Les grands prêtres de l’écologie ont popularisé l’utilisation des énergies propres. Les politiciens n’ont pu résister à l’envie de récupérer la mode des énergies propres à des fins politiques. Dans un but purement électoraliste, ils ont imposé l’ajout d’éthanol dans l’essence. Les conséquences de cette politique mal avisée sont dramatiques pour l’environnement et les consommateurs.
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L'économie popcorn
Ariane Krol, La Presse, Le mercredi 24 oct 2007
On savait déjà que l'éthanol fabriqué à partir de maïs grain ne contribuait pas beaucoup à réduire les émissions de gaz à effets de serre. On s'aperçoit maintenant qu'en subventionner la production n'a pas plus de sens au point de vue économique.
Ce ne sont pas des environnementalistes qui le disent, mais le stratège en chef de Marchés mondiaux CIBC, l'une des plus grandes banques d'investissement canadiennes. Jeff Rubin s'est attardé au marché américain, mais ses constats ont des répercussions ailleurs.
Désireuse de réduire sa dépendance au pétrole importé, l'administration Bush s'est mise à subventionner massivement l'éthanol de maïs. Ça lui a coûté près de 8 milliards de dollars l'an dernier, et ce n'est qu'un début. L'objectif de produire 132 milliards de litres en 2017 - six fois le volume actuel - devrait nécessiter plus de 25 milliards de fonds publics.
Pour les agriculteurs et les marchands de semences et d'engrais, c'est le pactole. Mais les simples citoyens, eux, paient deux fois, car la ruée vers l'éthanol propulse le prix du panier d'épicerie à des niveaux record. L'inflation alimentaire devrait dépasser les 4% cette année aux États-Unis, du jamais vu depuis 15 ans. En 2009, elle pourrait friser les 7%.
L'éthanol n'est pas seul en cause, mais il a une grande part de responsabilité. Pendant que les fermiers alimentent les raffineries, ils ne produisent pas de moulée pour le bétail, ni d'autres cultures. Les cours des céréales atteignent des niveaux record, ce qui fait monter les prix d'une foule d'aliments.
En voulant solutionner un problème, Washington en a créé un autre qui risque de lui donner de sérieux maux de tête. Ce n'est pas tant de l'inflation qu'il faut s'inquiéter - la bouffe ne représente que 15% de l'indice des prix à la consommation américain - mais de la grogne des consommateurs les moins nantis, qui y consacrent près de 40% de leur budget.
L'inflation alimentaire est beaucoup plus modérée au Canada, mais tous les pays ne s'en tirent pas aussi bien. La flambée du prix de la tortilla a poussé les Mexicains à descendre dans la rue et le pire est à craindre dans les nations en développement, où la population n'a tout simplement pas plus d'argent à dépenser pour se nourrir.
Tout ça pour un substitut qui, comme le souligne Jeff Rubin, ne serait pas concurrentiel sans subvention, même avec un baril de pétrole à 100$.
Il faut lire le dossier que le National Geographic consacre, ce mois-ci, aux biocarburants. Faire pousser son combustible est peut-être la voie de l'avenir, mais ce n'est pas une solution immédiate. L'éthanol de canne à sucre produit au Brésil est plus cohérent d'un point de vue énergétique, mais sa culture impose un lourd tribut à l'environnement.
L'idéal serait d'employer des déchets, comme les copeaux de bois ou la bouse de vache. On pourrait même utiliser le maïs plus intelligemment, en réservant les épis à l'alimentation animale et en récupérant les tiges et les feuilles pour en faire du carburant. Mais la technologie est loin d'être au point. Le gouvernement Harper, qui mousse l'éthanol lui aussi, devrait concentrer ses investissements dans ce genre de recherches plutôt que de calquer bêtement le modèle américain.
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