le socialisme

Par Lawrence Reed.


Un article de The Foundation for Economic Education

Cet automne marquera le trentième anniversaire du départ du 10 Downing Street de Margaret Thatcher, première femme à la tête du gouvernement britannique et Premier ministre qui sera resté le plus longtemps à ce poste au XXe siècle. Quels mandats stupéfiants !

 

De la dépendance à l’autonomie

En 1979, la Dame de fer est devenue Premier ministre d’un pays tourmenté par des conflits sociaux, bloqué par la stagflation et ruiné par des décennies d’État-nounou. La Grande-Bretagne se débattait sur tous les fronts et était l’homme malade de l’Europe.

Pour l’essentiel, Thatcher n’a pas proposé de résoudre les grands problèmes par de petits ajustements comme le suggéraient certains politiciens peureux ou manquant de conviction. Elle s’est mise en campagne, selon ses propres mots, pour faire « reculer les frontières de l’État ». Elle voulait relancer le pays en rétablissant une culture d’entrepreneuriat et de respect de la propriété privée. Elle a rappelé ces objectifs à la nation au cours du deuxième de ses trois mandats, lorsqu’elle a déclaré :

Je suis arrivée au pouvoir avec une intention délibérée : faire passer la société britannique de la dépendance à l’autonomie – d’une nation de quémandeurs à une nation d’entrepreneurs. Une Angleterre qui se lève et agit, plutôt que se rasseoir en attendant que d’autres agissent.

Femme de convictions, elle pensait que des dirigeants sans principes méritaient de tomber car ils étaient trop peureux pour défendre leurs idées. Elle préférait faire ce qu’elle pensait être juste plutôt que ce qui était politiquement acceptable, comme elle l’a montré dans cette réflexion bien connue :

Pour moi, le consensus semble être la voie de l’abandon de toutes les convictions, principes, valeurs et politiques et la poursuite de quelque chose en quoi personne ne croit, mais auquel personne ne s’oppose.

Lors d’une réunion politique mémorable, elle a sorti de son sac un exemplaire de La constitution de la liberté de F.A. Hayek et l’a jeté sur la table en déclarant : « Voilà ce en quoi nous croyons ! ». Une autre fois elle fait remarquer que « les marxistes se lèvent tôt le matin pour faire avancer leur cause. Nous devons nous lever encore plus tôt pour défendre notre liberté. »

Elle a défié les idées reçues au sujet du plafond de verre auquel les femmes étaient confrontées dans le monde politique britannique. Et elle comprenait les difficultés rencontrées par les gens ordinaires, expliquant lors d’une interview :

J’ai débuté dans la vie avec deux grands avantages : pas d’argent et de bons parents.

 

Avec Margaret Thatcher : déréglementation et progrès

En commençant dans la douleur, sa politique a arraché le pays à son apathie pour l’amener dans une nouvelle ère de progrès et de confiance. Ses onze années à la tête du pays ont prouvé qu’un programme énergique de privatisation, de déréglementation et de réduction d’impôts est un antidote efficace au collectivisme désastreux.

Elle était de plus en plus sceptique envers l’Union européenne, en partie à cause des penchants de celle-ci pour la bureaucratie et la réglementation, en partie à cause des tentatives de gommer les particularités de chacun des pays.

Thatcher est décédée en 2013 mais si elle avait vécu sept ans de plus elle aurait probablement applaudi le Brexit qui a finalement eu lieu le mois dernier. Elle a déclaré à la Chambre des communes en 1991 :

Notre souveraineté ne vient pas de Bruxelles – elle nous appartient de plein droit et nous en sommes les héritiers.

Dans son livre de 2002, Statecraft: Strategies for a Changing World, elle déclare :

L’Europe, hormis au sens géographique, est une construction totalement artificielle. Cela n’a aucun sens d’agglomérer Beethoven et Debussy, Voltaire et Burke, Vermeer et Picasso, Notre Dame et St Paul, le bœuf bouilli et la bouillabaisse, et de les dépeindre comme les éléments d’une réalité musicale, philosophique, artistique, architecturale ou gastronomique européenne. Si l’Europe nous enchante, comme elle m’a si souvent enchantée, c’est précisément par ses contrastes et ses contradictions, et non par sa cohérence et sa continuité.

Elle n’était bien entendu pas parfaite et elle a fait des compromis lorsqu’elle a senti qu’il le fallait. Mais elle avait raison concernant une vision d’ensemble, en particulier à propos des vices du socialisme et des vertus de la liberté. Comme je l’ai écrit en 2013 lors de son décès dans l’hommage intitulé « Le mal des idées malsaines » :

Les socialistes l’ont détestée parce qu’elle les a affrontés, qu’elle a mis en doute leur compassion feinte, qu’elle a osé montrer l’étatisme comme la secte absurde et déshumanisante qu’elle est.

Elle a symboliquement arraché le gant de velours de la main de fer et elle a parlé du socialisme de l’État-providence comme d’un loup déguisé en agneau. Toutes choses que les adorateurs de l’État ne peuvent supporter.

Alors que se déroule cette année l’élection présidentielle en Amérique, je ne peux pas m’empêcher de me demander ce que Margaret Thatcher penserait de nos politiciens et de leurs promesses. Nul doute qu’elle critiquerait les mauvaises habitudes bipartisanes de Washington de dépense et d’endettement.

Je pense toutefois qu’elle conserverait un mépris particulier pour ces démagogues qui achètent des votes et se complaisent dans la lutte des classes et toutes les nuances de socialisme. Je la vois bien gronder Bernie Sanders en des termes comme : « Nous avons déjà essayé ce que vous prônez et cela a lamentablement échoué. Devenez adulte, trouvez-vous un vrai boulot pour changer et retenez les leçons de l’histoire et de l’économie ! »

 

Sa vision du socialisme

Vous n’avez pas besoin de me croire sur parole. Je vous propose ici certaines des citations les plus incisives de Margaret Thatcher au sujet du socialisme qui semble séduire tant d’Américains ces temps-ci. Elles s’étalent sur plusieurs décennies de sa vie publique.

1. « Il est bon de se souvenir comment nous avons conquis notre liberté dans ce pays – pas par de grandes campagnes abstraites, mais par le refus d’hommes et de femmes ordinaires de se faire prendre leur argent par l’État. Au début, des gens se sont alliés pour dire au gouvernement de l’époque : vous ne prendrez pas notre argent avant d’avoir réparé les préjudices qui nous sont faits. C’était leur argent, leur bien, qui était la source de leur indépendance vis-à-vis de l’administration. »

2. « La raison philosophique pour laquelle nous sommes contre les nationalisations et pour l’entreprise privée, c’est que nous croyons que le progrès économique vient de l’inventivité, des compétences, de la détermination et de l’esprit pionnier d’hommes et de femmes extraordinaires. S’ils ne peuvent pas mettre en pratique cet esprit ici, ils iront ailleurs dans un autre pays de libre entreprise qui progressera alors plus que nous sur le plan économique. Nous devrions plutôt encourager les petites entreprises et les petites sociétés parce que le degré d’innovation issue de ces entreprises est fantastique. »

3. « On m’a attaquée pour avoir mené un combat d’arrière-garde en défendant les intérêts de la classe moyenne… Eh bien si les valeurs de la classe moyenne sont d’encourager la diversité et le libre-arbitre, de mettre en place des incitations et de justes récompenses pour les compétences et le travail, de maintenir des barrières efficaces contre l’abus de pouvoir de l’État et de croire à l’accès le plus large à la propriété privée, alors ces valeurs sont bien celles que je tente de défendre. Ce n’est pas une lutte pour des privilèges, c’est une lutte pour la liberté – la liberté pour chaque citoyen ».

4. « Notre défi consiste à créer le contexte économique qui permet à l’initiative privée et à l’entreprise privée de s’épanouir au bénéfice du consommateur, du salarié, du retraité et de la société dans son ensemble… Je crois que nous devrions juger les individus selon leur mérite et non selon leur profil. Je crois que la personne prête à travailler le plus dur devrait en retirer les plus grands bénéfices et les conserver après impôt. Que nous devrions soutenir les travailleurs et pas les tire-au-flanc ; qu’il est non seulement permis mais louable de vouloir faire profiter votre propre famille de vos propres efforts. »

5.  « Je crois profondément – vraiment avec une foi fervente – aux vertus de l’autonomie et de l’indépendance de l’individu. C’est sur elles que se fonde la défense d’une société libre, par l’affirmation que le progrès humain s’obtient bien mieux en offrant l’espace le plus libre possible aux développements des talents individuels, ce qui est conditionné uniquement par le respect des qualités et de la liberté des autres… Pendant de nombreuses années il y a eu une érosion subtile des vertus essentielles de la société libre. L’autonomie a été moquée comme si c’était une prétention absurde de banlieusards. Économiser a été assimilé à de l’avarice. Le désir des parents de choisir et de se battre pour ce qu’ils considèrent eux-mêmes comme la meilleure éducation pour leur enfant a été méprisé. »

6.  « Je ne crois pas, malgré tout cela, que les gens de ce pays ont abandonné toute foi dans les qualités et les caractéristiques qui ont fait d’eux un grand peuple. Pas une seconde. Nous sommes toujours le même peuple. Tout ce qui s’est passé c’est que nous avons temporairement perdu confiance en nos propres forces. Nous avons perdu de vue les étendards. Les clairons ont sonné avec hésitation. Il est de notre devoir, de notre raison d’être, de brandir ces étendards, afin que tous puissent les voir, et de faire sonner les clairons fort et clair, afin que tous puissent les entendre. Ils rallieront tout simplement ceux qui s’y reconnaissent vraiment. »

7. « Je ne cesserai jamais de combattre. Je veux que ce pays survive, prospère et soit libre… Je n’ai pas combattu les forces destructrices du socialisme pendant plus de vingt ans pour m’arrêter maintenant, alors que la phase critique du combat nous arrive dessus. »

8. « Quelles sont donc les leçons que nous avons tirées des trente dernières années ? D’abord, que la poursuite de l’égalité en elle-même est un mirage. Ce qui est plus souhaitable et plus facile que la poursuite de l’égalité c’est la poursuite de l’égalité des chances. Et la chance ne veut rien dire sauf si elle inclut le droit d’être inégaux et la liberté d’être différents. Une des raisons pour lesquelles nous valorisons les individus c’est non parce qu’ils sont identiques, mais parce qu’ils sont tous différents. Je crois qu’il y a un dicton dans le Middle West : Ne coupez pas les coquelicots les plus hauts. Laissez-les grandir. Je dirais : laissez les enfants grandir et certains seront plus grands que les autres s’ils ont en eux-mêmes la capacité de le devenir. Car nous devons construire une société dans laquelle chaque citoyen peut développer tout son potentiel, à la fois pour son propre bénéfice et pour la société dans son ensemble, une société dans laquelle l’originalité, la compétence, l’énergie et l’économie sont récompensées, dans laquelle nous encourageons plutôt que nous ne  restreignons la variété et la richesse de la nature humaine. »

9. « Permettez-moi de vous donner ma vision. Le droit pour un homme de travailler comme il le veut, de dépenser ce qu’il gagne, de posséder des biens, d’avoir l’État à son service et non pas comme maître, telle est la tradition britannique. C’est l’essence d’une économie libre. Et de celle-ci dépendent tous nos autres libertés. »

10. « Certains socialistes semblent croire que les gens devraient être des numéros dans un ordinateur de l’administration. Nous croyons qu’ils devraient être des personnes. Nous sommes tous inégaux. Personne, grâce au ciel, n’est pareil à un autre, contrairement à ce que peuvent prétendre la plupart des socialistes. Nous croyons que chacun a le droit d’être différent mais pour nous chaque être humain est d’une importance égale. »

11. « Les socialistes nous disent que telle industrie génère des profits énormes et qu’ils ne devraient pas aller aux actionnaires – mais que le public devrait engranger les bénéfices. Des bénéfices ? Quels bénéfices ? Lorsque vous faites entrer dans le giron de l’État une industrie rentable, les bénéfices ont tôt fait de disparaitre. La poule aux œufs d’or fait la tête. Les poules d’État ne sont pas de grandes pondeuses. L’industrie de l’acier a été nationalisée il y a quelques années dans l’intérêt public – et pourtant le seul intérêt qui reste aux gens est d’assister au spectacle déprimant de leur argent jeté par les fenêtres au rythme de millions de livres par jour. »

12. « Il en est qui nous alertent non seulement au sujet de la menace venue de l’extérieur, mais aussi au sujet de quelque chose de plus insidieux, qu’on ne perçoit pas immédiatement, quelque chose qui n’est pas toujours intentionnel, qui se produit ici chez nous. Que nous montrent-ils ? Ils nous montrent l’expansion régulière et sans scrupule de l’État socialiste. Mais personne ne prétend que la majorité des socialistes est inspirée par autre chose que des idéaux humanitaires et de bonnes intentions. En même temps je pense que bien peu nieraient à présent qu’ils ont créé un monstre qu’ils ne peuvent contrôler. Inexorablement, l’État que les socialistes ont créé devient de plus en plus hasardeux quand il tente de dispenser une justice économique et sociale qu’il tente de dispenser, de plus en plus étouffant par ses effets sur les aspirations humaines et l’initiative, de plus en plus politiquement sélectif dans sa défense des droits des citoyens, de plus en plus gargantuesque dans son appétit – et de plus en plus désastreusement incompétent dans ses résultats.  Par-dessus tout, il représente une grave menace, quoique non intentionnelle, envers la liberté de ce pays, car il n’y pas de liberté lorsque l’État contrôle totalement l’économie. La liberté individuelle et la liberté économique sont inséparables. On ne peut pas avoir l’une sans l’autre. On ne peut pas perdre l’une sans perdre l’autre. »

13. « Une de nos principales et constantes priorités, lorsque nous serons revenus au pouvoir, sera de rétablir les libertés que les socialistes ont usurpées. Qu’ils sachent que ce n’est pas le rôle de l’État de posséder le plus possible de biens. Ce n’est pas le rôle de l’État de saisir tout ce qu’on lui laisse prendre. Ce n’est pas le rôle de l’État d’agir en dompteur, de faire claquer le fouet, de dicter le fardeau que nous devons tous porter ou de dire jusqu’où nous devons monter. Tout cela c’est la philosophie du socialisme. Nous la rejetons totalement car, même avec de bonnes intentions, elle mène dans une seule direction : l’érosion et finalement la destruction du mode de vie démocratique. »

14. « Il n’existe pas de socialisme sans danger. Si c’est sans danger ce n’est pas du socialisme. Et si c’est du socialisme ce n’est pas sans danger. Le chemin du socialisme nous entraîne vers le bas, vers moins de liberté, moins de prospérité, nous abaisse vers plus de confusion, plus d’échec. Si nous le suivons à destination, nous mènerons ce pays à la ruine. »

15. « La réussite économique du monde occidental est le produit de sa philosophie morale et de sa pratique. Les résultats économiques sont meilleurs car sa philosophie morale est supérieure. Elle est supérieure car elle part de la personne, avec sa singularité, sa responsabilité et sa capacité à choisir. C’est à coup sûr infiniment préférable à la philosophie socialiste-étatiste qui met en place un système économique centralisé auquel l’individu doit se conformer, qui le domine, qui le dirige et qui lui dénie le droit de choisir librement. Le choix est l’essence de l’éthique : s’il n’y avait pas de choix il n’y aurait pas d’éthique, pas de bien, pas de mal ; le bien et le mal n’ont de sens que dans la mesure où l’homme est libre de choisir. »

16. « Dans notre philosophie le sens de la vie de l’individu n’est pas d’être le serviteur de l’État et de ses objectifs, mais de tirer le meilleur parti de ses talents et de ses qualités. Le sentiment d’être autonome, de jouer un rôle dans la famille, de posséder des biens en propre, de tracer son propre chemin, font tous partie du bagage spirituel qui stabilise le citoyen responsable et qui fournit les assises solides depuis lesquelles les gens regardent autour d’eux pour voir ce qu’ils pourraient faire de plus, pour les autres et pour eux-mêmes. Voilà ce que nous appelons une société morale ; pas une société dans laquelle l’État est responsable de tout et personne n’est responsable de l’État. »

17. « Une fois que vous avez mis dans la tête des gens que tout peut être fait par l’État, et que c’est d’une certaine manière un pis-aller ou même dégradant de le laisser faire à des personnes privées, alors vous commencez à priver les êtres humains d’une des composantes essentielles de l’humanité – la responsabilité morale individuelle. Vous allez, de fait, tarir en eux la source de la gentillesse humaine. Si vous permettez aux gens de transférer toute leur responsabilité personnelle à l’État, le moment viendra – et c’est vraiment pour bientôt – où ce que le contribuable sera disposé à fournir pour le bien de l’humanité s’avèrera être beaucoup moins que ce que l’individu était disposé à donner par amour pour son prochain. Alors ne soyez pas tentés de confondre la vertu avec le collectivisme. Je me demande si les services de l’État auraient fait autant pour l’homme tombé dans le fossé que ce que le bon samaritain a fait pour lui ? »

18. « Le capitalisme populaire, qui est l’expression économique de la liberté, se révèle être un moyen bien plus séduisant pour diffuser le pouvoir dans notre société.  Les socialistes crient « le pouvoir au peuple » et lèvent le poing serré en disant cela.  Nous savons tous ce que cela signifie vraiment – le pouvoir sur le peuple, le pouvoir à l’État. Pour nous les conservateurs, le capitalisme populaire ne ment pas : le pouvoir par la propriété à l’homme et la femme de la rue, donné avec confiance et la main ouverte. »

19. « Je pense que nous avons traversé une période où trop d’enfants et d’adultes  ont été bercé de « j’ai un problème, c’est le boulot de l’administration de s’en occuper ! » ou encore « j’ai un problème, je vais demander une aide pour y faire face ! Je suis à la rue, l’administration doit me loger ! »  Et donc ils se déchargent de leur problème sur la société et c’est qui, la société ? Cela n’existe pas ! Il n’y a que des individus hommes et femmes et des familles, l’État ne peut rien faire sans les gens et les gens s’occupent en priorité d’eux-mêmes. Il est de notre devoir de prendre soin de nous-mêmes et ensuite d’aider à prendre soin de notre voisin ; la vie est une affaire de réciprocité et les gens pensent beaucoup trop à leurs droits sans penser à leurs devoirs. La société, cela n’existe pas. Il existe une mosaïque vivante d’hommes et de femmes et de gens, et la beauté de cette mosaïque et la qualité de nos vies dépendent de combien chacun de nous est prêt à se prendre en charge, combien chacun de nous est prêt à regarder autour de lui pour aider par ses propres forces ceux qui sont dans le malheur. »

20. « Je suis partie en campagne pour détruire le socialisme parce que je sentais qu’il était en opposition avec le caractère du peuple. Nous avons été le premier pays au monde à faire reculer les frontières du socialisme, et ensuite à faire avancer les frontières de la liberté. Nous avons récupéré notre héritage ; nous le renouvelons et nous le prolongeons. »

Traduction par Contrepoints de Margaret Thatcher on Socialism: 20 of Her Best Quotes