Chaque Québécois doit plus de 34 000 $ au provincial seulement

Vaut mieux en rire!

Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

30 novembre, 2020

Augmenter la productivité par les nouvelles technologies pour créer de la richesse et de l’emploi

 

« Je n’utilise pas les caisses automatiques qui suppriment l’emploi d’une caissière » peut-on entendre dans la file d’attente d’un supermarché. Un type d’argument que l’on entend souvent appliqué à nombre d’innovations technologiques ou de services apportés par des entreprises : Airbnb et les hôteliers, la numérisation pour de nombreux postes administratifs, les robots pour certains ouvriers non spécialisés et plus globalement l’intelligence artificielle (IA) pour beaucoup d’emplois.

La hausse de la productivité s’accompagne d’une évolution de l’emploi

En 2013, un premier rapport de C. Frey et M. Osborne, chercheurs à l’université d’Oxford, avançait que 47% des emplois américains seront remplaçables par des robots intelligents d’ici à une vingtaine d’années[1] . En 2016, L’OCDE affirmait que « 14% des travailleur de l’OCDE courent un risque élevé que leurs tâches actuelles soient automatisables au cours des 15 prochaines années »[2]. En France, le rapport[3] du député LREM Cédric Villani en 2018 évoquait que 10% des emplois seraient menacés de disparition et 50% seraient automatisés à plus de 50%. Ces chiffres, fréquemment repris dans les médias, créent une certaine angoisse. Est-elle justifiée ?

Cette inquiétude est loin d’être récente. Elle a historiquement existé dans l’agriculture et dans l’industrie. Dans l’agriculture, l’amélioration des techniques et des outils a progressivement augmenté la productivité et les rendements. Dans le même temps les exploitations s’agrandissaient et le nombre d’employés par hectare diminuait. Les premières tensions arrivent dans l’industrie au début du XIXème siècle. Dans les années 1811-1812, en Angleterre, des artisans (tondeurs et tricoteurs sur métiers à bras) s’opposent aux manufacturiers qui développent l’emploi de machines (métiers à tisser) pour travailler le coton et la laine. C’est le mouvement du luddisme avec des briseurs de machines qui subiront une forte répression par les militaires.

L’évolution de l’emploi par secteur est révélatrice de ces destructions d’emploi. En 1789, 67% des ménages français vivent de l’agriculture[4]. Ce chiffre n’a depuis cessé de diminuer. Ainsi en 1906, 43,2% de l’emploi total est dans l’agriculture, 28,9% dans l’industrie et le bâtiment et 27,9% dans le tertiaire. En 1970, 13% est dans l’agriculture, 38,6% dans l’industrie et 48,3% dans le tertiaire[5]. En 2017, 2,6% dans l’agriculture 20,5% dans l’industrie et la construction et 76,8% dans le tertiaire[6]. Qui pourrait aujourd’hui imaginer avoir notre niveau de richesse et de développement si les deux tiers des Français travaillaient pour nous nourrir ou si près de 40% de l’emploi se concentrait uniquement dans l’industrie ?

La destruction créatrice permet la création de richesses

Cette évolution illustre la destruction créatrice théorisée par l’économiste Joseph Schumpeter : la disparition de secteurs d’activité et d’emplois est concomitante à la création de nouvelles activités et de nouveaux emplois. Cette destruction créatrice a une conséquence : l’augmentation de la richesse globale. Refuser la destruction c’est refuser la création. La productivité augmente avec la diminution du besoin en main d’œuvre. La production de richesse peut se représenter en multipliant le nombre de travailleurs par leur productivité à l’heure et le nombre d’heures travaillées. Alors que la part de la population travaillant et le nombre d’heures travaillées ont reculé, le seul moyen d’augmenter la production de richesse est dès lors l’amélioration de la productivité.

Cette destruction créatrice comporte d’autres avantages. Ce sont les emplois pénibles ou répétitifs qui sont supprimés. Les emplois supprimés progressivement dans l’agriculture puis l’industrie sont les plus difficiles : ouvrier spécialisé (OS) sur une chaîne à la ligne, ouvrier agricole. Des emplois qui sont souvent aujourd’hui non-pourvus. Les secteurs qui vont perdre des emplois aujourd’hui sont ceux qui peineront à recruter dans quelques décennies.

Le réel enjeu est ailleurs : la formation. Les travailleurs doivent être formés aux métiers de demain qui créeront de la richesse. La France est particulièrement mauvaise sur la formation. Celle des jeunes avec une orientation inefficiente et de nombreuses filières d’études aux très faibles débouchées. Celles des adultes avec une formation professionnelle bien en deçà de la moyenne de l’OCDE[7]. Les premiers comme les seconds doivent être orientés vers les métiers d’avenir. Une population qualifiée n’a rien à craindre de la robotisation ou de l’intelligence artificielle. Les pays le plus avancés dans la robotisation et l’intelligence artificielle sont loin d’être ceux qui perdent le plus d’emplois. Contre-intuitivement, ce sont ces pays qui ont les taux de chômage les plus faibles.

Taux de chômage par rapport au taux de robotisation

PNG - 26.8 ko

Graphique IREF source OCDE, International Federation of Robotics

Le développement de la robotisation et de l’intelligence artificielle ne doit pas être perçu comme une menace. Elles ne font que prolonger l’augmentation de la productivité et l’évolution de l’emploi. L’analyse reste malheureusement trop souvent limitée au premier terme de la destruction créatrice, omettant ainsi la création de valeur associée.

29 novembre, 2020

28 novembre, 2020

La droite deviendrait-elle libérale ?

 Le maire de Cannes dénonce l’étatisme français qui gangrène la société et souhaiterait remettre l’État à sa place.

Une tribune de plusieurs pages, parue dans un quotidien national, écrite par le maire d’une ville de plus de 50 000 habitants, qui tire à boulet rouge sur l’obésité de l’administration et des services publics et dont la conclusion résumée de façon concise est : « Il faut remettre l’État à sa place »…

Non, ce n’est pas un mirage. Ce n’est pas une poussée délirante de votre subconscient submergé par les ravages de l’exposition excessive aux chaines d’infos en continu et aux discours officiels.

C’est le vice-président de l’association des maires de France qui lance cet avertissement au gouvernement, en commençant par cette phrase que l’on se plaît à lire et à relire encore, tant nous n’avions jamais pensé, même dans nos rêves les plus fous, la voir un jour être écrite dans un pilier de la presse écrite française.

« La route de la servitude est pavée de bonnes intentions étatistes »

Passons vite au second paragraphe, qui explique brièvement qu’au lieu de faire relire en classe certaines publications, on ferait mieux de faire lire TocquevilleBastiat ou Aron, puis au suivant qui fustige « l’État nounou qui infantilise les individus, entrave les initiatives et enkyste la société » (sic) … puis au suivant, puis à la suite… et ça continue, encore et encore…

Disons simplement deux mots : enfin et encore !

APPELER LES CHOSES PAR LEUR VRAI NOM

Enfin, parce que cela fait maintenant bien trop longtemps que le mot libéral est devenu un gros mot.

Cela fait trop longtemps que la mystification est devenue la vérité officielle, comme l’illustre très bien cette platitude trouvée dans le flot attendu d’insultes qui se sont déversées dans les commentaires laissés par les sempiternels internautes je-sais-tout :

« L’art de tout mélanger. Depuis la crise des années 1970, ce n’est pas l’étatisme qui a gagné du terrain dans les pays industriels avancés mais le libéralisme avec la globalisation. C’est écrit dans tous les manuels d’économie mais cela semble avoir échappé à l’auteur. »

Histoire de remettre rapidement les pendules à l’heure, quiconque pensant qu’un pays où depuis 60 ans la part des finances publiques en pourcentage du PIB augmente chaque année (à trois exceptions près), dont le Code civil compte 3270 pages et le Code du travail 3878… a été envahi par le libéralisme et non par l’étatisme, a soit besoin d’arrêter immédiatement, soit de passer définitivement à quelque chose de beaucoup plus fort.

NOMMER LA MALADIE

Parce que, n’en déplaise aux petits malins qui depuis des années font régner sur ce pays la censure et l’ignorance à base de désinformation et de manipulation, le monstre hideux qui est en train de tous nous anéantir, de pourrir nos vies, celle de nos enfants, de nos petits-enfants, ce n’est ni le Grand Méchant Capital, ni le Grand Méchant Remplacement.

Ce ne sont pas non plus les pestes de toutes les couleurs : brune, rouge, noire, jaune, verte, pas plus que les illuminatis reptiliens, l’effondrement climato-apocalyptique ou les virus zombies.

Ce cancer, c’est l’étatisme généralisé et sa cohorte de comorbidités :

  • L’État-providence : le mensonge selon lequel l’État pourrait tout.
  • Le socialisme : la pensée magique selon laquelle tout le monde pourrait vivre au dépens des autres.
  • Le communisme : la dépossession lente mais sûre de toute propriété privée.
  • Le totalitarisme : l’arrogance de prétendre que l’État sait mieux que vous ce qui est bien pour vous.
  • L’autoritarisme : l’interdiction de croire, de dire ou de faire autre chose que ce que l’on a décidé pour vous.

Et bien sûr la politique : l’art de diviser pour mieux régner et pour s’en mettre plein les poches au passage.

Il est plus que vital et plus qu’urgent de remettre l’État à sa place.

DROITE LIBÉRALE

L’auteur de cette tribune à la lecture jouissive pour tout libéral, le maire de Cannes, n’est pas le seul élu de terrain de droite à tenter un coming out. Les maires LR de ReimsChâteauroux et Charleville-Mézières viennent quant à eux de signer une tribune appelant à la dépénalisation du cannabis.

On se souvient également de la mini fronde menée par le maire de Chalon-sur-Saône qui avaient tenté de s’opposer à la fermeture des petits commerces, entrainant avec lui les maires de Brive, de Beaune, de Valence ou de Colmar.

Mais ces initiatives semblent pour l’instant encore bien isolées, les quelques ténors de la droite s’étant découvert une vocation libérale ou ayant tenté de s’orienter dans cette direction dans le sillage de l’aventure malheureuse de François Fillon sont quant à eux pour l’instant bien silencieux.

Tout cela semble malheureusement bien insuffisant pour démentir la blague qui circule en dehors de l’Hexagone : la France est tellement étatisée, tellement socialiste, voire carrément soviétisée qu’il n’y aurait plus dans ce pays que deux partis de gauche, dont l’un s’appellerait la droite.

L’HÉRITAGE DU CNR ET DE BONAPARTE

Cette droite française n’arrive décidément pas à se détacher de ce qu’elle croit être les fondations de son électorat et souffre depuis 40 ans du complexe de l’héritier. Elle ne parvient toujours pas à se positionner en dehors de l’ombre que lui fait sa caricature qui pousse à l’extrême le conservatisme d’une France fantasmagorique et d’images d’Epinal :

  • Le sauveur victorieux faisant vibrer la fibre nationaliste dans des discours conquérants.
  • L’État-nation regroupant toutes les disparités locales dans une béate fraternité républicaine.
  • La nostalgie d’un âge d’or mélangeant pêle-mêle réalité historique et romantisme bucolique.
  • L’utopie du rassemblement nécessaire pour contrer la peur de l’envahisseur.

Dans sa grande majorité, elle est restée bloquée en août 1914. Pire, elle continue même à croire que l’alliance contre nature avec les communistes à l’issue de la Seconde Guerre mondiale allait un jour fonctionner et lui permettre de gommer enfin les boucheries et les défaites pour recréer le monde d’avant, celui du Grand Meaulnes, de la Guerre des Boutons et Du côté de chez Swann.

Paradoxe terrifiant pour un courant politique qui se veut la voix du pragmatisme et du réalisme que de tenter désespérément d’inverser la course inévitable du temps.

À DROITE AUSSI, LE PIÈGE DE L’ÉTATISME

Pour sortir de cette impasse, la droite doit réussir à s’extraire du piège dans lequel elle est tombée il y a 40 ans et qui focalise le débat sur deux sujets : la souveraineté (la question européenne) et la citoyenneté (la question migratoire).

Il faut pour cela qu’elle réalise que ces questions sont des problèmes entièrement étatiques et politiciens et qu’elles gênent en tout premier lieu la secte de l’Obèse et surtout ses gourous.

L’Europe est avant tout une question de marge de manœuvre fixée à l’État français et d’étendue du pouvoir de ces dirigeants. Que cherchons-nous avec ce débat, à part augmenter encore plus la possibilité pour les politiciens et les fonctionnaires de dépenser, taxer, s’endetter, légiférer ou parader ?

L’immigration est clairement une question de coût de l’État-providence et de l’avenir de l’entreprise d’uniformisation et de républicanisation publique, gratuite, laïque et obligatoire de la société.

Les questions de sécurité intérieure et extérieure, de menace terroriste, d’indépendance économique ou monétaire qui découlent de ces deux questions, sont devenues de véritables problèmes car les fonctions régaliennes de l’État ont été détournées pour faire des forces de sécurité et de la justice des esclaves de l’entreprise de mise sous tutelle de l’ensemble de la population.

Comment les policiers, les personnels judiciaires et même les militaires, pourraient-ils convenablement gérer la sécurité, la justice et l’indépendance de la France, alors que leurs priorités ont été détournées pour en faire les gardiens de la mise en œuvre des politiques publiques de l’État-providence, relégués au rôle de distributeur de sanctions et de vigiles protégeant la machine bureaucratique et administrative ?

LIBÉRALISME ET LIBERTARIANISME

Il sera très difficile de voir une alternative libérale émerger à droite tant qu’elle ne parviendra pas à élever le débat et à sortir du concours de virilité.

La meilleure chose qui pourrait lui arriver serait l’émergence d’une force politique libérale radicale, même extrêmement minoritaire, pourvu qu’elle soit suffisamment visible et organisée pour troubler le débat.

Ce serait d’ailleurs un énorme service rendu pour le pays, qui sortirait ainsi d’un débat consanguin qui tourne depuis 40 ans autour d’une seule question : comment dépenser encore plus d’argent des contribuables ? Il y a fort à parier que les médias  seraient ravis d’avoir enfin des sujets originaux à présenter pour accroître leur audience.

Il est vraiment urgent de sortir de ce monologue à plusieurs voix qui nous entraine vers l’abîme, avant que l’imagination débordante de quelques-uns ne nous sorte des idées encore plus délirantes que le remplacement des centrales nucléaires par des vélos ou que la mise en prison des victimes pour les protéger des délinquants.

Alors rêvons ensemble de la prochaine tribune dans les pages d’un grand quotidien, ou pourquoi pas, dans une interview au journal télévisé de 20 heures, qui évoquerait la légalisation du port d’arme, de la privatisation des forces de police, du remplacement du Code civil par la jurisprudence, de la privatisation de l’ensemble des espaces publics actuels, de la mise en place d’un fédéralisme contractuel, de l’abolition du monopole monétaire, de la privatisation totale de la protection sociale comme de toutes les autres activités économiques exercées par l’administration publique : éducation, santé, retraite, transports, voirie… de la disparition du statut de fonctionnaire ou encore de la suppression de la limite de responsabilité pour les élus et les entrepreneurs…

Ce pays n’est pas foutu, mais il va falloir le réveiller, afin que cesse cet état d’hypnose qui l’a transformé en marionnette, heureuse et consentante de creuser le trou dans lequel il s’enfonce un peu plus chaque jour.

27 novembre, 2020

Augmenter la productivité par les nouvelles technologies pour créer de la richesse et de l’emploi

 

« Je n’utilise pas les caisses automatiques qui suppriment l’emploi d’une caissière » peut-on entendre dans la file d’attente d’un supermarché. Un type d’argument que l’on entend souvent appliqué à nombre d’innovations technologiques ou de services apportés par des entreprises : Airbnb et les hôteliers, la numérisation pour de nombreux postes administratifs, les robots pour certains ouvriers non spécialisés et plus globalement l’intelligence artificielle (IA) pour beaucoup d’emplois.

La hausse de la productivité s’accompagne d’une évolution de l’emploi

En 2013, un premier rapport de C. Frey et M. Osborne, chercheurs à l’université d’Oxford, avançait que 47% des emplois américains seront remplaçables par des robots intelligents d’ici à une vingtaine d’années[1] . En 2016, L’OCDE affirmait que « 14% des travailleur de l’OCDE courent un risque élevé que leurs tâches actuelles soient automatisables au cours des 15 prochaines années »[2]. En France, le rapport[3] du député LREM Cédric Villani en 2018 évoquait que 10% des emplois seraient menacés de disparition et 50% seraient automatisés à plus de 50%. Ces chiffres, fréquemment repris dans les médias, créent une certaine angoisse. Est-elle justifiée ?

Cette inquiétude est loin d’être récente. Elle a historiquement existé dans l’agriculture et dans l’industrie. Dans l’agriculture, l’amélioration des techniques et des outils a progressivement augmenté la productivité et les rendements. Dans le même temps les exploitations s’agrandissaient et le nombre d’employés par hectare diminuait. Les premières tensions arrivent dans l’industrie au début du XIXème siècle. Dans les années 1811-1812, en Angleterre, des artisans (tondeurs et tricoteurs sur métiers à bras) s’opposent aux manufacturiers qui développent l’emploi de machines (métiers à tisser) pour travailler le coton et la laine. C’est le mouvement du luddisme avec des briseurs de machines qui subiront une forte répression par les militaires.

L’évolution de l’emploi par secteur est révélatrice de ces destructions d’emploi. En 1789, 67% des ménages français vivent de l’agriculture[4]. Ce chiffre n’a depuis cessé de diminuer. Ainsi en 1906, 43,2% de l’emploi total est dans l’agriculture, 28,9% dans l’industrie et le bâtiment et 27,9% dans le tertiaire. En 1970, 13% est dans l’agriculture, 38,6% dans l’industrie et 48,3% dans le tertiaire[5]. En 2017, 2,6% dans l’agriculture 20,5% dans l’industrie et la construction et 76,8% dans le tertiaire[6]. Qui pourrait aujourd’hui imaginer avoir notre niveau de richesse et de développement si les deux tiers des Français travaillaient pour nous nourrir ou si près de 40% de l’emploi se concentrait uniquement dans l’industrie ?

La destruction créatrice permet la création de richesses

Cette évolution illustre la destruction créatrice théorisée par l’économiste Joseph Schumpeter : la disparition de secteurs d’activité et d’emplois est concomitante à la création de nouvelles activités et de nouveaux emplois. Cette destruction créatrice a une conséquence : l’augmentation de la richesse globale. Refuser la destruction c’est refuser la création. La productivité augmente avec la diminution du besoin en main d’œuvre. La production de richesse peut se représenter en multipliant le nombre de travailleurs par leur productivité à l’heure et le nombre d’heures travaillées. Alors que la part de la population travaillant et le nombre d’heures travaillées ont reculé, le seul moyen d’augmenter la production de richesse est dès lors l’amélioration de la productivité.

Cette destruction créatrice comporte d’autres avantages. Ce sont les emplois pénibles ou répétitifs qui sont supprimés. Les emplois supprimés progressivement dans l’agriculture puis l’industrie sont les plus difficiles : ouvrier spécialisé (OS) sur une chaîne à la ligne, ouvrier agricole. Des emplois qui sont souvent aujourd’hui non-pourvus. Les secteurs qui vont perdre des emplois aujourd’hui sont ceux qui peineront à recruter dans quelques décennies.

Le réel enjeu est ailleurs : la formation. Les travailleurs doivent être formés aux métiers de demain qui créeront de la richesse. La France est particulièrement mauvaise sur la formation. Celle des jeunes avec une orientation inefficiente et de nombreuses filières d’études aux très faibles débouchées. Celles des adultes avec une formation professionnelle bien en deçà de la moyenne de l’OCDE[7]. Les premiers comme les seconds doivent être orientés vers les métiers d’avenir. Une population qualifiée n’a rien à craindre de la robotisation ou de l’intelligence artificielle. Les pays le plus avancés dans la robotisation et l’intelligence artificielle sont loin d’être ceux qui perdent le plus d’emplois. Contre-intuitivement, ce sont ces pays qui ont les taux de chômage les plus faibles.

Taux de chômage par rapport au taux de robotisation

PNG - 26.8 ko

Graphique IREF source OCDE, International Federation of Robotics

Le développement de la robotisation et de l’intelligence artificielle ne doit pas être perçu comme une menace. Elles ne font que prolonger l’augmentation de la productivité et l’évolution de l’emploi. L’analyse reste malheureusement trop souvent limitée au premier terme de la destruction créatrice, omettant ainsi la création de valeur associée.

26 novembre, 2020

« Noël sans Amazon » : les lamentations des vertueux

 Cette fois, il s’agit de militer pour un « Noël sans Amazon ». Et tout ce que notre beau pays compte de « professionnels de la pétition » est bien fidèle au rendez-vous.

Une fois de plus, voilà l’entreprise Amazon – et son dirigeant-fondateur – mis au banc des accusés, à travers une pétition dont une certaine « élite » bien-pensante a le secret. Les mêmes, parfois (ou leurs amis), que ceux qui voulaient nous interdire (ou presque) la présence trop visible d’un certain sapin de Noël.

Cette fois, il s’agit de militer pour un « Noël sans Amazon ». Et tout ce que notre beau pays compte de « professionnels de la pétition » est bien fidèle au rendez-vous. Ou s’ils ne sont pas tous là, ils ne sont en tous les cas pas bien loin.

Mais la question bien plus grave est : ne nous promeut-on pas de plus en plus, sans y prendre garde et insidieusement, des formes de dictature de plus en plus évidentes ?

Souhaitons-nous nous diriger lentement vers l’émergence d’un État totalitaire, qui nous priverait toujours plus de nos libertés au nom de présumées vertus dont on sait où elles peuvent nous mener ?

AMAZON ET LES « BRIGANDS DU NET »

Car de quoi s’agit-il ? Est-ce Amazon qui a décidé la fermeture de certains commerces ? (il est d’ailleurs notable de constater comment le gouvernement patauge dans ses propres maladresses en ne sachant plus comment justifier ses fermetures). Amazon a-t-il commis un acte répréhensible qui permettrait ainsi de le qualifier de brigand ? Le commerce n’est-il pas libre en France ? Autant de questions qui méritent d’être posées.

Mais surtout, je ne puis m’empêcher, comme beaucoup, d’établir les remarques ou questionnements suivants :

1) En tant que consommateur, ne suis-je pas libre d’acheter où je veux ? Le commerce est-il libre ou non ? Faut-il imaginer des magasins d’État ou adoubés par l’État, avec tout ce que l’on peut imaginer derrière ?

2) Amazon n’a-t-il pas conçu un modèle remarquable ayant fait largement ses preuves et qui, pour cette raison, suscite l’adhésion et l’engouement d’un très grand nombre d’acheteurs qui se disent très satisfaits du service apporté ; et l’a-t-il fait en enfreignant quelque règle qui soit ?

3) Amazon détruit-il réellement de l’emploi, comme certains le prétendent, ou au-delà des milliers d’emplois qu’il crée directement, ne rend-il pas aussi service à beaucoup de PME qui trouvent là un relais efficace pour vendre leurs produits, et donc font tourner l’économie et l’emploi ? Y compris des libraires eux-mêmes. Sans compter tous les emplois générés (systèmes numériques, sociétés de transport et de logistique, etc.).

4) On peut parler en l’occurrence de « place de marché ». Et ces PME françaises trouvent, au passage, aussi un débouché pour leurs produits à l’étranger. Ce qui n’est pas négligeable.

5) Le client potentiel qui habite dans la campagne loin des commerces, la personne âgée ou handicapée qui peine à se déplacer, ou moi-même qui recherche des livres qui ne se trouvent généralement pas dans la librairie du coin, ou que je n’aurais jamais achetés car je n’ai pas forcément le temps ou l’envie de me déplacer, sont-ils des clients perdus pour le commerce local ? Ou au contraire peut-on penser que l’on crée une demande qui n’aurait pas existé sans l’existence de ce service de vente à distance ? (et tant mieux si des commerces traditionnels s’y mettent à leur tour).

6) L’arrivée d’Amazon n’a-t-elle pas justement stimulé le reste du commerce en le conduisant à s’adapter à l’air du temps et à l’évolution des services désormais attendus par une grande partie de la population, pour son plus grand bien-être ? (et libre à ceux qui le refusent de faire comme ils l’entendent de ce point de vue).

7) À l’instar de l’automobile américaine dans les années 1980, qui avait fourni de très gros efforts de modernisation avec l’arrivée de la concurrence japonaise après l’avoir subie de plein fouet dans les années 1970, pour le plus grand bénéfice du consommateur, ne peut-on pas l’envisager aussi comme un élément moteur ? (ce qui n’a rien de nouveau dans toute l’histoire de l’humanité).

8) Le commerce de détail de proximité ne reste-t-il pas le modèle largement dominant en France ? En quoi devrait-il être monolithique ? N’avons-nous pas le droit, au-delà de la liberté du commerce, à la liberté du choix de son modèle et à la liberté du consommateur de consommer selon les modes qu’il entend emprunter pour cela ? Avons-nous livré la France à Amazon ? demande Philippe Alezard. Et en quoi acheter un livre en librairie serait-il de la culture, mais l’acheter en ligne un abrutissement ? ajoute-t-il.

9) En quoi la concurrence d’Amazon serait-elle plus injustifiée que dans n’importe quel autre domaine d’activité ? La concurrence est un mal ? Devons-nous être nostalgiques de l’époque des PTT et du téléphone filaire gris ? Du temps où les porteurs d’eau arpentaient les appartements parisiens pour proposer leurs services de livraison d’eau ? Ou bien encore de l’époque du Gosplan en URSS ? (Cela peut paraître excessif, mais pas du tout ; car la question est bien là).

10) La digitalisation et l’économie du numérique ne sont-elles pas inéluctables ? Entendons-nous vivre en vase clos et nous laisser dépasser par les concurrents étrangers (chinois, par exemple), qui n’auront plus un jour qu’à venir se substituer purement et simplement à toutes nos entreprises locales parce qu’on aura refusé d’ouvrir les yeux et de s’adapter au monde tel qu’il est ?

11) Quant à la question des impôts ou d’une concurrence qui serait déloyale, soit. Mais n’est-ce pas aux autorités de la concurrence que revient la responsabilité de fixer des règles ? Peut-on affirmer sérieusement qu’Amazon les aurait enfreintes ?

DES BIEN-PENSANTS MUS PAR LA JALOUSIE ET L’ENVIE

La vérité est que ces modèles de vertu qui en appellent en quelque sorte à boycotter cette entreprise, sont mus par l’envie. Ou bien, pour être plus réaliste encore, par l’image qu’ils veulent se donner, la plupart d’entre eux ayant soit quelque chose à vendre, soit une future réélection en vue. Se targuant d’une forme d’égalitarisme de bon aloi. Et avec toujours une seule et même recette, bien facile et bien commode : les taxes, les taxes, les taxes.

Mais peu leur sied la réalité de ce que les « braves gens » souhaitent vraiment ou vivent réellement. On est dans la posture, dans la polémique pure et dure, la division que l’on amène chez les clients ou entre les commerçants. Et pour cela, il est toujours bien commode de trouver ce que Yannick Chatelain nomme bien à propos un « book émissaire ».

Il est fini le temps où les FNAC, Darty, et autres grands distributeurs étaient les grands accusés (encore que…). Le vent tourne au gré des intérêts de ceux qui sont dans l’image.

Ce sont ces visions binaires et simplistes, avec toujours les gentils et les méchants, qui conduisent à semer le trouble et la rancœur. Au lieu de s’occuper des réels problèmes ou de chercher à moderniser vraiment notre économie.

Amazon a aussi le tort d’être américain, comme l’étaient les épouvantails précédents ou contemporains : les IBM, Microsoft, Google et autres. Et nous le savons depuis longtemps, en paraphrasant un célèbre ouvrage de Jean-François Revel, L’obsession anti-américaine. Pour paraphraser un autre titre d’ouvrage plus récent, nous sommes bien dans ce que l’on nomme « l’horreur politique ».

Pas très glorieux.

25 novembre, 2020

Hydrocarbures : pourquoi faut-il continuer leur développement

 La stratégie consistant à arrêter l’exploration et le développement des hydrocarbures engendrerait à moyen terme une flambée structurelle des cours impossible à enrayer.

L’opinion publique a la fâcheuse tendance d’assimiler « neutralité carbone 2050 » à « zéro fossiles » et non à « zéro émissions de carbone ». Dans les faits, si la part des énergies fossiles dans le mix mondial 2050 aura été fortement réduite, elles y resteront encore bien présentes mais en proportions très différentes : pratiquement plus de charbon, beaucoup moins de pétrole mais encore une part significative de gaz notamment pour pallier les intermittences des énergies renouvelables.

Pour atteindre la neutralité carbone, ces émissions résiduelles devront être compensées principalement par le CCS (Carbon Capture & Storage) qui consiste à capter le CO2 puis à le séquestrer dans le sous-sol.

CONTINUER À PRODUIRE DES HYDROCARBURES

Pour satisfaire une consommation même fortement déclinante, il faudra donc continuer la production des hydrocarbures jusqu’en 2050 et même probablement au-delà. « Produire les réserves existantes oui mais ne plus explorer ni développer de nouveaux champs » d’hydrocarbures réclament certaines ONG environnementalistes.

Ainsi, en 2019, les Amis De La Terre avaient vivement critiqué le pétrolier Total de « continuer à investir massivement dans l’exploration et le développement de nouveaux gisements pétroliers et gaziers ». L’ONG réclamait que « les nouveaux projets fossiles ne puissent voir le jour, que ceux en développement soient arrêtés, que les États cessent d’accorder des subventions, que les banques, les investisseurs institutionnels et les actionnaires ne financent plus le développement de nouveaux gisements de gaz et de pétrole ».

Plus récemment, Gaël Giraud, Jean-Marc Jancovici et Laurence Tubiana écrivaient des propos similaires dans Le Monde « développer des projets pétroliers et gaziers reviendrait à verrouiller l’économie mondiale dans la dépendance aux hydrocarbures ». Ces trois spécialistes du climat prétendent que « pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C, il faut arrêter dès aujourd’hui d’exploiter toute nouvelle réserve de pétrole et gaz ; développer de nouveaux projets pétroliers serait synonyme de capitulation devant le dérèglement climatique ».

LE PROBLÈME DU CALCUL

L’argument principal repose sur un simple calcul d’épuisement des réserves estimées fin 20191 à 1734 milliards de barils pour le pétrole et 1194 milliards de baril équivalent pour le gaz. Au rythme de consommation actuelle, ces réserves (qui ne sont pas toutes développées) permettraient théoriquement de couvrir nos besoins en pétrole jusqu’en 2068 et en gaz jusqu’en 2070.

Mais la consommation notamment de pétrole va inexorablement se réduire au cours des prochaines décennies. En supposant une baisse continue de la demande pétrolière de 1,5 %2 par an seuls 900 milliards de barils auraient été produits en 2050 et 1285 milliards en 2070.

Autrement dit les réserves prouvées et développées actuelles seraient largement suffisantes pour couvrir la queue de demande pétrolière. Les nouveaux développements seraient non seulement inutiles mais surtout contreproductifs dans la mesure où ils priveraient le développement des énergies vertes de 400 milliards de dollars par an. Le chant du cygne « d’entreprises déjà chancelantes, vouées à disparaître et dont il est illusoire d’espérer qu’elles puissent changer sans contrainte »12.

 

Figure 4 – Le déclin naturel des champs existant conduirait une rapide rupture offre demande

 

En raisonnant de la sorte, nos détracteurs confondent de façon très naïve réserves et production ignorant notamment que le déclin naturel du « socle3» est de l’ordre de 6 % par an, un déclin compensé grâce à la découverte, au développement puis la mise en production de nouveaux champs.

En d’autres termes, si on arrêtait toute exploration et développement et que l’on se contentait de vivre avec la production du socle déclinant, on assisterait rapidement à une rupture offre/demande. Ainsi, le déclin de 1,5 % proposé par l’AIE conduirait à cette rupture dès 2023. Même en considérant la réduction drastique de 4 % par an proposée par les Amis De La Terre, la rupture surviendrait en 2025.

La stratégie consistant à arrêter l’exploration et le développement des hydrocarbures engendrerait à moyen terme une flambée structurelle des cours impossible à enrayer dans la mesure où relancer l’exploration et le développement de nouveaux champs demanderait plusieurs années.

Cette flambée déboucherait sur une crise énergétique mondiale majeure source de tension internationale et de conflits sociaux particulièrement en Europe dépendante aujourd’hui à 95 % de ses approvisionnements pétroliers et à 80 % de ses approvisionnements gaziers.

  1. BP Statistical Review 2020. ↩
  2. Scénario Développement Durable de l’Agence Internationale de l’Energie. ↩
  3. Le socle est l’ensemble des champs existant et actuellement en production. Son potentiel 2019 était de l’ordre de 110 millions de bbls par jour. ↩