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13 mai, 2015

Le révolutionnaire, l’expert et le geek

Revue de livre par Alexis Vintray.

Révolutionnaire, planiste ou geek, voici les trois faces des influences que l’histoire française feraient sommeiller en chacun d’entre nous selon Gaspard Koenig, essayiste bien connu de nos lecteurs. Entre ces trois influences, il nous invite, dans Le révolutionnaire, l’Expert et le Geek (Plon, 2015) à choisir pour rejeter la servitude volontaire dans laquelle nous sommes aujourd’hui tombés : « Gérard Oury, le créateur de Rabbi Jacob, passerait devant les tribunaux pour incitation à la discrimination. Joseph Oller, l’inventeur du pari mutuel, serait sommé d’arrêter ses activités pour cause de concurrence déloyale vis-à-vis des bookmakers. Haussmann abandonnerait ses projets incompatibles avec le Plan Local d’Urbanisme », etc. « De protecteur des libertés, l’État s’est mué en surveillant général ».

Pour expliquer ce déclin des libertés, l’auteur, philosophe, rejette l’économie et s’intéresse plutôt à l’histoire, moderne ou contemporaine : d’où sa décomposition, radicale, en trois étapes-clef, illustrant trois archétypes de la pensée française, le révolutionnaire, l’expert (ou technocrate, ou planiste) et le geek. Après la dérive planiste des experts, léguée par le régime de Vichy et largement poursuivie depuis, il est temps selon l’auteur de revenir au modèle révolutionnaire qu’il qualifie de « jacobinisme libéral » et incarné par le député du Tiers-État Isaac Le Chapelier, père de la loi sur les corporations. Un libéralisme certes, mais marqué par l’héritage français et plus modéré que celui que les plus radicaux de nos lecteurs pourraient désirer, mais qui vise le même but dans un « combat pour l’autonomie » individuelle. Enfin, au retour à cette source, Gaspard Koenig ajoute la « maîtrise de l’utopie numérique, en imaginant un nouvel humanisme qui réponde aux défis de la Silicon Valley et un État 2.0 qui nous redonne le contrôle de notre destin numérique ». Un tableau de la révolution qui vient, et des risques qu’elle peut aussi faire peser sur l’individu et sa liberté, avec un message de vigilance face aux trop grands espoirs que cette révolution en cours pourrait faire naître.

Au travers de l’ouvrage, l’auteur explore ces trois facettes de l’héritage français, de 1789 à aujourd’hui, en essayant de distinguer ce qui pourrait être la spécificité d’une voie française, libérale et non libertarienne, pour revenir à notre liberté perdue. À nous aussi de retrouver la « révolution libérale » qui fut celle d’une partie de la Révolution Française de 1789. Une révolution éminemment française, comme Gaspard Koenig le rappelle justement, avec de grandes figures comme Jean-Baptiste SayFrédéric Bastiat ou Alexis de Tocqueville.

La thèse de l’auteur et le livre sont servis par un style agréable et facile à lire, comme les précédents livres de l’auteur. Si la thèse est intéressante, l’on ne peut s’empêcher d’y voir toutefois une limite non négligeable : dans sa défense d’un « jacobinisme libéral » (assez paradoxal dans les termes si l’on écarte le cas Le Chapellier), l’auteur prête à l’État un rôle bénéfique, positif, pour protéger les libertés, au lieu de mettre cette responsabilité dans la société civile, face à un État menaçant. Un choix à la base de tout le livre, qui pourtant sera très loin de faire l’unanimité, en particulier chez les libéraux. Cela n’en rend pas moins le livre intéressant, mais le principe de base mériterait d’être discuté et contredit car il est tout sauf évident et acquis, justement au vue de l’histoire française…

Gaspard Koenig, Le révolutionnaire, l’Expert et le Geek, Plon, mars 2015, 269 pages.


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