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Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

31 mars, 2023

CATASTROPHISME CLIMATIQUE: LE DÉLIRE MANIPULATEUR DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU

António Guterres, secrétaire général de l’ONU, n’a épargné aucune grandiloquence à son auditoire à l’occasion de la présentation le 20 mars 2023 d’un énième rapport de synthèse sur l’état des connaissances climatiques par le GIEC. “The climate bomb is ticking !”. “Today’s IPCC report…  is a survival guide for humanity”. Rien que ça ! Guterres a exhorté les pays riches à accélérer leur course vers une société à émissions « Net Zéro », en fixant cet objectif à l’horizon 2040 plutôt que 2050.

Ce nouveau rapport du GIEC a, évidemment, fait l’objet de reprises empreintes de catastrophisme par de nombreux grands médias et par le gouvernement français sur le site officiel du ministère de l’Écologie. Si le GIEC le dit, si l’ONU le dit, il faut agir !

Le Net Zéro 2040 (ou 2050), une utopie économiquement et démocratiquement dangereuse

Or, que ce soit pour 2040 ou même 2050, l’atteinte du mythique “Net Zéro” est inenvisageable. Cet article s’en tiendra à l’examen de ce que cela signifierait pour l’Union européenne, mais les conclusions seraient valides pour tout autre pays développé.

“Net Zéro” est le niveau d’émissions qu’il ne faut pas dépasser pour rester en deçà de la capacité d’absorption de CO2 par les puits de carbone naturels de la Terre. Il est estimé par le GIEC autour de 2 t de CO2 par an et par habitant. La population de l’Union évoluant peu, autour de 450 millions, nous retiendrons que le Net Zéro correspond à environ 900 millions de tonnes annuelles de CO2[1] émises.

Ces émissions dépendent de la capacité qu’ont les économies de réduire la quantité d’énergie nécessaire pour générer un point de PIB, et la quantité de CO2 nécessaire pour produire une unité d’énergie. Cette dépendance entre facteurs est matérialisée par une formule intitulée « égalité de Kaya[2] », dont l’expression la plus simplifiée peut s’écrire :

Émissions de CO2 = intensité CO2 du PIB * PIB

L’égalité de Kaya est utile lorsque l’on veut comparer deux années, pour voir comment chaque facteur évolue  en fonction des autres. Autrement dit,

Variation (émissions) = variation (intensité CO2) * variation (PIB)

Voici comment a évolué l’intensité carbone de l’économie de l’Union européenne entre 1990 et 2019[3]:

AnnéePIB de l’UE
(En Tn USD constants base 2015)
Émissions de GES (en milliards de tonnes équivalent CO2)Intensité CO2 du PIB (en Kg par USD)
19909,054,190,462
201914,773,150,210
Évolution annuelle moyenne 1990-2019+1,7%-1%-2,7%

Notons que l’UE est de loin la zone géographique qui a le plus réduit son intensité carbone durant cette période.

Utilisons l’égalité de Kaya pour évaluer les résultats économiques de la mise en œuvre des suppliques de M. Guterres et de quelques autres scénarios.

Quelle serait la variation du PIB de l’UE entre 2020 et 2040 si nous n’émettions plus que 900Mt à cette date, tout en maintenant notre performance annuelle de réduction d’intensité carbone ?

Variation 2020-2040
(émissions)
Variation
(Intensité carbone)
Variation
(PIB)
Commentaire
X 0,285
(-71.5%)
X 0.58
(-42%)
X 0,49
(-51%)
Atteindre le Net Zéro en 2040 suppose de diviser le PIB de l’UE par 2, soit en moyenne 3.5% de décroissance par an !

Notons qu’il n’était guère plus réaliste d’espérer le Net zéro en 2050, le même calcul aboutissant à une baisse du PIB de « seulement » 36% sur 30 ans.

Ne pourrait-on cependant espérer améliorer le rythme de la décarbonation de notre économie en investissant massivement pour cela ? 
Hélas, même si nous réussissions, on ne sait par quel miracle, à doubler ce rythme à 5,4% par an, la variation de PIB calculée comme précédemment serait encore négative de 10%, soit 0,5% de décroissance annuelle.

Comment alors pourrait-on, dans une économie décroissante, financer les énormes investissements nécessaires à la décarbonation, tant en recherche et développement que pour leur déploiement ? ll en résulterait un appauvrissement dont les conséquences s’étendraient bien au-delà, à commencer par la faillite inévitable de nos états-providence surendettés, et l’explosion du nombre de ménages en très grande pauvreté.

De toute façon, dans une économie libre, la décroissance ne se décrète pas : les agents économiques continuent de faire prospérer leurs affaires bon an mal an. Réduire le PIB, quel qu’en soit le rythme, suppose des mesures coercitives majeures, interdisant à certains secteurs de produire et encadrant la consommation des ménages. Est-ce ce que veulent M. Guterres et ceux qui s’en inspirent ?

Différence climatique entre « Net Zéro 2040 » et un scénario « business as usual »: non mesurable

Quelle serait la réduction des émissions envisageable dans un scénario « business as usual » ? Si l’UE continue de croître au rythme antérieur (peu exaltant) de 1,7% par an et améliore son intensité carbone de 2,7% par an, on peut la situer à environ 20%. Serait-ce suffisant pour ne pas « dégrader » le climat mondial ?

Variation 2020-2040
(émissions)
Variation
(Intensité carbone)
Variation
(PIB)
Commentaire
X 0.81
(-19%)
X 0.58
(-42%)
X 1,40
(+40%)
La poursuite d’une politique “Business as usual” permet d’envisager environ 20% de réduction des émissions de l’UE d’ici 2040.

Le GIEC, dans son rapport AR6 de l’année passée, donne les éléments[4] permettant de calculer l’impact de différents scénarios sur les températures, en supposant bien sûr que son travail ne soit pas entaché de biais tendant à l’exagération.

Dans un scénario “business as usual”, les émissions de gaz à effet de serre (GES) cumulées de l’UE entre 2020 et 2040 seraient d’environ 56 Gt. Dans l’hypothèse où il serait possible d’obéir à l’injonction de M. Guterres, ces émissions tomberaient à 40 Gt pendant la même période. Quel serait l’impact d’une différence de 16 Gt sur la moyenne des températures mondiales ? Selon le GIEC, 1000 Gt émises aboutiraient à une augmentation des températures d’environ 0.45°C. L’impact climatique de 16 Gt en plus ou en moins représente donc… 7 millièmes de degré Celsius, moins d’un centième ! Autant dire que ce ne sera même pas mesurable. Rappelons que plus de 60% des émissions mondiales de GES seront le fait du continent asiatique d’ici 2030, contre 7% pour l’UE[5], et que selon toute probabilité, cette proportion augmentera d’ici à 2040.

Si Guterres dit n’importe quoi, que vaut la parole du GIEC ?

António Guterres exhorte donc les pays riches à saborder leurs économies pour un résultat climatique proche de zéro. Il est trop bien informé pour ne pas savoir tout cela. Son discours ultra-alarmiste et ses injonctions destructrices dirigées uniquement contre l’occident riche sont donc, à l’évidence, une manipulation grossière, dont les buts réels restent encore à élucider.

Le caractère grotesque des exagérations de M. Guterres, visant à provoquer une résonance médiatique anxiogène auprès des populations, doit conduire les gouvernements, les décideurs et le public à s’interroger sur la valeur réelle des synthèses du GIEC. Sont-elles réellement les résumés objectifs de l’état de la science qu’elles prétendent être ? Mais alors, pourquoi accompagner leurs publications de discours aussi ridiculement exagérés ?

[1] Nous considérons ici les émissions de tous les gaz à effets de serre, convertis en “équivalent CO2” selon les coefficients définis par le GIEC.

[2] Du nom de l’économiste qui l’a formalisée le premier.

[3] Source: https://ourworldindata.org/greenhouse-gas-emissions

[4] AR6 (2022), Sous-Groupe 1, résumé pour décideurs, page 28. https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM.pdf

[5] Tous ces points sont développés dans notre rapport “examen critique des politiques climatiques de l’Union Européenne”, https://fr.irefeurope.org/featured/article/les-politiques-climatiques-zero-emissions-nettes-de-lunion-europeenne-un-examen-critique/ 

30 mars, 2023

Carbon Capture & Storage

Ottawa vient de promettre 20 milliards de dollars pour la capture du carbone. Une arnaque pro-pétrolière. Alors en rappel, cet extraordinaire exposé australien:

https://youtu.be/MSZgoFyuHC8

Conjoncture : vers une récession en 2023 ?

 Par Philippe Lacoude.

Dans leur enquête biannuelle sur l’évolution de l’économie mondiale à court et à moyen terme, les économistes du FMI révisent la croissance de l’économie mondiale de 2,7 % à 2,9 % pour 2023.

Selon eux, cette relative embellie de 0,2 % au niveau mondial, par rapport à l’enquête précédente, aurait surtout lieu aux États-Unis (+0,4 %), en Allemagne (+0,4 %), en Italie (+0,8 %), en Chine (+0,8%) et en… Russie (+2,6 %).

Comme le rappelle ici Kristalina Georgieva, la directrice du FMI, il n’en reste pas moins qu’un tiers des économies mondiales seront bel et bien en récession.

 

La Chine

Le cas de la Chine est plus qu’incertain.

D’une part, la production industrielle des usines chinoises a diminué pour le troisième mois consécutif et au rythme le plus rapide en près de trois ans alors que les infections de Covid-19 se sont propagées dans les usines du pays (ici).

Les ports sont plus ou moins à l’arrêt. À Shanghai, de loin le premier port au monde, l’indice CAx – qui enregistre le remplissage des containers à l’entrée relativement à celui de ceux qui sortent d’un port – est à un niveau historique de 0,65 : aujourd’hui, il y a plus de containers pleins qui entrent à Shanghai qu’il n’en sort !

Fin 2020, le CAx à Shanghai était aux alentours de 0,10 signifiant que 10 fois plus de containers pleins quittaient le port qu’il n’en rentrait ! En d’autres termes, l’industrie chinoise tourne aujourd’hui à bas régime. Les grutiers font des piles de containers vides jusqu’à 7 étages !

D’autre part, l’immobilier, plombé par la hausse des taux d’intérêt, voit le prix des maisons chuter pour le septième mois consécutif dans 100 grandes villes, dans un contexte de surendettement généralisé : les constructeurs croulent sous les dettes alors même que les inventaires augmentent, ne trouvant plus d’acheteurs (ici).

À ceci s’ajoute le fait que les données économiques publiée par le Parti communiste chinois sont d’une qualité fort douteuse.

En conséquence, contrairement au FMI, il faudrait prendre la prévision d’une forte croissance chinoise de +5,2 % pour 2023 avec circonspection. Ceci d’autant plus que la prévision officielle du gouvernement communiste est en deçà de celle du FMI, à seulement 5,0 % !

Comme l’économie chinoise pèse 18 % de l’économie mondiale, si la prévision de croissance du FMI s’avère surestimée d’environ 1 %, – comme le pense la Banque mondiale –, la révision de la prévision de croissance de l’économie mondiale de 2,7 % à 2,9 % pour 2023 n’aurait même pas lieu d’être !

 

La Russie

La Russie ne représente qu’un dixième du poids de l’économie chinoise, ou encore 1,8 % de l’économie mondiale.

Autant dire que quelle que soit l’erreur de prévision de sa croissance, elle ne pèsera pas sur celle de l’ensemble du monde.

Néanmoins, nous pouvons là aussi nous étonner des chiffres du FMI : celui-ci estime que le PIB russe a reculé de seulement -2,2 % en 2022 alors même que la Banque mondiale évalue ce recul à -3,5 %.

Le FMI prévoit même que l’économie russe sera en croissance de +0,3 % en 2023, preuve que la production de tracteurs à tourelle a de l’avenir…

Plus prudente, la Banque mondiale table sur une récession de -3,3 % pour cette année.

Ceci est plus plausible dans la mesure où les sanctions des pays développés – Union européenne, États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Corée du Sud et Japon – ont mis l’économie russe dans une situation absolument désespérée.

 

Cycle économique

En plus de devoir anticiper à la fois l’issue de la guerre en Ukraine et la fin de l’épidémie de Covid-19 en Chine, une bonne prévision économique mondiale doit nécessairement anticiper le niveau de l’inflation à la fin de l’année.

En effet, la croissance réelle est en fait la croissance nominale moins le taux d’inflation.

Ce dernier est plus ou moins inconnu.

Comme nous l’avions vu dans un billet précédent, il dépend en effet principalement de la création monétaire de la banque centrale et, dans une moindre mesure, de la croissance réelle de la production et de la vitesse de circulation de la monnaie.

Or, la création monétaire de la banque centrale – qu’il s’agisse de la Réserve fédérale américaine (Fed) ou de la Banque centrale européenne (BCE) – dépend elle-même de la politique de taux d’intérêt menée par cette dernière.

Nous ne pouvons pas savoir à quel point les banques centrales remonteront les taux d’intérêt afin de limiter la création monétaire dans le but de mettre un frein à l’inflation.

S’il semble que l’inflation est en baisse, elle n’en reste pas moins bien au-dessus de la « normale », c’est-à-dire des objectifs des dirigeants de ces banques centrales – et il est possible qu’ils continuent d’augmenter les taux d’intérêt, plus lentement mais sûrement.

Il est un fait que les périodes de hausse des taux d’intérêt qui suivent des périodes inflationnistes où les taux étaient bas et la production de monnaie additionnelle élevée favorisent les ralentissements économiques (ici).

Dans la dernière période de forte inflation – au cours des années 1970 – les banques centrales augmentaient les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, et dès que celle-ci diminuait un peu, elles les baissaient à nouveau pour limiter le ralentissement économique et l’inflation repartait de plus belle (ici). Ceci a donné une suite de poussées d’inflation avec des pics toujours plus hauts.

Pour cette raison, dans ce contexte de luttes contre l’inflation créée pendant la pandémie, les croissances américaine et européenne sont plus qu’incertaines.

 

Les États-Unis

Aux États-Unis, le Conference Board, un institut de prévision indépendant, prévoit dans sa dernière note en date du 15 mars que la faiblesse économique s’intensifiera et se propagera plus largement dans l’ensemble de l’économie américaine au cours des prochains mois, entraînant une récession dès le présent trimestre.

Cette perspective est associée à une inflation persistante et à la politique belliciste de la Réserve fédérale. Il prévoit que la croissance du PIB réel ralentira à 0,3 % en 2023, puis rebondira à 1,6 % en 2024.

Selon l’Association nationale des économistes d’entreprise (NABE), après un premier semestre positif, l’économie américaine connaîtrait une récession en milieu d’année avec un lent redémarrage au quatrième trimestre.

Somme toute, un scénario assez similaire à la petite récession de l’an passé.

Ceci peut paraître étrange après les bons chiffres du quatrième trimestre 2022 mais ces derniers sont en trompe-l’œil : en effet, les 2,9 % de croissance annualisée sont pour partie dus à un accroissement de la dépense publique (+0,4 %), aux importations (+0,7 %) et surtout à l’accroissement des stocks (+1,5 %).

Les commentateurs qui ont fait l’exégèse de ces 2,9 % pensent-ils vraiment que les augmentations de la dépense publique et des stocks de produits invendus sont une bonne chose ? La comptabilité nationale est un art plein d’écueils si sa lecture ne repose pas sur de solides bases de théorie économique.

Sur le papier, les chiffres de l’emploi sont excellents. Le Bureau of Labor Statistics (BLS) a rapporté que le nombre de personnes s’inscrivant nouvellement au chômage est tombé à 186 000 par semaine, son plus bas niveau en neuf mois. Le taux de chômage demeure à 3,5 %, au plus bas depuis un demi-siècle. Et il y a environ 10,5 millions d’offres d’emploi insatisfaites.

Pour beaucoup d’observateurs, comme le keynésien Paul Krugman (ici), les rapports du BLS sont singuliers dans le sens où ils ne correspondent pas à ce qu’ils connaissent d’une économie entrant en récession.

Et pourtant, dans un contexte de forte inflation où les salaires évoluent à la hausse moins vite que le niveau général des prix, la main-d’œuvre devient de moins en moins chère. Les salaires – le prix du travail – baissent en termes réels.

S’il y a bien 10,5 millions d’offres d’emploi insatisfaites, elles le sont à des salaires réels qui sont donc de plus en plus bas à mesure que les prix montent…

Comme nous l’avions noté dans un précédent billeten 3 ans, la famille américaine moyenne avait enregistré un gain de 5003 dollars annuels entre l’entrée en fonction du président Trump et le début de la pandémie. Sous les présidents G. W. Bush et Obama, les gains de revenus réels du ménage médian avaient atteint 400 dollars et 1043 dollars, respectivement, en huit ans.

Tout ce progrès économique a été annulé par l’inflation. En fait, les salaires réels – c’est-à-dire ajustés pour l’inflation – sont au plus bas depuis 25 ans selon un récent rapport de la Fed.

On trouve donc aisément un emploi mais il est payé substantiellement moins que l’an dernier, si l’on tient compte de la hausse des prix (ici), comme il se doit.

D’ores et déjà, un grand nombre d’entreprises importantes ont été obligées de licencier en masse à cause de l’état de leurs affaires : dans les trois derniers mois, Microsoft a dû se séparer de 10 000 employés, Google de 12 000 employés, en plus de 10 000 chez Facebook et 18 000 chez Amazon (qui a enregistré ses premières pertes depuis 2014), sans compter au moins 4000 chez Twitter – au bord de la faillite lorsqu’Elon Musk l’a reprise.

Ce phénomène a déjà affecté 200 000 emplois dans tous les secteurs. Le marché de l’emploi ralentit. Même la radio publique, NPR, a annoncé une coupe de 10 % de ses effectifs à cause de l’effondrement des recettes publicitaires. La firme de conseil McKinsey, pourtant plus ou moins immune au cycle des affaires, compte réduire ses effectifs de 2000 collaborateurs.

Quelques voix discordantes parlent même d’une forte récession.

En particulier, l’immobilier semble être au début d’une récession qui sera pire que celle de 2008. En effet, la récente baisse des prix après les sommets de 2022 est plus forte que celle qui a suivi les sommets de 2006.

Les taux d’intérêts sur les prêts hypothécaires à 30 ans (ici), passés de 2,65 % à 7,08 % rendent les prix des maisons insoutenables. Les permis de construire s’effondrent.

À ceci s’ajoute le fait que les Américains ont 960 milliards d’encours de carte de crédit, en hausse de 18,5 % en seulement un an, alors même que les intérêts s’envolent ! À chaque hausse du taux d’intérêt de la Fed de 1 %, les Américains finissent par payer 6,8 milliards de dollars d’intérêts de plus en un an.

Les projets industriels financés par l’emprunt à des taux variables courts étaient peut-être profitables lorsque les taux étaient proches de 0 %. Mais, hélas, beaucoup d’entre eux deviennent insolvables du fait de la hausse des taux d’intérêts par la Fed.

Ceci est complètement familier pour les économistes qui étudient le cycle économique (123456) même si cela reste un mystère pour Paul Krugman.

En conséquence, les banques qui ont financé des projets obérés par la hausse des intérêts d’emprunt se retrouvent en grande difficultés financières : c’est pourquoi nous venons de vivre tour à tour la faillite spectaculaire de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank.

La première s’était séparée de sa Chief Risk Officer, il y a un an, pour la coquette et inexpliquée somme de 7 millions de dollars d’indemnités de départ. La banque consacrait de gros efforts aux causes marxistes post-modernes à la mode. Sans surprise, elle comptait le gouverneur démocrate parmi ses gros déposants. Il s’est d’ailleurs empressé de demander l’aide du président Biden pour la sauver…

La seconde comptait dans son conseil d’administration le démocrate Barney Frank, un ancien membre démocrate de la commission bancaire de la Chambre des représentants, qui a pourtant fait sa carrière de la lutte contre les banques. Il avait trouvé à la Signature Bank un « modèle économique qu’il aimait [car] la banque n’utilisait ni produits dérivés exotiques ni couvertures de défaillance [credit default swaps en anglais] ».

Hélas, sans ces produits de couverture, le passif d’une banque peut rapidement dépasser l’actif lors d’un changement brutal de la courbe des taux…

Les banques se servent des dépôts – nécessairement de court terme et très peu rémunérés – pour prêter à long terme sur 5 à 20 ans.

Dans la vaste majorité du temps, les taux à court terme sont bas et les taux à long terme sont plus hauts car ils représentent des engagements plus risqués et plus contraignants pour les prêteurs.

Mais lorsque les banques centrales remontent les taux courts, parfois au-dessus des taux longs, fixés par la loi de l’offre et de la demande sur les marchés, elles forcent les banques commerciales à emprunter à court terme à un taux élevé pour prêter à long terme à un taux moindre.

Pour peu que les dépôts baissent – comme dans le cas de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank – les pertes s’accumulent rapidement.

Or, il est un fait que l’ensemble des banques américaines les plus vulnérables ont perdu 1000 milliards de dépôts en seulement un an.

Comme l’explique si succinctement Elon Musk, pourquoi laisser son argent se dévaluer dans un compte courant lorsque l’inflation est à 10 % et les taux obligataires courts à 5 % ou plus ?

De plus, certains projets industriels financés par des emprunts à taux courts deviennent rapidement déficitaires. À l’actif, les bilans bancaires pourrissent. Le crédit se tarit…

Comme on peut le voir sur le graphique suivant, il n’y a jamais eu de période où les taux courts (ici, 2 ans) étaient supérieurs aux taux longs (ici, 10 ans) qui ne soit immédiatement suivie d’une récession :

 

À supposer que la Fed ne commence pas à rapidement baisser les taux d’intérêt – ce qui raviverait l’inflation – les problèmes bancaires et immobiliers vont ainsi continuer à persister.

Le futur pourrait donc donner raison à tous ces prévisionnistes privés qui sont moins optimistes que ceux du FMI et divergent d’au moins 1 %…

 

L’Europe

Le cas de l’Europe est similaire sinon exactement identique à celui des États-Unis et pour les mêmes raisons : l’argent du Covid-19 – souvent consacré à payer les individus à rester chez eux en se tournant les pouces – a coulé à flots et fini maintenant par créer de l’inflation.

Dans la zone euro, 23,6 % de la monnaie en circulation en janvier 2023 n’existait pas en janvier 2020. Cette création monétaire de 3079 milliards d’euros (!) en trois ans ne correspond bien évidemment à aucun accroissement proportionnel de la production réelle.

Selon le bulletin statistique de la BCE du 27 février 2023, les espèces en circulation ont augmenté de 2307 milliards d’euros, soit 25,7 % d’argent en plus, qui n’existait simplement pas en janvier 2020.

Les crédits aux États centraux de la zone euro ont augmenté de 1696 milliards d’euros depuis janvier 2020 : la pandémie a été le prétexte de toutes les gabegies.

Dans un tel contexte, il est en fait étonnant que l’inflation ne soit pas considérablement plus forte et il est fort à parier que l’inflation continuera pendant encore plusieurs mois avant que toute cette fausse monnaie soit absorbée par des prix plus élevés.

Sûrement, les efforts de la BCE pour restreindre le crédit porteront exactement les mêmes fruits qu’aux États-Unis : les dépôts bancaires baisseront, les banques devront emprunter à un taux court supérieur à celui auquel elles prêtent à long terme, de nombreux projets industriels deviendront insolvables ce qui aggravera d’autant les bilans bancaires.

S’il existe vraiment 186 banques en difficulté aux États-Unis, il est probable que de nombreuses banques européennes n’ont pas plus couvert leur potentiel écart de duration que Silicon Valley Bank et Signature Bank.

À ce sujet, le cas du Crédit Suisse, forcé à la vente par le gouvernement fédéral suisse, est un cas intéressant. En effet, la Suisse n’est pas à l’abri des faillites bancaires malgré une très bonne gestion monétaire, peu d’augmentation de la masse monétaire et une inflation faible.

Ses grandes banques opèrent aussi bien en Europe qu’au Royaume Uni et en Amérique du Nord. Elles souffrent donc pareillement de la hausse des taux et de l’accumulation de prêts qui ne seront jamais remboursés.

En ce sens, le rachat forcé du Crédit Suisse par la banque UBS – qui n’a pourtant que 45 milliards de dollars de fonds propres pour 1104 milliards d’actifs – est-il vraiment un sauvetage ?

Là encore, tous ces facteurs rendent la projection du FMI d’une croissance européenne moyenne de 0,7% assez optimiste…

 

Conclusion

Si le FMI se trompait d’environ 1 % pour la Chine et les États-Unis, soit près de 40 % de l’économie mondiale, sa prévision de croissance de septembre 2022 n’aurait pas lieu d’être révisée à la hausse de 0,2 % mais plutôt à la baisse d’environ le double…

Il y a une vingtaine d’années, mes collègues de la Heritage Foundation avaient étudié les prévisions du FMI. Systématiquement optimistes, celles-ci tendaient à être d’autant plus biaisées que le FMI avait investi dans les pays qu’il prétendait aider !

Les mois qui viennent nous diront si l’embellie annoncée par le FMI se matérialise ou si ses prévisionnistes utilisent toujours la méthode Coué…

29 mars, 2023

6ème rapport du GIEC : une équation démographique impossible !

 Par Philippe Charlez.

Le GIEC a publié ce lundi 20 mars 2023 la synthèse finale de son sixième rapport à destination des décideurs.

Le rapport proprement dit est divisé en trois parties contenant plus de 5000 pages que très peu de personnes liront. Nous nous contentons ci-dessous de commenter la synthèse et d’émettre quelques recommandations.

 

Ligne de référence – constat

Les données disponibles confirment que depuis le début des années 1960, la planète s’est réchauffée de 1° (1,1° depuis l’ère préindustrielle – valeur la plus élevée depuis 2000 ans).

Durant la même période, la teneur en GES dans l’atmosphère a augmenté de 100 ppm (130 ppm depuis l’ère préindustrielle) pour atteindre une concentration de 410 ppm en 2019 (valeur la plus élevée depuis 2,5 millions d’années). Aucun phénomène naturel (solaire, volcanique ou astronomique) ne peut justifier la rapidité de tels accroissements au cours de périodes de temps aussi courtes. Le GIEC en conclut donc avec une « forte confiance » que le réchauffement climatique est bien d’origine anthropique lié à la combustion des énergies fossiles (cause principale), l’agriculture et la déforestation (causes secondaires). Depuis 1750, ces émissions ont accru le flux radiatif terrestre de 2,72 W/m2.

Ce réchauffement climatique induit sur le moyen terme

  1. Une réduction de la surface glaciaire (calottes glaciaires, glaciers et neige).
  2. Une accélération de l’élévation du niveau de la mer (dilatation + fonte des calottes glaciaires).

 

À court terme, il accroît (avec une « forte confiance ») les vagues de chaleur et les précipitations extrêmes. En revanche, il n’y pas aujourd’hui d’évidence quant à son impact sur les sécheresses, les cyclones tropicaux et les incendies.

 

Scénarios

Sur base de nombreux modèles climatique, le GIEC a proposé cinq scénarios estimant le réchauffement en 2100 résultant de trajets d’émissions différents. Deux scénarios sont particulièrement intéressants1.

Le scénario SSP1–1,9 est conforme aux objectifs de Paris (réchauffement limité à 1,5° en 2100 et décarbonation totale en 2050) et atteint la neutralité carbone en 2050. Le scénario SSP2-4,5 (réchauffement de 1,5°C en 2030, 2° en 2050 et de 2,7° en 2100) assez conforme aux politiques publiques maintient jusqu’en 2050 les émissions à leur valeur actuelle (35 GtCO2/an) puis elles décroissent fortement durant la seconde moitié du XXIe siècle.

Une forte accélération des politiques actuelles pourrait permettre de faire un peu mieux que 2,7°. En revanche, le schéma 1,5°C est aujourd’hui hors de portée dans la mesure où il nécessiterait de baisser les émissions mondiales de moitié d’ici 2030.

Scénario SP1 et SP2 (source : GIEC)

Le schéma 2,7° (aussi appelé « intermédiaire ») induirait en 2100 un accroissement du niveau de la mer de 70 cm et dès 2050 le pôle Nord ne serait plus sous glace permanente.

 

Critique

On peut principalement reprocher au GIEC de ne pas aborder le problème de la démographie n’insistant que sur les inégalités Nord-Sud qui augmenteront face aux conséquences du réchauffement. Rappelons que la barre des huit milliards d’habitants a été dépassée en 2022. Sur ces huit milliards, les émergents représentent 84 % de la population mondiale. À l’horizon 2100 ce chiffre atteindra 87 %.

Nous avons sur les graphes ci-dessous simulé la décarbonation à l’horizon 2050 en différenciant la partie OCDE de la partie émergente (incluant Chine et Inde).

Quatre cas ont été envisagés :

  1. Cas de base (poursuite de la tendance actuelle avec un MWh décarboné de -1 % par an pour les deux parties)
  2. Scénario 2 décarbonant massivement l’OCDE (-10 % par an)
  3. Scénario 3 décarbonant massivement la partie émergente (-10 % par an)
  4. Scénario 4 décarbonant massivement les deux parties

 

Les résultats sont sans appel. Conforme au schéma 2,7° du GIEC, la poursuite de la tendance actuelle conduit à accroître significativement la part relative des émergents qui représenteraient en 2050 82 % des émissions globales (contre 67 % aujourd’hui). La décarbonation massive de l’OCDE ne réduit que faiblement les émissions qui stagneraient à 30 GtCO2/an jusqu’en 2050. En revanche, une décarbonation massive des émergents (et ce même sans décarbonation de l’OCDE) permettrait d’atteindre en 2050 un objectif proche des 1,5°.

Scénario de décarbonation 2050 comparés aux scénarios GIEC 2,7° et 1,5°. (Source des données : BP statistical Review 2022, GIEC et Banque Mondiale)

Pour des raisons purement démographiques, la clé de la décarbonation se trouve donc dans les pays émergents et non pas dans les pays de l’OCDE.

Résoudre une telle équation nécessiterait un transfert massif de fonds des pays de l’OCDE vers les pays émergents. Dans un récent rapport publié lors de la COP27 par les économistes Vera Songwe, Nicholas Stern et Amar Bhattacharya ont évalué ce transfert à 2000 milliards de dollars par an pendant une quinzaine d’années. Cette somme représente 3,5 % du PIB des pays de l’OCDE (58 trillons de dollars en 2021). En d’autres termes, décarboner massivement les pays émergents comme l’exigerait l’objectif 1,5° plongerait les pays OCDE en récession structurelle.

Une équation démographique socialement impossible à réaliser car socialement explosive.

 

Article mis à jour le 28/03/23 à 10h11.

  1. Les autres scénarios (SSP3 -3,7°) et SSP4 (4,3°) qui apparaissent trop pessimistes ne sont pas discutés. ↩