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Avant de couper des centaines de millions dans les services, est-ce qu’on peut avoir les services ? - Michel Beaudry

30 juin, 2022

Savoir quand vacciner et savoir quand s'arrêter

 Par André Dorais.

On a d'abord présenté les vaccins contre la COVID-19 comme étant la meilleure façon de se protéger du virus SARS-CoV-2.  Lorsqu'on a ensuite réalisé que des individus vaccinés étaient néanmoins infectés par ce virus, on a alors présenté ces vaccins comme ayant la capacité de réduire les taux d'infection et de transmission.  Et lorsqu'on a réalisé que ces taux étaient aussi élevés chez les individus vaccinés que les individus non vaccinés, on s'est rabattu sur l'idée qu'ils protègent contre les formes graves de la maladie.  Bref, pour maintenir l'idée que ces vaccins sont efficaces, on redéfinit toujours à la baisse leurs objectifs.   

 

Réduire ses attentes quant à l'efficacité de ces vaccins laisse songeur, mais n'est pas nécessairement contradictoire.  Ce qui est paradoxal, cependant, est d'affirmer que ces vaccins protègent contre les formes graves de la maladie tout en faisant place à celles qui le sont le moins.  En effet, habituellement on qualifie un remède d'efficace lorsqu'il protège contre la maladie, bénigne ou sévère, et qu'il est moyennement efficace lorsqu'il protège uniquement contre les formes les plus faibles de la maladie.  Or, avec les vaccins contre la COVID-19 on obtient le résultat inverse, soit qu'ils protègent contre les formes sévères de la maladie, mais non contre celles qui sont bénignes.  Cela n'est pas habituel et on peut se demander si quelque chose nous échappe.  Geert Vanden Bossche croit que oui. 

 

Selon Vanden Bossche, on ne doit pas crier victoire parce que les vaccins protègent contre les formes graves de la maladie, on doit plutôt chercher à arrêter la transmission du virus.  Force est de constater qu'on n'y est pas encore arrivé, et cela, malgré la panoplie de mesures contraignantes qui ont été utilisées pour ce faire.  La plupart des experts s'entendent pour dire qu'on y arrivera en développant une immunité collective, mais ils ont tort de penser que celle-ci adviendra à force de vacciner les gens.  Certes, une immunité peut advenir à l'aide de vaccins, mais encore faut-il qu'ils soient efficaces et savoir quand les utiliser.

 

Savoir quand vacciner

 

Selon Vanden Bossche, dès les premières vaccinations contre la COVID-19 il était déjà trop tard pour penser qu'elles feraient une différence, car pour être efficaces les vaccins doivent être utilisés avant que le virus soit parmi nous.  Dans le même but, on doit vacciner uniquement les individus susceptibles d'en être gravement atteint, car cela permet au reste de la population, peu affecté par ce virus, de renforcer son immunité.  À son tour, lorsque cette immunité est largement répandue au sein de la population, alors le virus s'éteint.

 

Lorsque le virus est présent dans un environnement, les vaccins ne peuvent pas empêcher l'infection.  Il en est ainsi pour deux raisons.  D'abord, on doit s'assurer de vacciner les individus dans un environnement exempt du virus, ensuite on doit laisser le temps au vaccin d'agir dans le but de nous offrir sa protection.  Lorsqu'un virus est transmissible et qu'il est présent en temps de vaccination, alors il tend à s'échapper, soit à surmonter l'obstacle qu'est pour lui le vaccin, en sélectionnant un variant plus adapté à sa survie.  En d'autres mots, parce que le virus a l'avantage d'être arrivé avant la vaccination, il tend à déjouer ceux et celles qui tentent de le combattre en se faisant vacciner après son arrivée. 

 

Cette chronologie des évènements a des conséquences qui peuvent être graves si on ne fait rien pour changer la donne.  En effet, dans ces circonstances non seulement le virus tend à sélectionner un variant plus adapté à sa survie, mais celui-ci risque d'être plus virulent et conséquemment d'affecter davantage les individus.  Il en est ainsi car les vaccins utilisés ne tuent pas le virus, ils ne font que le neutraliser pour un certain temps.  Et puisque cet effet neutralisant ne dure pas, alors le virus s'adapte pour mieux combattre.

 

De cette compréhension des phénomènes on doit réaliser deux choses.  La première est que l'infectiosité du virus ne s'explique pas par ses particularités, mais par son interaction avec le vaccin.  On doit donc également réaliser que dorénavant ce sont les individus vaccinés qui risquent de souffrir davantage du virus puisque la bataille entre lui et le vaccin se fait nécessairement chez eux, dans leur corps.  On se retrouve donc avec des individus non vaccinés qui au contact du virus renforcent leur immunité d'une part et d'autre part, des individus vaccinés qui risquent de tomber de plus en plus malades parce que le virus s'adapte et surmonte les anticorps vaccinaux. 

 

Il va sans dire que l'immense majorité des experts ne voit pas les choses du même œil.  Entre autres raisons, c'est parce qu'ils focalisent à tort leur attention sur les hospitalisations, soit les formes graves de la maladie.  Ils croient que les réductions des hospitalisations et des décès sont attribuables à l'efficacité des vaccins et que le virus finira par disparaître si les gens sont adéquatement vaccinés.  Puisqu'ils ne voient de solution au virus que par l'entremise des vaccins, alors tout ce qu'ils préconisent est que les individus soient vaccinés davantage.  Et si le récent passé est garant de l'avenir, alors le refus de ces injections supplémentaires sera accompagné de menaces et d'interdictions par nos autorités.

 

Reprenons de manière un peu plus technique.  Les vaccins avaient d'abord pour objectif d'éviter la maladie en produisant des anticorps neutralisants (des défenses).  Malheureusement, bien que ces vaccins aient pu réduire la maladie ils n'ont pas empêché la transmissibilité du virus.  Celui-ci a donc développé une résistance et a alors été en mesure d'échapper à ces anticorps en sélectionnant des variants plus adaptés à sa survie.  Il en est ainsi du variant Omicron et de sa famille de sous-variants; il a échappé aux anticorps neutralisants.  À cause de cette interaction entre le virus et les vaccins, ceux-ci continuent de produire des anticorps, mais cette fois des anticorps non-neutralisants qui se comportent différemment selon où ils se retrouvent. 

 

Normalement, lorsque les anticorps neutralisants se lient à la protéine de pointe dans le but de la neutraliser, les anticorps non-neutralisants ne se rattachent pas à cette protéine, responsable de l'infection et donc du virus.  Cependant, lorsque les anticorps neutralisants ne fonctionnent plus, alors les anticorps non-neutralisants s'y rattachent, mais comme leur nom l'indique ils ne neutralisent pas le virus.  Cette caractéristique demeure méconnue et plus elle le demeurera, plus grave en seront les conséquences.  On s'attarde plutôt au bienfait des anticorps non-neutralisants et plus généralement au bienfait des vaccins, à savoir qu'ils réduisent les symptômes sévères de la maladie, notamment ceux qui affectent les organes éloignés des voies respiratoires supérieures, par exemple le foie et les poumons.  C'est oublier, ou du moins ne pas reconnaître, que ces anticorps non-neutralisants tendent également à augmenter l'infectiosité du virus dans les voies respiratoires supérieures.  

 

Les anticorps non-neutralisants permettent au virus de se reproduire plus facilement, ce qui permet à celui-ci de s'adapter et de prendre ainsi une autre forme qui pourrait s'avérer plus virulente.  Malheureusement, la majorité des experts ne l'entendent pas ainsi.  Ils associent à tort le temps que prend le virus pour échapper au vaccin à l'efficacité de celui-ci, car ils concluent erronément que la réduction des hospitalisations en est une conséquence directe.  Or, ce n'est pas parce que beaucoup d'individus sont affectés par une forme bénigne du virus et conséquemment n'ont pas besoin de se présenter à l'hôpital qu'on doit conclure à l'efficacité des vaccins et crier victoire.  Au contraire, on devrait réaliser que les vaccins utilisés ne tuent pas le virus et que celui-ci a donc le temps de prendre une autre forme pour revenir à la charge. 

 

Savoir quand s'arrêter

 

Geert Vanden Bossche est un scientifique de premier plan.  Il demande à être entendu, mais on préfère l'ignorer.  On l'ignore pour des raisons évidentes, car sa compréhension de la pandémie est diamétralement opposée à celle mise de l'avant par nos autorités et ses experts.  Certains diront qu'il cherche à apeurer la population, mais devant les piètres résultats des mesures utilisées à ce jour pour contrer ce virus, je suis d'avis qu'on l'ignore à ses risques et périls. 

 

Malheureusement, advenant une autre vague épidémique nos autorités annoncent déjà qu'elles exigeront une vaccination «à jour», soit un minimum de trois doses à l'automne et probablement davantage à l'hiver.  Agissent-elles ainsi par entêtement, voire pour ne pas perdre la face ou parce qu'elles croient vraiment en l'efficacité de ces vaccins?  Pourtant, les statistiques à cet égard ne jouent pas en leur faveur. 

 

Si elles s'entêtent dans leur conviction, alors on doit craindre que cette nouvelle exigence sera accompagnée d'une panoplie de mesures contraignantes pour ceux et celles qui ne seraient pas prétendument solidaires.  Souhaitons qu'elles ne les rétablissent pas et qu'elles abandonnent l'idée d'obliger les gens à se faire vacciner davantage, car lorsqu'il est question de vie ou de mort la prudence est de mise.  Dans le doute il vaut mieux s'abstenir.  Le choix est simple, mais la décision lourde de conséquence.      

 

27 juin, 2022

Une autre écologie que l’écologie punitive est possible

 Par Loic Rousselle.

En France, nous serions tentés de dire Non, tant le battage médiatique incessant assimilant l’écologie à une posture étatiste, nécessitant de lourds sacrifices fiscaux et un contrôle renforcé de nos comportements et modes de vie est la norme.

 

Une autre écologie est possible

Et la bonne nouvelle, c’est qu’elle existe déjà… Malgré le silence des médias.

L’écologie véritable n’est pas particulièrement marquée politiquement. Étymologiquement, écologie signifie « économie de la maison »… Ce qui signifie tout simplement qu’elle vise à gérer en bon père de famille le capital de nature que nos ancêtres nous ont légués afin de le transmettre intact, voire amélioré à nos enfants. C’est une posture qui finalement est assez conservatrice (au sens de Roger Scruton) et qui est susceptible de rassembler largement parmi les personnes de sensibilité de droite comme de gauche.

Une politique écologiquement responsable cherchera à imiter autant que faire se peut le fonctionnement de la nature, tout simplement parce que l’organisation de la nature a fait ses preuves, est durable, résiliente, dotée de formidables capacités d’adaptations et génère une esthétique et une diversité incroyable.

L’organisation de la nature est totalement décentralisée et soumise à l’ordre spontané, c’est ce qui permet sa richesse et les adaptations aux conditions spécifiques de chaque territoire. Le type d’organisation économique qui imite le mieux le fonctionnement naturel est donc l’économie libre plutôt que le capitalisme d’État. L’organisation politique la plus proche du fonctionnement de la nature est une organisation décentralisée qui vise à ce que les décisions soient prises au niveau le plus local possible (subsidiarité).

 

Libertés économiques et performances environnementales sont corrélées

C’est ce que savent les véritables écologistes.

L’économie de la maison, c’est l’écologie. La maison est une belle métaphore de notre pays, c’est un lieu habité par une famille. Une politique authentiquement écologiste doit donc veiller au bien-être et à la prospérité de la population tout entière en rassemblant les citoyens au maximum. Les attentes de la majorité sociologique doivent prévaloir, y compris et surtout les attentes des citoyens qui ne votent plus car il ne se retrouvent plus dans aucune des propositions qui leur sont présentées lors des élections.

L’écologie véritable est un projet qui s’adresse aux classes moyennes, qui peut et qui doit être populaire. Les attentes des gens ordinaires pour reprendre l’expression du sociologue Christophe Guilluy doivent être respectées. Ces attentes sont finalement très naturelles : vivre de son travail, sécurité culturelle, conservation des modes de vie dans un environnement sain, services publics efficaces…

Les citoyens doivent être respectés, écoutés, consultés, responsabilisés… Le respect des droits naturels des citoyens prend tout son sens dans le cadre d’une politique véritablement écologique.

Quel est donc cet OVNI dans le paysage politique français ? C’est l’Écologie au Centre.

Ce jeune parti vient de présenter 200 candidats aux législatives, aux profils professionnels assez originaux par rapport à ceux des candidats des autres partis car aucun de nos candidats n’est professionnel de la politique et l’immense majorité d’entre eux travaillent dans le privé (beaucoup d’indépendants et d’entrepreneurs), ce qui permet une bonne connexion avec le monde réel et nous prémunit contre les propositions hors sol.

Nos 200 candidats ont obtenu un score moyen de 3 %, très encourageant pour une jeune formation inconnue du grand public et qui n’a pas eu accès aux médias.

Quelles propositions ont été défendues par Écologie au centre aux législatives ? Je vous présente une sélection des propositions adaptées à la ligne éditoriale de Contrepoints. Il y en a bien d’autres…

 

Un pouvoir d’achat dynamisé

Alignement des charges pesant sur le salaire complet sur la moyenne pratiquée dans les autres pays de l’UE afin que les Français puissent vivre de leur travail (14 % de net en plus en moyenne selon les calculs de l’institut Molinari)… Financé par la suppression des niveaux d’administrations inutiles, la réduction des dépenses de l’état.

Alignement des charges des TPE et PME s’installant dans la France périphérique sur la fiscalité moyenne pratiquée dans l’UE afin de rendre la concurrence loyale et d’aboutir par l’incitation à une meilleure répartition de l’activité économique sur tout le territoire. C’est une demande forte de la population (seuls 18% des français considèrent que les grandes métropoles sont un lieu de vie idéal).

 

Sortir du pouvoir centralisé

Inciter à transformer progressivement notre organisation territoriale hyper centralisée (de grandes métropoles très denses concentrant toute l’activité économique entourée par la France périphérique) en un réseau connecté de petites villes de province. Ce n’est pas neutre d’un point de vue écologique, le second type d’organisation consomme 30 à 40 % d’énergie en moins par la réduction des transports qu’il permet et grâce aux circuits courts.

C’est là que se situe le principal levier de réduction de notre consommation d’énergie.

Cette organisation territoriale plus équilibrée permet aussi de résoudre la crise du logement sans artificialiser les sols et sans densifier excessivement nos habitats : il y a trois millions de logements vacants dans les petites villes de province qui n’attendent que d’être rénovés ! C’est pour cela que nous avons proposé l’abrogation de la loi SRU (loi Gayssot) qui conduit à une surminéralisation excessive des abords immédiats des centres historiques de nos communes.

Vous remarquerez au passage que toutes les propositions véritablement écologistes sont incitatives (sous forme de baisse de fiscalité), jamais punitives… Subtile différence qui change tout !

Sortir de l’hyper concentration jacobine actuelle (économique, politique, territoriale) pour passer progressivement à un modèle plus horizontal est un objectif écologiste car l’organisation de pays comme l’Allemagne ou la Suisse imite mieux les organisations naturelles. Ces organisations (ainsi que le passage à la proportionnelle que nous soutenons) doivent permettre un fonctionnement politique plus apaisé et moins autoritaire que le fonctionnement que nous avons subi ces dernières années. Pour y parvenir, une politique volontariste de rééquilibrage des investissements en faveur des petites villes de province doit être mis en place ainsi qu’un déménagement des administrations actuellement cantonnées dans les grandes métropoles vers ces petites villes ; en les réorganisant au passage afin d’en réduire fortement le coût… La crise liée au covid ayant fait apparaitre une sur-administration considérable de notre pays par rapport à nos homologues européens.

Une écologie incitative ayant un programme puissant et structuré de réformes respectueuses des droits naturels, des modes de vie, des libertés économiques existe désormais dans notre pays, à l’instar de nombreux autres partis similaires dans d’autres pays européens comme le parti vert libéral Suisse par exemple.

Une écologie qui ne prône pas la décroissance, qui ne considère pas les TPE/PME comme une nuisance diminuant le capital naturel mais au contraire souhaite s’appuyer sur leur créativité et leurs capacités d’innovations pour trouver des solutions aux problèmes environnementaux qui se présenterons à nous dans le futur.

Une écologie qui s’occupe de la fin du monde et de la fin du mois !

25 juin, 2022

L’impression monétaire a détruit l’Argentine et peut détruire d’autres pays

 Par Daniel Lacalle.

Les mots les plus dangereux en matière de politique monétaire et d’économie sont « cette fois-ci est différente ». La grande erreur des politiciens argentins est de croire que l’inflation est multicausale et que tout se résout avec des doses croissantes d’interventionnisme.

L’indice des prix à la consommation en Argentine a connu une hausse de 58 % en glissement annuel en avril 2022, soit 2,9 points de pourcentage de plus que la variation enregistrée en mars dernier. Une véritable catastrophe. L’inflation en Argentine est plus de six fois supérieure à celle de l’Uruguay, cinq fois supérieure à celle du Chili, et quatre fois supérieure à celle du Brésil et du Paraguay, pays voisins exposés aux mêmes problèmes mondiaux.

 

Politique monétaire incontrôlable

Non, l’inflation en Argentine n’est pas multicausale, elle n’a qu’une seule cause : une politique monétaire extractive et confiscatoire, l’impression de pesos sans contrôle et sans demande. L’Argentine gonfle sa base monétaire pour financer des dépenses publiques excessives, gonflées et destructrices.

Depuis le début de l’année, la base monétaire a augmenté de 43,83 %, ce qui est une folie totale. L’inflation des prix est de 58,2 %.

Au cours des trois dernières années, la base monétaire a augmenté de 179,73 % et, en dix ans, de plus de 1543,8 %. Il s’agit d’une aberration économique, et non d’une « politique monétaire inclusive », comme l’a appelée Axel Kicillof, gouverneur de Buenos Aires.

Au cours des dix dernières années, le peso argentin a perdu 99 % de sa valeur par rapport au dollar. Il s’agit d’une expropriation de la richesse du pays par l’impression de pesos inutiles.

De nombreux péronistes argentins disent que les États-Unis augmentent aussi massivement leur masse monétaire et n’ont pas d’inflation. L’argument ne tient pas. La base monétaire des États-Unis augmente à un taux de 9,9 %, soit six fois moins que celle de l’Argentine, et, en outre, les États-Unis souffrent également d’une inflation de 8,5 %. Au plus fort de la surabondance monétaire américaine, la base monétaire a augmenté de 26,9 %. Au cours de la même période, celle de l’Argentine a été multipliée par trois, avec une diminution de la demande de pesos, tandis que la demande mondiale et locale de dollars américains augmentait.

En termes agrégés, la masse monétaire, y compris toute la monnaie en circulation, a augmenté en Argentine de 2 328,09 % en dix ans, tandis qu’elle a doublé aux États-Unis. En d’autres termes, la masse monétaire globale en Argentine au cours de la dernière décennie a augmenté à un rythme plus de onze fois supérieur à celui des États-Unis. Seul le Venezuela a mené une telle folie.

Il n’y a pas que les étrangers qui ne demandent pas de pesos ou ne les acceptent pas dans les transactions internationales, c’est une réalité. Les citoyens argentins n’acceptent pas leur propre monnaie comme réserve de valeur, unité de mesure et méthode de paiement la plupart du temps.

Le plus triste est que beaucoup disent que l’Argentine a déjà été dollarisée auparavant et que cela n’a pas marché. En Argentine, il n’y a pas eu de dollarisation : il y a eu une tromperie dans laquelle il a été déclaré qu’un peso était égal à un dollar. Comme les monnaies stables qui s’écrasent sur le marché aujourd’hui, la soi-disant dollarisation n’était qu’un leurre, et lorsque la bulle a éclaté, les responsables politiques ont continué à détruire encore plus le pouvoir d’achat de la monnaie.

 

Les États-Unis n’ont pas ce problème… pour l’instant

La confiance dans le dollar américain n’est pas encore en baisse ; elle est en hausse, et c’est pourquoi il se renforce globalement par rapport à la plupart des grandes monnaies du monde. La principale raison de cette force relative est que la Réserve fédérale surveille la demande mondiale de dollars américains et est considérée comme prenant des mesures décisives contre l’inflation. Cependant, le sophisme souvent répété selon lequel l’impression monétaire massive ne provoque pas d’inflation a pris fin brusquement avec la catastrophe commise en 2020. Les États-Unis, la zone euro et la plupart des économies mondiales ont décidé de répondre à un choc d’offre par des politiques massives axées sur la demande, en finançant l’augmentation sans précédent des dépenses publiques par de la monnaie nouvellement créée, et l’inflation a grimpé en flèche.

Le dollar américain ne souffre pas parce que les alternatives sont pires. D’autres nations impriment leur monnaie de manière encore plus agressive ou bien elles ont également des contrôles de capitaux et manquent de sécurité pour les investisseurs et la justice. Cependant, la Réserve fédérale ne doit pas se reposer sur ses lauriers. La confiance dans une monnaie en tant que réserve de valeur, unité de mesure et moyen de paiement peut disparaître plus vite que ne l’imaginent les décideurs. Le système actuel de freins et de contrepoids de l’économie américaine et l’ouverture du système financier permettent au dollar américain de rester la monnaie de réserve mondiale, mais les nuages s’amoncellent.

D’une part, les politiciens américains défendent de plus en plus la poursuite de politiques monétaires encore plus agressives pour financer un budget public inabordable et en hausse.

D’autre part, certains pays commencent à chercher des alternatives au dollar américain pour vendre des matières premières.

 

Une réelle menace

Ces menaces sont encore lointaines, mais elles ne doivent pas être ignorées. Le lecteur peut penser que l’Argentine est un exemple fou à comparer avec les États-Unis, mais l’exagération est délibérée.

Il suffit de se pencher sur l’histoire des gouvernements qui poussent à augmenter massivement le budget et à le financer avec une monnaie de plus en plus impopulaire, et les risques pour l’euro ou le dollar deviennent plus évidents. Le lecteur dira peut-être que les citoyens des économies développées ne permettraient jamais qu’une telle chose se produise dans leur pays, mais l’Argentine était également une économie riche et prospère il y a plusieurs décennies. Elle était l’une des économies les plus riches et les plus importantes du monde au début du XXee siècle. Une combinaison de protectionnisme, de politiques interventionnistes populistes et de décisions monétaires insensées a détruit l’économie, et elle ne s’en est jamais remise.

Toutes les décisions insensées des gouvernements argentins mentionnées ci-dessus sont maintenant défendues par les politiciens de tous les États-Unis et de l’Europe : « Cela ne nous arrivera pas » et « Cette fois-ci, c’est différent. » Ce n’est pas différent.

Les empires tombent toujours parce qu’ils commencent à détruire le pouvoir d’achat de leur monnaie et parce que leur position dans le monde s’effondre à mesure que le protectionnisme et l’interventionnisme érodent la confiance dans le gouvernement et ses institutions. Une fois que la destruction commence, ce n’est qu’une question de temps avant que les citoyens ne commencent à épargner en or ou dans d’autres réserves de valeur réelles. Il y a une leçon à tirer pour tous ceux qui défendent le fait de repousser constamment les limites de la politique monétaire et des mesures isolationnistes. Une fois que vous avez poussé trop loin, il n’y a pas de retour en arrière possible.

J.P. Morgan avait l’habitude de dire que l’or est l’argent et que tout le reste est du crédit. Le crédit, c’est la confiance. Une fois la confiance perdue, la monnaie se dissout. C’est une leçon pour tout le monde.

24 juin, 2022

[PODCAST] Les désillusions de la liberté, avec Pierre Bentata

 Par Pierre Schweitzer.

Épisode #24

J’ai de nouveau le plaisir d’accueillir Pierre Bentata, économiste, Maître de Conférences à Aix-Marseille Université au Laboratoire Interdisciplinaire de Droit des Médias et des Mutations Sociales. Il dirige également le cabinet d’études économiques Rinzen. Essayiste, il est l’auteur de plusieurs ouvrages autour du thème de la liberté dans nos sociétés. Dans celui intitulé Les désillusions de la liberté (2017, Éd. de l’Observatoire) il tente d’expliquer pourquoi le système d’économie de marché et de démocratie libérale est si souvent rejeté malgré des résultats indiscutables en matière de prospérité matérielle.

Dans le précédent épisode avec mon invité, nous avions tenté d’expliquer pourquoi des individus apparemment rationnels accordaient autant de crédit à l’État sous ses divers avatars, y compris pour combler des besoins aussi complexes et profonds que celui d’être heureux. Mais il n’y a pas que vers l’État que les individus se tournent et à qui ils souhaitent confier leur destinée, les mouvements nationalistes, religieux intégristes, ou encore des idéologies comme le transhumanisme ont toutes pour point commun, selon l’auteur des Désillusions de la Liberté, de naître ou souvent renaître à la suite d’une déception face aux promesses – ou ce que nous imaginions être les promesses – d’un monde économiquement prospère et mondialisé. Je vous encourage vivement à vous procurer cet essai très accessible, au style particulièrement clair et agréable.

Si le lecteur ci-dessous ne s’affiche pas, rechargez la page ou cliquez ici 

Interview et production par Pierre Schweitzer. Pensez à vous abonner et faites-nous part de vos commentaires, et à bientôt pour un nouvel épisode.

Programme :

04:57 – Le miracle économique du couple marché-mondialisation
06:51 – Pourquoi rejeter le développement économique ?
09:56 – La réussite de Venise : exemple de synergie public-privé ?
14:44 – Une culture doit-elle parfois se replier temporairement pour survivre ?
19:14 – Une vision naïve de la mondialisation par les tenants des Lumières ?
22:12 – Qui sont les anti-Lumières ?
26:17 – Le marché global fracture-t-il les territoires nationaux ?
26:27 – Existe-t-il un « droit à conserver son emploi » dans une économie mondialisée ?
43:07 – Homme-Nature : entre volonté de maîtrise et désir de fusion
01:00:40 – Comment échapper aux désillusions de la liberté ?
01:05:51 – Gagnez un exemplaire dédicacé du livre

Pour aller plus loin :

Notre précédent podcast avec le même invité
L’ouvrage dont nous traitons dans l’émission

Les précédents essais de P. Bentata
Ses articles dans Contrepoints
Isaiah Berlin : liberté négative v. liberté positive, deux visions de la société (D. Theillier, Contrepoints, 21 juillet 2021)

23 juin, 2022

La décroissance est terrible pour tout le monde, surtout pour les pauvres

 Par Saul Zimet.

Les chiffres de la croissance économique pour le premier trimestre de cette année sont tombés, et ils sont lamentables. Dans l’économie très réglementée des États-Unis, nous en sommes venus à nous attendre à des taux de croissance faibles. Mais une croissance négative est particulièrement mauvaise, ne se produisant que dans des conditions économiques terribles. Et pourtant, décroître est précisément ce qu’a fait l’économie américaine au cours des trois premiers mois de 2022.

Selon un communiqué du département du commerce, le produit intérieur brut (PIB) corrigé de l’inflation a diminué de 0,4 % au cours du premier trimestre de cette année, ce qui représente une baisse annualisée de 1,4 %. Cette contraction fait du premier trimestre de 2022 le trimestre le plus faible pour la croissance du PIB depuis la récession de 2020 liée à la pandémie.

La décroissance économique est terrible pour presque tout le monde, mais elle met surtout en danger les pauvres. Il est donc remarquable que les problèmes liés à la décroissance soient moins appréciés par ceux qui prétendent être les plus soucieux des intérêts des classes inférieures.

 

La minimisation de la décroissance

Le New York Times rapporte que la Maison Blanche a été « dédaigneuse » des récentes nouvelles du Département du Commerce, réfutant le fait que « les dépenses de consommation, les investissements des entreprises et les investissements résidentiels ont augmenté à des taux élevés ».

Si les gens sont réconfortés par les mesures de réussite choisies par l’administration Biden dans une économie qui souffre globalement, c’est probablement en partie parce que la croissance économique est considérée comme une faible priorité, au mieux, par un ensemble important des commentateurs politiques.

Robert Pollin, professeur d’économie et codirecteur de l’Institut de recherche en économie politique de l’Université du Massachusetts Amherst, qui a participé à l’élaboration d’une loi pour le sénateur Bernie Sanders, a déclaré lors d’une interview :

« À moins de changer l’environnement politique et de rendre les politiques économiques plus égalitaires, toute la croissance ira dans les poches des riches, ce qui s’est plus ou moins produit, en tout cas depuis la fin de la récession. Donc, la croissance est mauvaise si elle est plus inégalitaire. »

Ben Burgis, chroniqueur à Jacobin Magazine et professeur adjoint de philosophie au Morehouse College, plaide en faveur d’une économie coopérative tout en admettant :

« Probablement dans une économie dominée par les coopératives, parce que les gens n’auront pas le même genre d’incitations à ce genre d’expansion rapide que les propriétaires d’entreprises plus traditionnelles pourraient avoir, je pense que cela signifie que vous allez probablement avoir une croissance économique plus lente […] Mais je ne suis pas sûr que ce soit une mauvaise chose, surtout si l’on commence à penser aux effets écologiques d’une croissance constante pour le plaisir de la croissance. »

Le commentateur politique socialiste Ian Kochinski, qui se présente sous le pseudonyme de Vaush, a déclaré :

« L’une des tristes vérités d’être socialiste est que vous devez accepter que votre nation ne pourra pas profiter de la croissance vertigineuse du PIB dont bénéficient les nations capitalistes. Il va falloir sacrifier une partie de l’efficacité économique, dans l’espoir d’améliorer la vie de tous. »

Certains critiques de la croissance vont même jusqu’à remettre en question son importance en tant qu’objectif politique. Par exemple, dans son livre à succès intitulé This Changes Everything : Capitalism vs. The Climate, Naomi Klein qualifie la croissance économique de « téméraire et sale » et préconise une politique de « décroissance radicale et immédiate » afin de ramener les émissions mondiales de carbone à des niveaux gérables.

 

La croissance et les pauvres

Max Roser, économiste à l’université d’Oxford, a souligné que le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a diminué d’environ 137 000 individus chaque jour au cours des 25 dernières années. Cela représente plus d’un milliard de personnes, soit plus qu’il n’y avait de personnes sur Terre il y a seulement deux siècles.

Cet événement miraculeux a été qualifié de « fait le plus important concernant le bien-être dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale » par l’économiste Angus Deaton, lauréat du prix Nobel de l’université de Princeton, dans son livre The Great Escape. Et comme l’a fait remarquer Fareed Zakaria, animateur sur CNN et chroniqueur au Washington Post, ces données indiquent que davantage de personnes ont échappé à l’extrême pauvreté au cours des cinquante dernières années qu’au cours des cinq cents années précédentes.

Steven Pinker, spécialiste des sciences cognitives de l’université de Harvard, note dans son livre Enlightenment Now (2018) que si cette tendance devait se poursuivre, le taux d’extrême pauvreté atteindrait zéro en 2026. La pandémie de Covid-19 et les confinements ont fait reculer l’économie mondiale de quelques années, mais la fin virtuelle de l’extrême pauvreté reste largement à portée de main, ce qui est une circonstance sans précédent à vivre en tant qu’espèce.

Comme l’expliquent Deaton et Pinker dans leurs ouvrages précités, et comme l’explique Benjamin M. Friedman, président du département d’économie de l’université de Harvard, dans son livre The Moral Consequences of Economic Growth, l’amélioration du sort matériel des pauvres entraîne une amélioration de leur santé physique, de leurs possibilités d’éducation, de leur espérance de vie, de leur sécurité face à la violence, de la confiance en leurs voisins et d’innombrables autres niveaux de vie.

Comme l’écrit Pinker :

« Bien qu’il soit facile de se moquer du revenu national comme d’une mesure superficielle et matérialiste, il est en corrélation avec tous les indicateurs de l’épanouissement humain. »

Il est à noter que ceux qui sont sortis de l’extrême pauvreté, principalement dans des pays comme la Chine et l’Inde, n’ont pas été aidés par des programmes sociaux massifs, mais par un marché mondial croissant pour leur travail. Si la redistribution de la richesse préexistante était la cause de ce phénomène, alors la réduction de l’extrême pauvreté se serait accompagnée d’une réduction de l’extrême richesse dans un autre sous-ensemble de la population.

Au contraire, il n’existe aucun groupe démographique important dont les pertes massives correspondent à ces gains massifs. Au contraire, comme les Américains et les autres habitants des pays riches sont devenus plus riches en moyenne, leur demande accrue de main-d’œuvre à l’étranger a fait passer les travailleurs des fermes aux usines, des usines aux ensembles de bureaux, etc. Cela a été rendu possible par le fait que le produit mondial brut a plus ou moins doublé depuis 1990.

Cette croissance généralisée n’a cessé de se développer depuis qu’elle a commencé à l’époque de la révolution industrielle, ce qui explique pourquoi plus de 90 % de la population humaine a vécu avant 1800 dans une extrême pauvreté tout au long de l’histoire de l’humanité, et pourquoi moins de 10 % vit dans une extrême pauvreté aujourd’hui. C’est la croissance économique, et non les programmes de redistribution, qui a permis aux masses de sortir de l’extrême pauvreté comme jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité.

 

La croissance comme objectif politique

Tyler Cowen, économiste à l’université George Mason, explique dans un article de Foreign Affairs :

« Sur le moyen et le long terme, même de petits changements dans les taux de croissance ont des conséquences importantes sur le niveau de vie. Une économie qui croît à 1 % double son revenu moyen environ tous les 70 ans, alors qu’une économie qui croît à 3 % double son revenu moyen environ tous les 23 ans – ce qui, au fil du temps, fait une grande différence dans la vie des gens. »

Pour concrétiser ce point, Cowen propose une expérience de pensée dans son livre Stubborn Attachments :

« Refaites l’histoire des États-Unis, mais supposez que l’économie du pays ait progressé d’un point de pourcentage de moins chaque année entre 1870 et 1990. Dans ce scénario, les États-Unis de 1990 ne seraient pas plus riches que le Mexique de 1990. »

Ce ne sont pas seulement les Américains riches qui seraient moins bien lotis dans un tel scénario – les classes inférieures et moyennes du Mexique sont beaucoup plus mal loties que les classes inférieures et moyennes des États-Unis, et cela est largement fonction de la réussite générale de l’économie de chaque pays.

Dans le discours politique et économique actuel, deux grandes stratégies sont proposées pour lutter contre la pauvreté.

La première consiste à redistribuer les richesses de ceux qui en ont beaucoup, les membres les plus puissants de la société sur le plan économique, à ceux qui en sont dépourvus, les membres les plus faibles de la société sur le plan économique. Cette stratégie à somme nulle est pratiquement vouée à l’échec car elle nécessite de se faire des ennemis parmi les plus puissants économiquement, qui sont, par définition, à la fois incités et habilités à empêcher la redistribution. C’est en grande partie la raison pour laquelle toutes les expériences socialistes majeures de l’histoire ont abouti à ce qu’une classe d’élite prenne le contrôle et s’enrichisse au détriment des classes inférieures.

L’autre stratégie consiste à accroître l’abondance des richesses au point qu’une partie toujours plus grande de la population puisse se permettre de satisfaire ses besoins. Cette stratégie à somme positive repose sur la croissance économique. Tout comme l’augmentation de l’offre de pommes fait baisser leur prix, l’augmentation de l’offre de richesses réduit les obstacles à l’obtention de ressources suffisantes pour satisfaire ses besoins dans une économie de marché.

Au fur et à mesure que certains deviennent plus riches, ils seront disposés à payer davantage pour votre travail. Et plus l’économie se développe, plus les progrès technologiques et scientifiques peuvent être financés, ce qui finit par accroître les capacités de la grande majorité de l’humanité. Au lieu de faire de l’élite économique un ennemi, cette stratégie en fait une alliée, ce qui signifie qu’elle a beaucoup plus de chances de réussir dans la pratique. Et comme nous l’avons vu, contrairement à toute autre stratégie jamais tentée, elle s’est déjà révélée efficace à l’échelle mondiale pour réduire la pauvreté et améliorer la condition humaine d’autres manières grâce aux progrès technologique et scientifique.

À terme, même une petite variation du taux de croissance économique fera la différence entre la famine et la survie pour des millions ou des milliards de personnes, sans parler de la différence entre l’extinction de l’humanité et sa capacité à financer suffisamment de progrès technologiques pour devenir durablement multiplanétaire.

Les détracteurs de la croissance ont tort quant à ses dangers environnementaux, mais ils ont également tort de minimiser son rôle dans la lutte contre la pauvreté. Si leur objectif est effectivement de gagner ce combat, les responsables politiques devraient placer l’inversion de la tendance à la croissance lamentable de l’Amérique en tête de leur liste de priorités.

22 juin, 2022

10 idées hayekiennes pour un monde en crise

 Pour comprendre pourquoi les hommes politiques font fausse route face à la crise, il est bon de se rappeler les thèses défendues par Friedrich Hayek. Voici 10 idées-clés de l’auteur autrichien.


Par David Azerrad.


Un article de l’Institut Coppet.

Inspiré d’un essai de Bruce Caldwell, éditeur de The Collected Works of F. A. Hayek, dans lequel ce dernier identifie les 10 thèmes clés de la pensée de Hayek.

1.  Les récessions sont inévitables

Des alternances de périodes de croissance économique et de périodes de stagnation ou de recul sont nécessaires et inévitables dans une économie monétaire de marché libre. Les ralentissements ne sont pas des aberrations mais un remède douloureux et nécessaire pour rétablir l’équilibre de l’économie.

Toutefois, cette vérité ne signifie pas que toutes les récessions sont naturelles : l’ingérence de l’État dans l’économie culmine dans une récession. Par exemple le maintien des taux d’intérêts trop bas trop longtemps conduisant au malinvestissement, trop de projets d’investissements sont lancés qui ne peuvent en fin de compte être rentables.

2. La planification centrale et une réglementation excessive ne fonctionnent jamais

Le désir de planifier et de soumettre l’économie à la domination des experts met la liberté en danger. Comme Hayek le notait succinctement : « plus l’État planifie, plus la planification individuelle devient difficile ». Il soutenait que la planification centrale pleinement mise en œuvre conduit à des résultats économiques désastreux et finalement à des restrictions des libertés politiques et personnelles.

3. Il faut quelques règles

Hayek a clairement fait savoir qu’il ne préconisait pas un système de « laisser-faire pur » (ici au sens de laisser-aller), mais un système général de règles qui permette aux individus de mener à bien leurs propres plans. La contribution de Hayek a été de souligner l’importance des institutions : un système de marché, dans un régime démocratique, avec un système de droits de propriété bien définis, appliqués et échangeables, protégé par une forte Constitution et fonctionnant sous le règne du droit, dans lequel les lois sont stables, prévisibles et appliquées de façon impartiale.

4. La stimulation ne sert qu’à stimuler le déficit

L’expérience du passé sur les tentatives de réglages fins de l’économie montre que les politiques budgétaires et monétaires contra-cycliques peuvent parfois rendre les choses bien pires, comme durant les années 1970. Les hommes politiques sages seraient ainsi bien avisés de ne pas intervenir, quand bien même leurs instincts les poussent à montrer aux électeurs qu’ils font quelque chose.

5. L’économie est trop complexe pour une prévision précise

Comme aurait pu le dire Yogi Berra (légende du baseball, connu pour ses lapsus) : « Je déteste faire des prévisions économiques. Surtout si elles concernent l’avenir. » Ce n’est pas que nous ne sachions rien, mais plutôt que ce que nous ignorons révèle les limites de notre connaissance, et partant, de notre capacité à planifier et à prévoir. Lorsque le problème de la connaissance s’ajoute à d’autres problèmes politiques et économiques, l’espoir qu’une démarche rationnelle émerge de Washington devient très faible.

6. Se souvenir de la règle des conséquences imprévues

L’histoire montre qu’en s’efforçant d’atteindre certains objectifs – particulièrement lorsque leur réalisation implique d’interférer avec le fonctionnement du mécanisme des prix – toutes sortes d’effets pervers qui ne faisaient pas partie du plan initial se produiront (voir point 10).

Hayek n’était pas totalement opposé à l’expérimentation et au changement, mais pensait que des inflexions graduelles étaient toujours préférables à des tentatives de reconstruction globale de la société.

7. On n’imagine pas tout ce qu’on peut apprendre dans un cours d’initiation à l’économie

Alors que Hayek a souvent souligné les limites inhérentes à une discipline qui traite d’un système complexe comme l’économie, les principes de base de l’économie – la rareté, l’offre et la demande, la division du travail, etc. – peuvent expliquer beaucoup de choses sur le monde et contribuer à éviter certaines mesures inadéquates, comme par exemple des prix plafonds.

Un bon cours d’économie aidera ainsi à identifier des politiques mieux adaptées – des mesures qui s’appuient sur les marchés plutôt que sur la fixation des prix ou la tentation d’obtenir des résultats spécifiques par la loi.

8. Ne pas tenir compte de la justice sociale

Les marchés libres conduisent nécessairement à une distribution inégale des richesses et provoquent, tout aussi inévitablement, des appels pour une justice sociale égalitariste, comme le sait quiconque a lu les pages éditoriales du New York Times ou parcouru le Huffington Post. Hayek jugeait ces cris erronés et dangereux.

Premièrement, il contestait que la justice puisse s’appliquer à un processus de marché impersonnel : les actions d’une personne ou d’une organisation peuvent être justes ou injustes, mais le processus du marché et la distribution des revenus qu’il génère n’ont rien à voir avec la justice.

Deuxièmement, les revendications égalitaristes de ceux qui réclament la justice sociale violent le principe de l’État de droit. Si les individus diffèrent dans leurs attributs, alors des personnes différentes connaîtront nécessairement des résultats différents. Le seul moyen pour obtenir des résultats égaux pour des individus différents est de les traiter de manière inégale.

Enfin, les programmes de redistribution supposent que nous disposions de connaissances qu’en réalité  nous n’avons jamais (voir point 5).

9. Rien ne vaut le marché libre

Hayek admettait que si nous disposions de davantage de connaissances, nous pourrions faire beaucoup plus pour améliorer le monde grâce à la planification et la réglementation. Mais ce n’est pas le cas, et dans le monde de connaissances dispersées qui est le nôtre, une grande partie de celles-ci nous est fournie par le fonctionnement du marché.

Dans un monde rempli d’incertitudes, où l’homme sur place ne dispose que de sa propre petite parcelle de connaissances locales (et parfois seulement tacites), les signaux du marché fournissent des informations sur lesquelles il peut fonder ses décisions. Celles-ci, additionnées à des millions d’autres, alimentent le système pour faire émerger les prix. Constamment, de mauvaises décisions et des erreurs sont faites, mais dans un système de marché, les erreurs des uns sont des opportunités pour d’autres qui contribuent à les corriger par leur recherche d’actions profitables.

Le système autorégulateur du marché, lorsqu’il fonctionne bien, réduit une partie de l’incertitude à laquelle nous sommes tous confrontés dans l’arène économique et contribue à coordonner nos actions avec celles de millions d’autres. Il permet aussi à des individus d’agir à partir de leurs propres connaissances locales et à d’autres de tirer profit de ces connaissances même s’ils n’en disposent pas eux-mêmes.

10. En règle générale, les remèdes de l’État ne sont pas seulement pires que le mal, mais conduisent à de nouvelles maladies

Si vous considérez que les bureaucrates sont incités à maximiser la bureaucratie, que les hommes politiques qui aspirent à leur réélection – et lequel n’est pas dans ce cas ? – sont incités à augmenter les dépenses et/ou à diminuer les impôts (on retrouve là l’opposition entre néo-keynésiens et tenants de l’économie de l’offre), et que les entreprises sont incitées à éliminer la concurrence au moyen d’avantages concédés par l’État, vous conclurez que le marché libre reste notre meilleure option (voir point 9).

21 juin, 2022

Alimentation : le secteur privé plus grand défenseur des consommateurs

 Par Élodie Keyah.

Récemment, la Commission européenne a annoncé des propositions de révision de la réglementation sur le tabac. Il semblerait que les taxes en vigueur n’aient pas été révisées depuis… 2010, et qu’elles ne prennent donc aucunement en compte ni l’évolution du marché, ni les niveaux d’inflation ces dernières années.

Ce projet de réforme n’est que la pointe de l’iceberg en ce qui concerne les restrictions de consommation à échelle nationale et européenne. Que ce soit en termes d’alimentation, d’alcool ou encore de tabac, ce paternalisme pose tout d’abord des questions de principe.

Au nom de la protection des consommateurs, le législateur prend des décisions à leur place, impose un mode de vie particulier, et décrète arbitrairement ce qui constitue un niveau de risque acceptable. Mais à l’ère de l’information accessible en quantité illimitée, ces derniers ne sont-ils pas capables d’assumer les conséquences de leurs propres décisions personnelles ? Selon une dernière étude IFOP, 8 Français sur 10 se déclarent pourtant intéressés par les questions liées à l’alimentation – dont 32 % déclarent l’être beaucoup et 51 % assez.

 

Des politiques inefficaces et coûteuses

Rappelons tout d’abord qu’au cours de l’histoire, la moralisation des habitudes des consommateurs a débouché sur le chaos social. Ainsi, la « gabelle du sel », instaurée au Moyen-Âge, est à l’origine de nombreux soulèvements populaires. Véritable loi somptuaire, la « taxe whisky » aux États-Unis, censée alerter sur les effets indésirables de l’alcool, a débouché sur une violente rébellion à la fin du XVIIIe siècle. Là où les taxes représentent une aubaine, la protection de la santé est une excuse traditionnelle pour mieux piéger le contribuable.

Ensuite, l’État échoue la plupart du temps à atteindre ses objectifs. Selon un rapport du Sénat, l’introduction de la « taxe soda » en 2012 n’a eu des effets que très incertains sur l’obésité. Sans surprise : une taxe ne distingue pas les consommateurs effrénés des plus modérés… Mais une chose est sûre : ces politiques impactent grandement le pouvoir d’achat des ménages modestes. Toujours selon le même rapport, certaines marques de boissons ont même vu leur prix de vente augmenter jusqu’à 25 %. En plus d’être inefficace, l’État s’attaque donc, en pratique, au portefeuille des plus défavorisés.

 

Le privé plus efficace que l’État

En réalité, les initiatives privées et coalition de consommateurs sont beaucoup plus efficaces pour améliorer la santé des individus. Plus proches des consommateurs, les entreprises peuvent s’adapter plus rapidement à l’évolution constante de leurs attentes – au risque de perdre des parts de marché. Donnée essentielle, la perte de profit se révèle être une sanction beaucoup plus efficace que n’importe quelle mesure coercitive.

Récemment, l’entreprise Pepsi s’est engagée à réduire la teneur moyenne en sucre de ses boissons à hauteur de 25 % d’ici 2025, et 50 % d’ici 2030. En Suisse, la Déclaration de Milan, créée en 2015, a débouché sur l’engagement de dix entreprises pour la réduction de la teneur en sucre des yaourts et céréales. De la même manière, l’entreprise Yuka est une énième illustration d’initiative privée pour une plus grande information des consommateurs sur la composition des produits.

En attendant, l’État prétend lutter contre l’obésité, mais subventionne la filière du sucre à hauteur de 133 millions d’euros par an. Il prétend lutter contre le cancer, mais subventionne allègrement les débits de tabac. Il prétend lutter contre les méfaits de l’alcool, mais ne voit aucune contradiction à taxer et en même temps subventionner la filière viti-vinicole.

Au fond, l’idée même d’un « intérêt » commun aux consommateurs n’a pas beaucoup de sens. Cet holisme étriqué suggère qu’il y aurait un objectif unique vers lequel devrait tendre chaque individu, et rejette la possibilité de préférences individuelles multiples. Et si nous étions libres de devenir obèse ?